Au terme d’une relation, certains enjeux peuvent être plus difficiles à régler que d’autres. Parmi ceux-ci, on retrouvera notamment les questions touchant les animaux qui font partie de notre vie et avec lesquels nous avons tissé des liens au fil des années. Je vous propose aujourd’hui un retour sur 2 jugements récents soulevant des questions liées aux animaux.
Droit de la famille - 251080
Dans le contexte du divorce des parties, l’épouse demande à être déclarée propriétaire de Love, un chien acquis par le mari avant leur mariage, faisant valoir qu’elle en a assumé principalement les soins durant le mariage. D’une part, elle invoque la possibilité de qualifier Love comme étant un meuble à l’usage de la famille dont l’usage ou la propriété pourrait, à ce titre, lui être attribué. D’autre part, elle soutient que le libellé de l’article 898.1 alinéa 1 du Code civil du Québec (C.C.Q.) pourrait justifier à lui seul la possibilité de déroger à un titre de propriété clair et que le Tribunal ordonne un transfert de propriété en faveur du conjoint qui offre un milieu de vie plus adapté aux impératifs biologiques et sensibles de l’animal. Le mari conteste la demande, faisant valoir qu’il est l’unique propriétaire de Love et qu’il s’en est toujours occupé.
Dans un premier temps, le juge ne retient pas que Love puisse être considéré comme un simple bien meuble servant à l’usage de la famille. Bien qu’il fasse état d’une ouverture du professeur Alain Roy pour l’inclusion des animaux domestiques dans le patrimoine familial, il opte plutôt pour leur exclusion. En effet, il note que les animaux domestiques ne «servent» pas ni ne sont «utiles» à la famille au sens où le seraient, par exemple, des électroménagers. Aussi, il renvoie au texte de l’article 694 du Code de procédure civile, qui porte sur le bénéfice d’insaisissabilité et qui traite distinctement des meubles servant à l’usage de la famille et des animaux de compagnie.
Dans un second temps, le juge reconnaît que l’article 898.1 C.C.Q. permettrait d’aller au-delà du titre de propriété et de considérer, notamment, les liens d’attachement entre l’animal et certains membres de la famille, y compris les autres animaux, le milieu de vie d’un époux, sa disponibilité et sa motivation à s’en occuper et la présence de mauvais traitement ou de négligence. Il note toutefois que rien ne l’autorise à transférer le titre de propriété du mari à l’épouse.
Droit de la famille - 25605
Les parties sont des conjoints de fait et elles ont une fille de 15 ans. La mère présente une demande d’ordonnance de sauvegarde par laquelle elle réclame notamment que le père continue de supporter, à titre de frais particuliers, les frais se rattachant aux activités équestres de l’enfant. Elle demande aussi le maintien des 2 chevaux de l’enfant dans leur centre équestre et le maintien des 3 animaux domestiques de la famille — 2 chats et 1 chien — dans le même environnement que l’enfant jusqu’à ce qu’un jugement définitif soit rendu. Il est à noter que le père avait déjà menacé de déménager à l’étranger avec les animaux dans le seul but de contrarier la mère.
Statuant d’abord sur les frais se rattachant aux activités équestres, le juge ordonne au père d’en supporter la totalité afin de maintenir le statu quo, notant au passage que la capacité de payer du père ne soulève pas d’inquiétude. Le juge commente ensuite les menaces du père, exprimant que, s’il est clairement inapproprié de menacer un enfant de mettre fin à une activité pour faire pression dans un conflit parental, cela l'est encore plus si cela compromet le lien affectif d’un enfant avec des animaux. En effet, les impératifs biologiques de l'animal constituent un facteur supplémentaire à prendre en compte dans toute décision de maintenir ou de mettre fin à une telle activité. Au final, vu la sensibilité et les impératifs biologiques des 2 chevaux, les retirer rapidement de la vie de l’enfant et de leur milieu de vie actuel serait contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant et aux impératifs biologiques des chevaux et cela ne devrait pas être envisagé à ce stade des procédures.
Quant aux animaux domestiques, le juge reconnaît d’entrée de jeu que les tribunaux québécois ont considéré par le passé qu’ils n’étaient pas compétents pour statuer sur la garde et les droits d’accès, mais il considère qu’il peut statuer sur la demande la mère, laquelle porte sur le maintien des animaux dans l’environnement de l’enfant, soit la résidence familiale. Il reprend la position avancée par le professeur Alain Roy voulant qu’un animal domestique puisse être considéré comme un meuble servant à l’usage du ménage au sens de l’article 401 C.C.Q. et qu’un droit d’usage puisse être conféré au conjoint de fait qui exerce la garde, dans l’intérêt supérieur d’un enfant, comme cela est possible pour une résidence familiale.
Le juge se dit ensuite d’avis qu’il peut s’appuyer sur l’article 898.1 C.C.Q., qui lui impose de tenir compte des impératifs biologiques des animaux dans les décisions qui les concernent, pour accorder un droit d’usage d’un animal au cours d’une procédure, qu'il s'agisse ou non d'un litige sur sa propriété, si cela est justifié par sa nature sensible et ses impératifs biologiques. Pour lui, l’attribution d’un droit d’usage peut impliquer qu’un animal reste dans sa résidence habituelle ou qu’il suive son pourvoyeur de soins principal. L’intérêt supérieur d’un enfant pourra aussi servir de base à un tel droit si le lien tissé avec l’animal justifie qu’il reste dans le même environnement principal que l’enfant. En l’espèce, il détermine que les impératifs biologiques des animaux seront mieux satisfaits si ceux-ci restent dans le foyer familial, avec l’enfant.
Pour plus d’information sur la garde d’un animal de compagnie en cas de divorce ou de séparation, je vous invite à consulter le site JuridiQC.