En vertu de l’article 107 de la Loi encadrant le cannabis, un locateur avait jusqu’au 15 janvier 2019 afin de remettre au locataire un avis de modification des conditions du bail en cours pour y ajouter une clause interdisant de fumer du cannabis dans le logement.

Le locataire pouvait, pour des raisons médicales, refuser cette modification. Il devait alors aviser le locateur de son refus dans les 30 jours suivant la réception de l’avis.

Plusieurs litiges portant sur l’application et l’interprétation de cette nouvelle disposition ont dû être tranchés par la Régie du logement. Voici quelques décisions qui ont retenu mon attention.

Étendue de l’interdiction de fumer du cannabis

L’article 107 de la loi énonce que « le locateur remet au locataire un avis de modification décrivant l’interdiction de fumer du cannabis applicable à l’utilisation des lieux ».

Dans Gestion immobilière Langlois inc., la Régie du logement a estimé que l’avis transmis à la locataire contenait des informations erronées en ce qu’il mentionnait que la loi permet au locateur de modifier les conditions du bail en cours pour y ajouter une interdiction de cultiver du cannabis et de le consommer ailleurs que dans le logement (paragr. 6).

Comme la loi prévoit déjà des interdictions en ce qui concerne de telles activités, dont le fait de fumer dans les aires communes des immeubles d’habitation comportant 2 logements ou plus ainsi que dans les aires communes des résidences privées pour aînés, ces mentions dans une demande de modification sont donc inutiles. Par ailleurs, l’article 107 de la loi permet uniquement la modification des conditions du bail en cours pour y inclure une interdiction de fumer du cannabis (paragr. 7).

Dans Aguilar, la modification du bail entre les parties pour y ajouter la clause suivante a été acceptée par la Régie : « Il est strictement interdit de consommer du cannabis par inhalation (fumer du cannabis). La définition de fumer vise également l'usage d'une pipe, d'un bong, d'une cigarette électronique ou de tout autre dispositif de cette nature. Cette interdiction s'applique aux airs intérieurs et extérieurs de la propriété, le terrain, les balcons, les terrasses et les airs communes [sic] » (paragr. 5).

En ce qui a trait aux lieux visés par l'interdiction, il a été décidé que la cour arrière d’un immeuble, qui est intimement liée au logement, en est un accessoire. Comme les règles sur le louage résidentiel s'appliquent aux accessoires d'un logement de la même façon qu'elles s'appliquent au logement lui-même, la Régie a conclu que la portée de la Loi encadrant le cannabis pouvait légitimement s’étendre à cette partie de l’immeuble. Ainsi, la locatrice a été autorisée à modifier les baux liant les parties pour y ajouter une clause interdisant de fumer du cannabis dans le logement, ce qui comprend la cour.

Motifs de contestation

L’article 107 de la loi ne permet pas d’invoquer des motifs de contestation autres que des raisons médicales. De plus, seul le locataire peut revendiquer l’autorisation de consommer du cannabis dans le logement. Ainsi, toute autre personne occupant les lieux loués ne peut s’opposer à la modification du bail. À titre d’exemple, dans R&H Management 2011 Inc., la locataire n’a pu revendiquer les conditions médicales de son conjoint, qui n’était pas inscrit au bail, pour refuser la modification proposée par la locatrice.

Qu’entend-on par « raisons médicales » ?

À ce sujet, la juge administrative Jodoin a décidé que la production d’une ordonnance médicale facilite la preuve du locataire mais, en l'absence d'une telle exigence dans la loi, il convient d'apprécier la preuve soumise afin de déterminer si le refus qu'oppose celui-ci à la modification est lié à des raisons médicales, ce qui été démontré dans cette affaire.

Toutefois, cette conclusion n’a pas été suivie dans Vertus, au motif que la raison doit être liée à la médecine, aux médecins, voire à un diagnostic posé par un professionnel de la santé. Dans cette cause, même si le témoignage du locataire était crédible quant à sa consommation de cannabis pour soulager ses douleurs physiques post-efforts, la juge administrative Alain a établi que son état de santé devait être confirmé dans un document produit par un praticien de la santé.

Enfin, comme il est précisé dans Immeubles Yelena inc., la consommation de cannabis par un locataire relève d'un mode de vie et ne saurait être protégée par le droit à la vie privée. Aussi, un locataire pourra voir son bail résilié, et ce, en dépit de la possession d'une ordonnance permettant l'usage de cannabis si cet usage cause un préjudice sérieux au locateur ou aux autres occupants de l’immeuble.