Jouir d’une bonne réputation est primordial dans le milieu des affaires. Une fois que celle-ci est entachée, il est difficile pour une entreprise de regagner la confiance du public. C’est pourquoi le fait d’être victime de propos diffamatoires peut avoir de graves conséquences pour une personne morale. Dans le présent billet, il sera question des jugements qui ont été rendus sur ce sujet dans les derniers mois.
G&B Maternité c. Claveau
G&B Maternité fabrique des produits de puériculture, dont 2 modèles de coussins d'allaitement. Elle vend essentiellement ses articles par l'entremise de son site Internet et d'un réseau de distribution qui les achemine à différents magasins ainsi qu'à l'occasion de salons de maternité qui se tiennent sur le territoire québécois. Elle fait de la publicité sur les médias sociaux Facebook et Instagram, par l'intermédiaire d'influenceurs et au moyen de publicités payantes. Claveau vend elle aussi un coussin d'allaitement, qui est semblable à ceux de G&B Maternité.
Dans un texte publié sur Facebook en février 2017, Cantin, une connaissance de Claveau, a mentionné que G&B Maternité se permettait de vendre un coussin d'allaitement qui contrevenait au brevet de Claveau. De plus, elle a invité les utilisateurs à partager son message afin que le plus grand nombre de personnes possible soient au courant de la situation qu’elle déplorait. Des gens ont donné suite à sa demande et ont copié son texte sur leur page du média social. La publication est rapidement devenue virale. À ce sujet, le juge Vallée a exprimé son étonnement en ces termes :
«Même à notre époque, l’époque des technologies, de la désinformation et des «fake news», le Tribunal s’avoue stupéfait de constater à quel point les gens croient absolument n’importe quoi, ne font aucune recherche ou vérification sur l’origine, la véracité ou le bien-fondé d’une affirmation et copient directement sur leur mur Facebook, comme s’ils en étaient l’auteur, le texte de quelqu’un d’autre, tout en demandant aux autres de le copier et de le partager à leur tour. Cela est tout simplement ahurissant !» (paragr. 120)
Dans cette affaire, Cantin a tenu des propos diffamatoires qui ont porté atteinte à la réputation de G&B Maternité. Jamais elle ne s'est inquiétée de savoir si ce qu'elle affirmait était vrai. Ses propos ne servaient qu'un but : nuire de façon intentionnelle à l’entreprise au profit de Claveau, qui n'a jamais été titulaire d'un brevet protégeant l’invention ou la modification d’un coussin d'allaitement. Quant à cette dernière, elle a incité les utilisateurs de Facebook à participer à une campagne de dénigrement visant G&B Maternité.
De plus, les fausses informations ont été véhiculées directement dans le secteur commercial dans lequel G&B Maternité exerce ses activités. Artisans, distributeurs, clients et autres acteurs de cette branche d’activités en ont pris connaissance. Avant ces publications, l’entreprise bénéficiait d’une réputation sans tache. Or, son image a été ternie en raison de ces événements et rien d’indique qu’elle a été rétablie auprès des personnes qui avaient pris connaissance des propos diffamatoires.
G&B Maternité s’est donc vu accorder 12 500 $ en dommages moraux par le tribunal. De plus, Cantin a été condamnée à lui payer 5 000 $ en dommages punitifs et Claveau, 2 000 $.
Regroupement des entrepreneurs et des camionneurs indépendants du Québec c. Légaré
L’Association nationale des camionneurs artisans inc. a voulu attaquer la réputation du Regroupement des entrepreneurs et des camionneurs indépendants du Québec, qui est actif dans l’industrie du transport et du camionnage en vrac, ainsi que celle de son directeur général et d’autres demandeurs. Dans une lettre à un député, elle les a associés à des « preuves de corruption et de fausses déclarations », selon ses dires.
Le juge Corriveau a estimé que les personnes physiques ou morales qui sont associées à des entreprises mêlées à de la corruption ou à une fausse facturation sont vraisemblablement rejetées dans l'opinion publique et font l'objet de sa déconsidération.
Les défendeurs ont porté atteinte à la réputation de certains demandeurs en les associant à tort, dans un document, à de tels agissements. Ils ont donc été condamnés à payer 10 000 $ en dommages moraux et 5 000 $ en dommages punitifs. Cette décision fait actuellement l’objet d’un appel (2019-02-07 (C.A.), 200-09-009938-199).
Ayotte c. Chiaramonte
Une ancienne cliente d’Ayotte, qui est entraîneur personnel dans le domaine du culturisme, a diffusé une série d'enregistrements vidéo sur son compte Instagram dans lesquels elle l’accuse d'agresser et de harceler sexuellement des femmes. Ces enregistrements vidéo contenant des propos diffamatoires à l’endroit d’Ayotte ont été accessibles pendant environ 72 heures et ont pu être visionnés par 65 000 personnes. Il est toutefois impossible de déterminer la fréquence à laquelle ces documents ont été téléchargés puis transférés par des tiers. De plus, la cliente a porté atteinte à l’intégrité professionnelle d’Ayotte à titre d'entraîneur en affirmant qu'il payait des athlètes et qu'il leur offrait des pots-de-vin lorsqu'ils se présentaient à des compétitions.
Dans l’évaluation du quantum, le tribunal a tenu compte de la nature et de la gravité des propos diffamatoires ainsi que du climat social actuel (le mouvement #metoo a vivement dénoncé les agressions à caractère sexuel). Les allégations d'agressions sexuelles sans fondement sont particulièrement odieuses et peuvent avoir un effet dévastateur à long terme sur la vie et la carrière d'une personne. Dans ces circonstances, une somme de 15 000 $ a été accordée à l’entraîneur à titre de dommages moraux et 10 000 $ en dommages punitifs.
9353-0913 Québec inc. c. Paré
Estimant qu’il était difficile de se faire rembourser les frais d’abonnement à un centre de conditionnement physique, un client et sa conjointe ont tenu des propos diffamatoires et calomnieux sur Facebook relativement à cet établissement. Ils ont notamment écrit que le studio de santé faisait continuellement l’objet d’enquêtes de l’Office de la protection du consommateur et qu’il contrevenait aux lois, ce qui est faux. Au total, l’entreprise a eu droit à 2 000 $ en dommages moraux et à 1 500 $ en dommages punitifs.
En conclusion, si vous entretenez une relation conflictuelle avec une entreprise, pensez-y à deux fois avant de ternir sa réputation sur la place publique. Un tel geste, qui ne prend parfois que quelques clics, pourrait vous coûter très cher à l’issue d’une poursuite !
Merci pour cette article Mme Pomerleau,
Je considère que les amendes sont très basses considérant les pertes que peut subir la personne diffamée, le temps et les frais qu’elle dois payer pour se défendre, sans compter tout le stress qu’elle supporte, en attendant, le système judiciaire qui peut s’étaler sur plusieurs mois, pendant que sa réputation est atteinte.
Quand est-il d’une personne qui est reconnu coupable d’arnaque devant la cour Supérieur mais qui porte son dossier en appel, peut-on diffuser le fait qu’il est reconnu coupable publiquement puisque le jugement est public ?
Bien à vous,
Quid des gens qui voudraient faire connaitre les pratiques malhonnêtes de certains employeurs ?