Même si la plupart des codes d’éthique des organisations sportives exigent, tant des athlètes que de leurs supporteurs, de respecter les arbitres, on fait souvent fi de cette règle. Par ailleurs, que ceux-ci soient âgés ou mineurs, cela a peu d’importance aux yeux des spectateurs, qui semblent juger trop sévèrement leur travail.
Est-ce qu’une mauvaise décision prise par un arbitre sportif justifie qu’il soit insulté et même violenté? La réponse est évidente, mais les quelques jugements dont il sera question dans le présent billet démontrent que, pour certaines personnes, les arbitres méritent un tel châtiment.
Voies de fait au hockey
Dans Sévigny, lors d’une partie de hockey de niveau peewee, le père d’un joueur s’en est pris à l’arbitre de ligne, âgé de 16 ans. Le casque de ce dernier a été brisé et son chandail, déchiré. Il a aussi subi une légère blessure à la paupière qui a nécessité l'application d'une pommade antibiotique et de glace.
Le juge Brossard a souligné que rien n'autorise un spectateur, surtout âgé de 35 ans, à s'en prendre à un arbitre en fonction sur la patinoire. Même si le spectateur est en désaccord avec la décision de l'arbitre en chef ou avec la façon dont le juge de lignes a expulsé son enfant, il s'agit d'un comportement inacceptable qui dénote une absence d'esprit sportif.
Selon le juge, «il est inconcevable que les arbitres doivent rester au centre de la patinoire pour se protéger des parents mécontents dans les gradins» (p. 2).
Compte tenu de la blessure mineure, des inconvénients, de l'humiliation subie par le jeune arbitre devant les joueurs sur lesquels il devait exercer son autorité, il a eu droit à 500 $ à titre de dommages-intérêts. Une somme de 500 $ à titre de dommages punitifs lui a également été accordée en raison de l'atteinte intentionnelle qu’il a subie à son intégrité et à sa réputation.
En 2003, toujours au niveau peewee, un arbitre âgé de 17 ans a été victime de voies de fait, encore une fois par le père d’un joueur, lequel était âgé de 49 ans! Ce dernier a perdu la maîtrise de lui-même lorsque son fils a été blessé par un membre de l'équipe adverse, qui l'avait bousculé. L’homme a alors fait signe au jeune arbitre de s'approcher de la bande, l'a interrogé, l'a pris au collet et lui a assené un coup de poing au visage. Je vous renvoie aux propos percutants tenus par le juge dans cette affaire :
[13] L'incompétence ou l'inexpérience de l'arbitre ne peut atténuer la gravité du geste posé par le défendeur. Il s'agit d'un acte vicieux, inacceptable et condamnable. Si le défendeur n'était pas satisfait de l'arbitrage et croyait son fils en danger, il devait prendre des dispositions pour le retirer du match.
[…]
[15] Plusieurs incidents impliquant des parents contre des joueurs ou arbitres, surviennent chaque année lors de joutes de hockey. Cette montée d'agressivité qui dégénère trop souvent en violence est inacceptable dans une société démocratique comme la nôtre. Ces gestes doivent donc être dénoncés et sévèrement réprimandés.
[…]
[29] À chaque année, plusieurs cas de violence envers les arbitres sont répertoriés à la grandeur du Québec. Ce fléau est récurrent d'année en année. Il est donc dans l'intérêt de la justice et de la société que des mesures dissuasives soient imposées. L'une de ces mesures est celle de l'imposition de dommages punitifs exemplaires. Eu égard à toutes les circonstances de cette affaire, et en prenant en compte les éléments précédemment mentionnés et l'âge de la victime, le Tribunal considère qu'il y a lieu d'accorder $2,500.00 à titre de dommages-intérêts exemplaires.
L’agresseur a également été condamné à payer la somme de 1 000 $ à l’arbitre pour les blessures et l’humiliation qu’il avait subies par sa faute.
Ce n’est pas d’hier que les arbitres au hockey sont victimes d’actes de violence. En 1976, lors d’une partie de hockey, un joueur à qui l’arbitre avait imposé une punition est entré dans une violente colère et a administré un coup de patin à ce dernier dans la région du bas-ventre. Le juge Pelletier, de la Cour supérieure, a condamné le joueur à payer 1 000 $ en dommages-intérêts et a tenu les propos suivants (p. 1595):
Il s'agit là de l'une des manifestations de violence qu'il importe de bannir du sport du hockey. Les voies de fait sur la personne d'un arbitre en charge d'une partie constituent non seulement un acte illégal mais également un acte des plus répréhensibles pour lequel un joueur devrait être banni définitivement de toutes ligues reconnues.
Malheureusement, les actes de violence sont encore monnaie courante dans ce sport.
Voies de fait au soccer
Ce n’est pas uniquement dans le monde du hockey que les arbitres sont agressés dans l’exécution de leur fonction; ce phénomène existe aussi au soccer.
Le 14 août 1993, pendant une partie de soccer, le juge de touche a avisé l'arbitre en chef qu’il y avait une bagarre entre 2 joueurs de chaque équipe. L’un d’eux a alors été expulsé de la partie. Après s'être changé, ce joueur est revenu derrière la ligne de jeu, à l'arrière du juge de touche, et lui a adressé des insultes, des critiques et des injures. Au bout de quelques instants, le joueur a décidé de s'en prendre physiquement à lui.
Le juge de touche a reçu de violents coups de pied à la tête, aux épaules et aux bras. Il en a résulté la perte de 2 dents, de nombreuses ecchymoses et une grave fracture ouverte au poignet gauche.
Pour cette violence excessive, ce joueur a été suspendu à vie de toute activité de soccer relevant de la Fédération québécoise de soccer et il a été condamné à payer une amende de 500 $ par le comité de discipline. De plus, accusé de voies de fait graves au criminel, il a plaidé coupable et a été condamné, le 8 avril 1994, à une amende de 500 $ et aux frais ou, à défaut, à une peine de 3 mois de prison assortie d’une probation de 1 an.
Enfin, dans le recours civil intenté contre lui, ce joueur de soccer a été condamné à payer 135 764 $ en dommages-intérêts et 10 000 $ en dommages punitifs.
Menaces et insultes
Des menaces, des insultes et des propos discriminatoires sont également prononcés à l’endroit des officiels.
En août 2008, un garçon âgé de 17 ans participait à un match important de soccer. Après 70 minutes de jeu, le ballon est sorti du terrain du côté du juge de touche, qui a donné la direction du ballon en faveur de l'équipe adverse de celle dont faisait partie ce joueur. Celui-ci n'ayant pas accepté la décision, il se serait accroupi et aurait tenu des propos grossiers et injurieux à l’endroit du juge de touche. L'arbitre en chef, qui n'avait pas entendu lui-même les propos, a expulsé ce joueur du match au moyen d'un carton rouge. Par la suite, celui-ci s’est précipité sur le juge de touche pour l’insulter et le malmener.
Le Tribunal des droits de la personne a conclu que les mots «fucking Arab» prononcés par le joueur de soccer à l’endroit du juge de touche étaient des propos racistes. De plus, en faisant gratuitement référence à l'origine ethnique de ce dernier tout en associant un langage grossier à ses insultes, il visait de toute évidence à blesser cet arbitre dans son identité arabe. Le jeune joueur a donc été condamné à payer 1 000 $ à titre de dommages moraux et 1 000 $ en dommages punitifs.
La prochaine fois que vous serez en présence d’un arbitre, que ce soit à titre d’entraîneur, de joueur ou de spectateur, dites-vous qu’il a droit à l’erreur et, surtout, au respect de sa personne.
Les auteurs du Blogue ne peuvent donner d'opinion ni de conseil juridique relativement aux situations personnelles des lecteurs.
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