Dans la récente décision R. c. Marion, le juge Galiatsatos, de la Cour du Québec, a déclaré un accusé coupable d’outrage au tribunal pour avoir proféré une série d’insultes et d’injures à son endroit après qu’il eut ordonné sa détention jusqu’à la fin de son procès.
Le juge a souligné que le relâchement observé sur le plan du décorum au cours des audiences par visioconférence pouvait devenir pernicieux s’il était toléré. Compte tenu de la nature des propos tenus par l’accusé, de ses antécédents judiciaires et des excuses qu’il a présentées, le juge lui a imposé une peine de 21 jours d’emprisonnement. L’accusé devra purger 13 jours d’emprisonnement en raison du crédit majoré alloué pour la détention présentencielle.
Le contexte
L’accusé subit son procès sous une accusation d’avoir proféré des menaces de mort dans un contexte conjugal. En octobre 2020, un mandat d’arrestation a été délivré après qu’il eut omis de se présenter devant la Cour du Québec malgré une ordonnance à cet égard. Il a été arrêté en novembre 2020 et a comparu par visioconférence devant le juge Galiatsatos pour une audience portant sur sa remise en liberté vertu de l’article 524 (2) a) du Code criminel.
Tout au long de l’audience, l’accusé a interrompu le juge et les avocats. Son ton était insistant, impatient et condescendant. Il a insisté pour procéder immédiatement à l’audience sur remise en liberté plutôt que de la remettre afin de lui permettre de consulter un avocat, comme le lui avaient conseillé le juge et l’avocate de garde de l’aide juridique. Au terme de l’audience, le juge a ordonné sa détention jusqu’à la fin des procédures, compte tenu notamment de ses nombreux antécédents judiciaires, dont plusieurs pour bris de probation, bris de condition ou omission de comparaître.
L’accusé s’est alors désorganisé et a proféré des insultes et des injures à l’endroit du juge. Celui-ci l’a cité pour outrage au tribunal et il lui a expliqué les étapes à venir, tout en lui suggérant de se constituer un avocat. L’accusé a continué à insulter le juge jusqu’à ce qu’il soit expulsé du local de visioconférence par les agents de détention.
Le pouvoir de sanctionner l’outrage au tribunal
Dans son jugement, le juge énonce d’abord que, en common law, le juge d’une cour provinciale a le pouvoir de sanctionner tout outrage au tribunal, pourvu qu’il soit commis in facie, c’est-à-dire en sa présence. Il rappelle que ce pouvoir, qui doit être exercé avec parcimonie, est destiné à assurer le bon déroulement des procédures et à protéger l’intégrité du processus judiciaire. Il précise que les propos délibérément insultants et injurieux envers un juge ou ceux qui jettent du discrédit sur l’administration de la justice peuvent justifier une condamnation pour outrage au tribunal puisqu’ils tentent de miner l’autorité du tribunal.
Ici, le juge a estimé que tous les éléments de l’infraction avaient été prouvés. Les propos offensants ont de fait miné l’autorité de la Cour et ont nui à l’administration de la justice. De plus, ils ont été tenus de manière délibérée, dans le but d’insulter le tribunal. Le juge précise que les excuses offertes par l’accusé ne sont pas suffisantes pour le disculper, compte tenu notamment des nombreux avertissements qu’il lui avait donnés quant à son attitude.
Prononcé de la peine et considérations pandémiques
Lors des représentations sur la peine, la défense a souligné qu’il était de plus en plus difficile pour les avocats de communiquer adéquatement avec leurs clients détenus en raison des mesures sanitaires liées à la pandémie de la COVID-19, ce qui avait pour effet d’engendrer des frustrations accrues de la part des accusés. Le procureur de la Couronne a quant à lui indiqué avoir constaté que, depuis la mise en place des comparutions et des audiences par visioconférence en raison de la pandémie, les accusés détenus semblaient accorder moins d’importance au décorum et au respect des institutions lorsqu’ils participaient aux procédures à distance.
Le juge, déclarant partager le constat de la Couronne, a souligné que la détermination de la peine dans les cas d’outrage avait pour but de punir le comportement répréhensible et de réparer l’atteinte portée à l’autorité du tribunal. En l’espèce, le juge a estimé que le climat engendré par la conduite et les propos de l’accusé était totalement inacceptable et que ce dernier avait porté atteinte à l’intégrité du système de justice pénale. Le juge a ajouté que les tribunaux ne devaient pas baisser les bras devant le comportement inacceptable de certains accusés impolis et vulgaires et que les juges jouaient un rôle primordial dans la préservation de l’intégrité du système judiciaire. Ainsi, le juge a déterminé qu’une courte peine d’emprisonnement était nécessaire en l’espèce afin de dénoncer suffisamment le comportement de l’accusé.
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