Un résident se désorganise, insulte, puis agresse avec sa marchette l’un des préposés aux bénéficiaires qui souhaitait l’aider. Il s’agit d’une situation malheureuse, mais qui peut arriver aux travailleurs exerçant leur emploi dans une résidence pour personnes âgées.
Selon le principe général, l’employeur sera imputé du coût des prestations découlant de cet accident du travail. La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles prévoit toutefois certaines exceptions, notamment lorsque la survenance de l’accident est attribuable à un tiers et que l’employeur en supporte injustement les coûts.
Afin de guider cette analyse, le Tribunal, dans la décision Québec (Ministère des Transports), a identifié 3 facteurs, soit:
- les risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur, comme celles décrites à l’unité de classification à laquelle il appartient;
- les circonstances du fait accidentel, plus particulièrement leur caractère inusité, extraordinaire ou exceptionnel, et créant par exemple une situation de guet-apens ou de piège pour le travailleur;
- les probabilités qu’une telle situation survienne, compte tenu de la nature de l’emploi du travailleur.
En 2022: 2 employeurs, 2 agressions, le même motif, mais 1 seule demande de transfert accueillie
Villa Fleur de Lys : demande accordée
Dans ce dossier, une préposée aux bénéficiaires est aux prises avec une résidente en crise. Selon l’employeur, le comportement de la résidente était imprévisible puisque, en tant que résidence privée, il choisit le type de clientèle qu’il dessert.
Ce faisant, il encadre le type de services qu’il offre aux résidents ainsi que le niveau de risques qui incombe à ses travailleurs. À cet égard, la preuve a démontré que seuls 2 cas antérieurs ont été répertoriés dans cette résidence au cours des 20 dernières années, démontrant ainsi l’absence de risque d’agression chez l’employeur.
Selon le Tribunal, il faut éviter de mettre tous les employeurs d’un même secteur d’activité ou de la même classification aux fins de l’imputation dans le même panier. Le type d’établissement et surtout le type de clientèle desservi ont une répercussion considérable sur les risques auxquels font face les travailleurs.
Cela étant, le Tribunal a accordé la demande de transfert, considérant que l’agression subie par la travailleuse constituait une circonstance exceptionnelle et qu’il était peu prévisible qu’un tel événement survienne chez l’employeur.
Résidence pour aînés Lev-Tov inc.: demande refusée
Dans ce dossier, un résident a agressé une préposée aux bénéficiaires en la piquant avec une fourchette. Selon l’employeur, cette agression n’est pas inhérente à ses activités étant donné que, en tant que ressource intermédiaire, il accueillie une clientèle ne présentant pas de dangerosité.
Or, le Tribunal a refusé la demande de transfert, estimant qu’il n’est pas surprenant que les résidents puissent par moments ressentir de l’impatience ou des frustrations et le manifestent. Bien qu’il ait convenu que l’on ne doit pas apprécier l’injustice de manière générale, par exemple en amalgamant les différents employeurs du domaine de l’hébergement de personnes âgées, le Tribunal a souligné que gérer les humeurs de la clientèle, ainsi que leurs débordements, fait partie des risques inhérents de l’employeur.
Certes, les chances de matérialisation du risque d’agression sont moindres dans le cas de l’employeur, comparativement à d’autres ressources telles que les centres d’hébergement et de soins de longue durée qui accueillent une clientèle présentant des troubles de santé mentale, mais cela ne rend pas le risque d’agression inexistant.
Ainsi, la fréquence de telles agressions, évaluée à environ 1 fois aux 3 ans, ne signifie pas que les gestes violents sont exceptionnels, inusités ou rares chez l’employeur.
Chaque cas demeure un cas d’espèce
Bien que le choix de la clientèle ne constitue pas un «motif gagnant» pour tous les dossiers, les tribunaux sont d’accord sur un élément, soit que chaque situation doit être évaluée en tenant compte des faits propres à chacune. Comme le soulignait la juge administrative Danielle Tremblay, dans Résidence pour aînés Lev-Tov : «C’est ce qui explique d’ailleurs les différents résultats retrouvés dans la jurisprudence» (paragr. 39).
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