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La Presse du 27 avril 2017 nous annonce le dépôt du projet de loi 133, visant à modifier la Loi sur la police de façon à obliger les policiers ainsi que les constables spéciaux à porter l’uniforme et l’équipement fournis par leur employeur, sous peine de se voir imposer une amende.

Ce projet de loi a été déposé par le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, dans le contexte de moyens de pression exercés depuis trois ans par les employés municipaux afin de dénoncer des modifications à leur régime de retraite. On peut se demander si ces dispositions législatives vont «passer le test» des tribunaux en ce qui concerne la protection des droits fondamentaux. 

La jurisprudence reconnaît que les salariés jouissent du droit fondamental d’exprimer leur opinion, voire leur mécontentement, relativement à la position adoptée par leur employeur dans le contexte d’un conflit de travail.

Dans Syndicat de la fonction publique du Québec inc. et École nationale de police du Québec, le tribunal a conclu que le port d’une tenue vestimentaire non réglementaire est protégé par la liberté d’expression garantie à l’article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne et qu’il constitue l’exercice d’une activité syndicale légitime. Toutefois, selon les circonstances, notamment pour des questions de sécurité, un employeur peut être fondé à restreindre la liberté d’expression de ses salariés.

Dans Ulysse et Montréal (Ville de) (Stationnement de Montréal), le tribunal a estimé que l’imposition d’une suspension disciplinaire pour avoir refusé de porter l’uniforme avait pour effet de restreindre la liberté d’expression du plaignant mais que cette restriction répondait à un objectif urgent et réel, soit celui d’assurer la sécurité des travailleurs. Il a également conclu que l’atteinte aux droits fondamentaux n’était pas disproportionnée par rapport au but poursuivi par l’employeur.

Dans Syndicat des pompiers du Québec, section locale Sainte-Thérèse et Ste-Thérèse (Ville de), le tribunal a déterminé que le moyen de pression des pompiers — qui consistait à porter un t-shirt et un pantalon de camouflage — ne causait pas préjudice ou n’était pas susceptible de causer un préjudice au service auquel le public a droit, en l’occurrence les activités de prévention des incendies.

Dans Châteauguay (Ville de) et Fraternité des policiers de Châteauguay inc., le tribunal a refusé d’intervenir afin d’empêcher les policiers de porter des chapeaux de cow-boy et des étoiles de shérif dans l’exercice de leurs fonctions. Il a conclu que le service à la population était donné et que rien ne justifiait une atteinte à la liberté d’expression des membres du syndicat.

Enfin, dans Société canadienne des postes et Syndicat des travailleuses et travailleurs des postes (griefs individuels, François Bécotte et autres), l’arbitre souligne que, dans le contexte du renouvellement de la convention collective, la liberté d’expression des facteurs prime le droit de l’employeur énoncé à la convention d’imposer un uniforme, sauf si l’exercice du droit des salariés est de nature à nuire à l’employeur.

Références

  • Syndicat de la fonction publique du Québec inc. et École nationale de police du Québec (C.R.T., 2010-01-28), 2010 QCCRT 0042, SOQUIJ AZ-50604578, 2010EXPT-636, D.T.E. 2010T-159.
  • Ulysse et Montréal (Ville de) (Stationnement de Montréal), (C.R.T., 2015-09-14), 2015 QCCRT 0470, SOQUIJ AZ-51215143, 2015EXP-2871, 2015EXPT-1822, D.T.E. 2015T-713.
  • Syndicat des pompiers du Québec, section locale Sainte-Thérèse et Ste-Thérèse (Ville de), (T.A.T., 2016-05-16), 2016 QCTAT 2928, SOQUIJ AZ-51288042, 2016EXPT-1015, D.T.E. 2016T-393.
  • Châteauguay (Ville de) et Fraternité des policiers de Châteauguay inc. (C.R.T., 2014-12-04), 2014 QCCRT 0693, SOQUIJ AZ-51155903, 2015EXPT-469.
  • Société canadienne des postes et Syndicat des travailleuses et travailleurs des postes (griefs individuels, François Bécotte et autres), (T.A., 2013-09-04), SOQUIJ AZ-51015783, 2013EXP-3759, 2013EXPT-2182, D.T.E. 2013T-800.
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