Changement de garde, intervention de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), refus d’accorder des contacts aux grands-parents, voilà quelques conséquences qu’un conflit familial peut avoir. En 2018, pour nos enfants, pourquoi ne pas prendre la résolution de régler nos différends ou, à tout le moins, de ne pas impliquer nos enfants dans ceux-ci?

Le droit applicable

L’article 33 du Code civil du Québec prévoit que les décisions concernant l’enfant doivent être prises dans son intérêt et le respect de ses droits. Dans son analyse de cet intérêt supérieur, on doit notamment tenir compte de la capacité parentale.

Le juge Jacques Dufresne a rappelé que la manière et la volonté des parents d’interagir dans l’intérêt supérieur de leur enfant servent à évaluer les capacités parentales (Droit de la famille – 171821).

Dans un cas où une grand-mère recherchait des contacts avec ses petits-enfants, la Cour d’appel estimait que la détractation d’un parent par le grand-parent n’était pas dans l’intérêt de l’enfant ni à son bénéfice (Droit de la famille – 172486).

Front commun contre le père

Trois filles ont pris la part de leur mère après la rupture de leurs parents. Sans faire obstacle à des contacts entre les enfants et leur père, la mère n’a pas encouragé l’entretien d’une bonne relation avec ce dernier et sa famille élargie. La juge Danye Daigle décide qu’il faut revoir la garde, notamment, pour permettre aux enfants de développer une relation positive avec leurs deux parents (Droit de la famille – 17889). Notant que l’impact sur les deux cadettes est important, mais non irréversible, elle confie leur garde au père. Quant à l’aînée, la juge Daigle décide de la maintenir auprès de la mère puisque sa perception négative du père est trop ancrée. Enfin, elle avise la mère qu’à défaut d’une prise de conscience sur son rôle dans la situation familiale et advenant une détérioration de la situation, il faudra envisager une supervision de ses contacts avec les cadettes.

Dans une autre affaire, la DPJ a demandé de déclarer compromis la sécurité et le développement de trois enfants. Elle soutenait qu’ils subissaient de mauvais traitements psychologiques en lien avec la relation conflictuelle de leurs parents. La juge Marie Pratte conclut non seulement que les enfants souffrent des disputes auxquelles ils sont exposés, mais, en outre, que ce climat est susceptible d’influer sur leur comportement (Protection de la jeunesse – 178120). Elle reproche par ailleurs à la mère de ne pas toujours agir de telle manière que les enfants voient régulièrement leur père et de ne pas les tenir à l’écart des conflits qui peuvent l’opposer à ce dernier. Un retour progressif à une garde partagée est ordonné dans le cas des cadets, mais non dans celui de l’aînée, puisqu’il devra d’abord y avoir rétablissement de la communication entre elle et le père, et ce, avec le soutien de la mère.

La sécurité et le développement de trois adolescents ont été déclarés compromis à cause du conflit parental, et les deux cadets ont été confiés à leur père. La DPJ recommandait que les trois enfants soient confiés à leur mère, conformément au désir qu’ils avaient exprimé. La juge Fannie Côtes ne retient pas cette recommandation (Protection de la jeunesse – 175504). Elle prend notamment en considération la détérioration de la situation des enfants, le lien direct entre cette situation et l’influence de la mère, le manque de cheminement par cette dernière – contrairement au père – et l’influence nocive de l’aînée sur la relation entre les cadets et le père. La juge maintient donc les deux cadets auprès du père, étant d’avis qu’il serait plus dommageable de les confier à la mère en raison du risque important qu’ils perdent toute relation saine avec le père à long terme. Les contacts avec la mère sont par ailleurs suspendus pour une période de deux mois.

Conflits entre parents et grands-parents

Une grand-mère maternelle voulait bénéficier de contacts avec certains de ses petits-enfants. La Cour retient qu’il y a lieu de respecter la volonté des parents et de rejeter cette demande. D’une part, la grand-mère ne pouvait s’empêcher de dénigrer la mère. De plus, elle avait révélé à l’un de ses petits-enfants que le conjoint de la mère n’était pas son père biologique, un geste qualifié d’inacceptable par le tribunal. Enfin, la grand-mère avait informé les deux aînés de l’existence des poursuites judiciaires intentées contre les parents. Ces différents éléments faisaient obstacle à une relation personnelle entre la grand-mère et ses petits-enfants.

Après avoir perdu beaucoup d’argent dans une malheureuse aventure commerciale avec son fils, la grand-mère l’a dénigré et elle a tenté de le discréditer auprès de sa conjointe, de manière répétitive, au point où le couple a failli se séparer. Elle a d’ailleurs fait signifier sa procédure visant l’obtention de contacts auprès de son petit-fils la veille du mariage des parents. Le juge Steve J. Reimnitz conclut que la grand-mère a fait prévaloir son désir et son ressentiment à l’endroit du père, sans égard à l’intérêt du couple, donc des parents. Elle a ainsi agi directement à l’encontre de l’intérêt supérieur de son petit-fils. Il refuse par conséquent d’accorder des contacts à la grand-mère (Droit de la famille – 172022).

Enfin, dans un autre dossier, les grands-parents maternels étaient intervenus à la suite d’un incident de violence conjugale qui avait mené à l’arrestation du père. Les parents ont repris la vie commune et la mère a exprimé le désir de rompre tout contact avec les grands-parents. Ceux-ci, dans leur empressement à maintenir les relations avec leurs petits-enfants, ont déposé une procédure à cette fin. Les parents ont d’ailleurs fait part aux enfants de tous les détails des procédures. La juge Johanne April note que les parents ont failli dans leurs responsabilités parentales en impliquant les enfants dans le conflit et qu’ils les ont entraînés dans un conflit de loyauté. Des contacts ont été accordés aux grands-parents (Droit de la famille – 17656).

En terminant, je vous laisse sur ces mots de la juge April, applicables en toute circonstance : « Les enfants ont le droit de vivre une enfance heureuse, exempte de conflits et des soucis des grands» (paragr. 46).

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