En août 2004, un syndicat a été accrédité pour représenter les salariés du magasin Wal-Mart de Jonquière. Six mois plus tard, un arbitre de différends a été nommé afin de déterminer le contenu d'une première convention collective. Le même jour, les salariés ont été avisés de la fermeture prochaine de l'établissement ainsi que de la perte de leur emploi. De nombreux recours* ont été institués à l'encontre de cette décision, dont une plainte en vertu de l'article 59 du Code du travail (C.tr.). Le syndicat y alléguait que Wal-Mart avait modifié illégalement des conditions de travail des salariés en vue notamment de forcer ces derniers à renoncer à leur droit d'association.
Les procédures
Dans une sentence arbitrale** rendue le 18 septembre 2009, Me Jean-Guy Ménard a conclu que l'employeur avait violé l'article 59 C.tr. en modifiant illégalement les conditions de travail des salariés. Il a décidé que Wal-Mart n'avait pas fait la démonstration des «raisons d'affaires» qu'elle invoquait au soutien de sa décision de mettre fin à leur emploi. Wal-Mart a demandé la révision judiciaire de cette sentence arbitrale. La Cour supérieure a refusé d'intervenir, estimant que la décision attaquée était raisonnable. Le 11 mai 2012, la Cour d’appel a infirmé le jugement de première instance et a annulé la décision de Me Ménard.
Un appel accueilli, mais pour des motifs différents
Les juges majoritaires, Vézina et Gagnon, ont conclu que le recours à l’article 59 C.tr. n’était d’aucune utilité puisque Wal-Mart avait définitivement fermé son magasin de Jonquière. En effet, le remède à une modification illégale d'une condition de travail est de revenir à la situation antérieure, de restaurer l'exploitation comme par le passé. Or, ce remède est inapplicable en cas de fermeture illégale puisque nul ne peut être forcé de continuer l'exploitation d'une entreprise, quels que soient ses motifs pour y mettre fin. Le juge Vézina mentionne qu’une voie à suivre pour contester le comportement antisyndical de l'employeur serait de s'adresser à la Commission des relations du travail en s'appuyant sur les articles 12 à 14 C.tr., relatifs au libre exercice du droit d’association.
Quant au juge Léger, minoritaire, il a conclu que l'arbitre Ménard avait rendu une décision déraisonnable. Il retient notamment que la sentence arbitrale a eu pour conséquence de conférer aux salariés de Wal-Mart une sécurité d'emploi à laquelle ils ne pouvaient aucunement prétendre avant le dépôt de la requête en accréditation. Le juge Léger souligne que l'objet de l'article 59 C.tr. n'est pas de permettre l'amélioration des conditions de travail.
Est-ce la fin de l’une des plus longues sagas judiciaires des dernières années en matière de relations du travail au Québec? À ce jour, aucune demande de pourvoi à la Cour suprême ne figure au dossier.
*Voir notamment Plourde c. Compagnie Wal-Mart du Canada (C.S. Can., 2009-11-27), 2009 CSC 54, SOQUIJ AZ-50585839, J.E. 2009-2180, D.T.E. 2009T-846, [2009] 3 R.C.S. 465
** Travailleuses et travailleurs unis de l'alimentation et du commerce, section locale 503 et Compagnie Wal-Mart du Canada — Établissement de Jonquière (grief syndical)*, (T.A., 2009-09-18), SOQUIJ AZ-50576196, D.T.E. 2009T-700, [2009] R.J.D.T. 1439
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