Paru initialement sur LesAffaires.com.
BLOGUE. Dans le contexte de procédures entreprises par l’Agence du revenu du Canada (ARC) visant à récupérer de l’impôt impayé, la Cour d’appel fédérale a décidé que les allégations relatives à l’inconduite de la CIBC dans l’affaire Enron devaient être rayées des actes de procédure déposés par l’ARC.
En effet, selon la Cour, le degré de probité d’un contribuable n’a aucune pertinence dans l’analyse de la déductibilité d’une dépense. Voir CIBC c. la Reine.
Revenons un peu en arrière, histoire de bien comprendre les questions qui étaient en jeu.
La CIBC figurait à titre de codéfenderesse dans le recours collectif intenté contre Enron aux États-Unis.
Les victimes du scandale reprochaient à l’institution financière d’avoir aidé le géant de l’énergie à falsifier ses états financiers.
En 2005, sans pour autant admettre sa responsabilité dans le scandale, la CIBC a accepté de verser la somme record de trois milliards de dollars aux demandeurs en échange de l’abandon des poursuites contre elle.
La CIBC a ensuite tenté de déduire de ses revenus les sommes versées au terme de ce règlement hors cour, au même titre qu’une entreprise déduit ses coûts d’exploitation afin de réduire ses profits et, partant, l’impôt payable aux autorités fiscales.
À cet égard, selon la Loi de l’impôt sur le revenu, une dépense est déductible si elle est engagée dans le but de gagner un revenu.
L’ARC a cependant refusé la déduction.
Dans les procédures écrites, l’ARC faisait notamment valoir que la faute de la CIBC dans l’affaire Enron était si «flagrante et odieuse» (egregious and repulsive) que toute somme versée aux victimes pour se dégager des poursuites ne pouvait se qualifier à titre de dépense engagée pour gagner un revenu.
Le problème majeur avec cet argument, que la Cour d’appel fédérale ne manque d’ailleurs pas de souligner, est que les autorités fiscales n’ont aucune réticence à taxer des activités illégales. Comme le disait l’empereur Vespasien il y a près de 2 000 ans : l’argent n’a pas d’odeur!
Par exemple, voir cette affaire, dans laquelle un cultivateur de marijuana s’est vu cotiser pour des revenus non déclarés provenant de la vente de stupéfiants.
En d’autres termes, la position de l’ARC allait à l’encontre de la prémisse voulant que les principes applicables à la détermination du profit d’une entreprise ne varient pas selon que l’entreprise est licite ou non.
C’est donc dans ce contexte que la Cour a décidé que les allégations reprochant à la CIBC son manque de probité devaient être rayées des actes de procédures en raison de leur manque de pertinence relativement au débat engagé entre les parties.
La victoire n’est cependant pas encore acquise pour la CIBC puisque l’ARC fait valoir de nombreux autres arguments au soutien de sa position.
Il reste à voir ce que les tribunaux en penseront.
À noter que si la CIBC a gain de cause sur le fond de l’affaire, ce sont les contribuables canadiens qui se trouveront en partie à payer pour le rôle douteux joué par la CIBC dans l’affaire Enron.
Bien sûr, la CIBC n’a jamais admis sa responsabilité.
Elle a toutefois accepté de verser la somme record de trois milliards de dollars, ce qui est déjà un début.
En outre, alors que l’ARC affirme que les filiales de la CIBC «ont sciemment aidé Enron à violer les lois américaines en matière de valeurs mobilières et à falsifier ses états financiers», la CIBC se contente d’une maigre requête en radiation d’allégations plutôt que d’y aller d’une poursuite en diffamation de plusieurs millions de dollars contre le gouvernement du Canada.
Je vous laisse tirer vos propres conclusions.
Pour ma part, j’ai l’impression que la CIBC a bien hâte de mettre un couvercle sur ce panier de crabes!
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