Lors d’une visite préachat, l’acheteur éventuel a l’obligation d’effectuer une inspection attentive de l’immeuble afin de déceler les vices que celui-ci peut comporter. Toutefois, personne n’est à l’abri d’acheter une propriété dont le voisin peut devenir son pire cauchemar. Dans ce billet, je vous ferai part de certaines décisions récentes en matière de troubles de voisinage.

L’article 976 du Code civil du Québec (C.C.Q.) crée en matière de troubles de voisinage un régime de responsabilité civile sans faute qui est fondé sur le caractère excessif des inconvénients subis par la victime (Ciment du Saint-Laurent Inc. c. Barrette). Le tribunal n’a donc qu’à déterminer si l’usage fait par l’un des voisins de son droit de propriété est incompatible avec la jouissance du droit de propriété de l’autre (Birt c. Aubin).

Harcèlement et intimidation

Dans l’affaire Poiré c. Sévère, le voisin des demandeurs avait installé des caméras de surveillance qui étaient dirigées vers leur propriété, notamment leur piscine, afin de capter leurs moindres gestes. La juge Paquette a alors conclu que ce voisin avait privé les demandeurs de la pleine jouissance de leur propriété, avait compromis leur vie privée de même que leur intimité et leur avait occasionné un stress injustifié. De plus, elle a ordonné à ce propriétaire de cesser d’importuner les demandeurs, de les harceler, de les insulter et de les intimider. Il a également été condamné à payer 18 000 $ à titre de dommages-intérêts en raison de son comportement.

Dans la cause Bourdeau c. Hamel , la défenderesse n’avait pas abusé de son droit de propriété en augmentant la hauteur de sa terrasse de 35 centimètres afin de pouvoir circuler de sa résidence à sa piscine hors terre. En fait, les parties sont propriétaires d’immeubles résidentiels dont la situation des lieux, soit des maisons en rangées, emporte inévitablement des inconvénients en raison de leur proximité. Par contre, ses voisins, les demandeurs, savaient que leur voisine était tenue de construire un mur opaque sur la ligne mitoyenne à la suite d’une plainte qu’ils avaient eux-mêmes déposée auprès de la municipalité. Le juge a donc conclu qu’il avaient abusé de leur droit d’ester en justice en décidant d’intenter un recours en réclamation de dommages-intérêts et de dommages exemplaires contre elle. Les demandeurs ont donc été condamnés à payer 15 000 $ à leur voisine pour le stress, l’insécurité, les troubles et inconvénients ainsi que les séquelles psychologiques dont elle avait été victime. De plus, celle-ci a eu droit à 15 000 $ pour ses honoraires extrajudiciaires. Comme le demandeur a également eu une attitude déplacée, menaçante et grossière à l’endroit de sa voisine, il a été condamné à lui verser 5 000 $ à titre de dommages exemplaires.

Dans le contexte d’un conflit ayant comme origine le bornage de deux immeubles contigus, les voisins de Gordon ont agi de façon malicieuse ainsi que de mauvaise foi, et ce, de façon continue pendant plusieurs années, portant ainsi atteinte à son droit à la vie privée et à la jouissance paisible de sa propriété. En fait, ils ont eu un comportement fautif envers leur voisine, notamment en l’épiant, en la harcelant, en l’intimidant et en brisant certains biens sur sa propriété. À la lumière de ces gestes, la juge Dupuis a conclu que non seulement l’ensemble du litige opposant les parties faisait appel à la notion d’«abus de droit» en matière de troubles de voisinage, mais il renvoyait également à la faute civile (art. 1457 C.C.Q). En conséquence, Gordon a eu droit à 20 000 $ à titre de dommages-intérêts.

Abus de droit

Afin de faire fuir les acheteurs potentiels de l’immeuble de leurs voisins, les défendeurs ont tenu des propos diffamatoires à l’endroit de ceux-ci, affirmant qu’ils faisaient partie d’une secte, qu’ils étaient possédés et qu’ils s’adonnaient à la magie noire. La juge Bergeron a estimé que, en nuisant à la vente de l’immeuble de leurs voisins, ces derniers avaient manqué à leur devoir de respecter les règles de conduite en matière de bon voisinage. Elle a également conclu qu’il s’agissait d’un abus de droit. Les défendeurs ont été condamnés à payer des dommages-intérêts ainsi que des dommages exemplaires à leurs voisins pour avoir porté atteinte au libre exercice de leur droit de propriété ainsi qu’à leur réputation. Il leur est interdit de communiquer directement ou indirectement avec tous les acheteurs potentiels et tous les visiteurs de la propriété.

 La prochaine fois que vous serez à la recherche de la maison de vos rêves, n’oubliez pas de poser des questions quant au voisinage. On ne sait jamais, la raison de la vente est peut-être le comportement du voisin d’à côté!

Références

  • Ciment du Saint-Laurent Inc. c. Barrette (C.S. Can., 2008-11-20), 2008 CSC 64, SOQUIJ AZ-50521756, J.E. 2008-2164, [2008] 3 R.C.S. 392
  • Birt c. Aubin (C.Q., 2012-12-03), 2012 QCCQ 13185, SOQUIJ AZ-50919663, 2012EXP-4363, J.E. 2012-2310
  • Poiré c. Sévère (C.S., 2012-04-16), 2012 QCCS 1619, SOQUIJ AZ-50849583, 2012EXP-1735, J.E. 2012-928
  • Bourdeau c. Hamel (C.S., 2013-02-26), 2013 QCCS 752, SOQUIJ AZ-50941304, 2013EXP-1194, J.E. 2013-656
  • Poulin c. Poulin (C.S., 2013-02-08), 2013 QCCS 588, SOQUIJ AZ-50937881, 2013EXP-1046, J.E. 2013-569
  • Paranjape c. Gordon (C.Q., 2012-04-26), 2012 QCCQ 3208, SOQUIJ AZ-50852709, 2012EXP-1923, J.E. 2012-1014
Print Friendly, PDF & Email