Publié initialement sur LesAffaires.com.

BLOGUE.  On a beaucoup entendu parler d’évasion fiscale dernièrement.

Il a notamment été révélé que la société Apple inc. détenait un réseau de filiales en Irlande qui n’étaient «résidentes» d’aucun pays. Or, coïncidence, ces filiales seraient assises sur un trésor de 75 milliards de dollar imposé au taux de 2,5 %...

Bien que ce montage financier semble davantage soulever un problème d’inadéquation des différentes législations nationales en matière de taxation que d’évasion fiscale à proprement parler, il met en lumière les difficultés qu’éprouvent les États à protéger leur assiette fiscale dans le village global.

À cet égard, dans un contexte de crise des finances publiques, la question des prix de transfert est devenue un enjeu majeur.

Qu’est-ce qu’un prix de transfert ? C’est le prix payé pour un bien ou un service reçu d’une partie à qui l’on est lié, une filiale par exemple, et qui est située à l'étranger.

Pourquoi la question des prix de transfert est-elle importante ? Parce que ce type de transaction soulève des questions d’équité fiscale.

En effet, prenons l’exemple d’une filiale qui produit des chaussures en Chine et de sa société mère, qui les distribue au Canada. Dans la mesure où les taux d’imposition ne sont pas les mêmes en Chine qu’au Canada, le prix auquel la filiale vendra ses chaussures à la société mère aura une répercussion sur l’impôt total payé par le groupe.

Ainsi, afin d’éviter que les entreprises fixent le prix de telles transactions de façon à réduire l’impôt total payable par le groupe, la Loi de l’impôt sur le revenu prévoit que les transactions commerciales transfrontalières entre parties liées doivent être effectuées à un prix respectant le principe de la pleine concurrence, soit un concept analogue à celui de la juste valeur marchande.

 La loi prévoit également qu’un contribuable a l’obligation de documenter de telles transactions de façon à pouvoir démontrer, à la demande de l’Agence du revenu du Canada (ARC), la façon dont a été fixé le prix de transfert.

À défaut de respecter ces règles, le contribuable s’expose à payer des pénalités et à voir le prix de transfert modifié unilatéralement par l’ARC.

Les mécanismes mis à la disposition de l’ARC en matière de prix de transfert peuvent également servir à lutter contre la fraude fiscale pure et simple.

En effet, on peut facilement imaginer un scénario où les actionnaires d’une société canadienne formeraient une société dans un paradis fiscal, laquelle fournirait à la société canadienne des services fictifs pour des sommes importantes. Ce faisant, la société canadienne réduirait ses revenus, payant ainsi moins d’impôt, alors que ceux de la société étrangère ne seraient pas imposés ou le seraient peu, d’où le titre du présent billet.

Heureusement, la loi donne des moyens au gouvernement pour forcer, dans de telles circonstances, la société canadienne à fournir de la documentation relative à la transaction transfrontalière, même si cette documentation se trouve en la possession de la société non résidente du Canada.

À défaut de fournir la documentation demandée ou d’obtenir d’un juge la révision de la demande, la société canadienne sera forclose de la produire ultérieurement en preuve afin de démontrer la justesse du prix de transfert auquel elle a fait affaire avec la société étrangère. 

Lorsqu’on sait que, en règle générale, il incombe au contribuable de démontrer qu’un avis de cotisation délivré par l’ARC est erroné, et non l’inverse, l’interdiction précitée risque bien de constituer un K.O. technique du contribuable si jamais l’ARC décide de contester le prix de la transaction transfrontalière.

J’invite ceux qui voudraient avoir un aperçu du type d’information que peut demander l’ARC dans le contexte d’une vérification sur les prix de transfert à consulter la décision suivante, qui traite du cas d’une société canadienne ayant reçu des services de quatre sociétés situées aux Bahamas : Soft-Moc Inc. et le Ministère du Revenu National.