Durant la même semaine, la Commission des relations du travail (CRT) a rendu deux décisions qui ont retenu mon attention parce qu’elles soulignent l’importance de procéder à une enquête sérieuse et approfondie avant de prendre la décision de congédier un salarié. Si la sanction est contestée, l’employeur doit être en mesure de démontrer au tribunal qu’il a agi consciencieusement afin de rechercher la vérité et que les résultats de son enquête lui permettent de conclure que le salarié a commis une faute justifiant un congédiement.
Voici un aperçu très sommaire de ces décisions :
Carrier et Hydro-Québec (bureau régional Montmorency)
Au moment de son congédiement, Yvan Carrier occupait un poste de chargé de projets chez Hydro-Québec. Il a déposé une plainte en vertu de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.) à l’encontre de cette mesure. Hydro a soutenu que Carrier avait été congédié en raison du non-respect de ses obligations d’intégrité et de loyauté. Elle lui a reproché de s’être placé en situation de conflit d’intérêts en favorisant un membre de sa famille au détriment de l’entreprise.
Selon la commissaire Myriam Bédard: «Toutes les règles élémentaires applicables en matière de congédiement ont été bafouées.» (paragr. 124). Carrier n’a pas été informé du dépôt d’une plainte anonyme formulée contre lui, ni du fait que l’enquête qui en a découlé portait sur sa conduite, ni que son emploi était en péril. La commissaire Bédard constate que Carrier n’a pas eu l’occasion de donner une version complète et éclairée des événements ayant fait l’objet d’une enquête, lesquels remontaient à près de quatre ans. Elle ajoute que, si Carrier avait pu fournir les explications (qu’il a données à l’audience) «dans le cadre d’une enquête honnête au cours de laquelle il aurait été informé des reproches précis qu’on lui adressait, dans un contexte de recherche de vérité et non dans le cadre d’une enquête presque secrète découlant de plaintes anonymes, Hydro aurait certainement pris une décision différente à l’égard d’un employé exemplaire jusque-là, et qui justifie de 31 ans de service» (paragr. 142).
Lévesque et RBC Dominion Securities inc.
Charles Lévesque, un courtier en valeurs mobilières («trader»), a été congédié pour avoir omis de dire la vérité à un supérieur à l’occasion d’une enquête qui visait à connaître lequel des employés de la RBC avait tenu des propos peu élogieux au sujet d’une émission d’obligations lors d’une conversation téléphonique avec un client. Lévesque a contesté cette mesure au moyen d’une plainte en vertu de l’article 124 L.N.T., faisant valoir qu’il ne s’était jamais senti visé par l’enquête et que, par conséquent, on ne pouvait lui reprocher d’avoir menti.
Le commissaire Guy Roy a retenu la version de Lévesque. Il a conclu que la RBC avait «fait une enquête bidon». Il reproche à cette dernière de ne pas avoir rencontré les dénonciateurs et de s’être «lancée dans une chasse aux sorcières». Il souligne qu’une partie de l’enquête a été confiée à un gestionnaire, malgré l’animosité connue de ce dernier à l’endroit de Lévesque. Il rejette la prétention selon laquelle celui-ci n’a pas collaboré. Compte tenu de la preuve présentée à l’audience, le commissaire Roy se dit convaincu que Lévesque n’a pas menti et que «si [la] RBC [lui] avait posé la seule question qu’elle se devait de poser, à savoir [s’il] avait parlé [au client], [il] aurait répondu rapidement par l’affirmative, comme il l’a fait lors de la rencontre avec l’enquêteur». Le commissaire conclut que: «De toute évidence, la rencontre avec l’enquêteur ne servait à rien. Il était déjà trop tard, [la direction] avait déjà décidé qu’il était coupable.» (paragr. 206).
Rédigé en collaboration avec Me Philippe Buist.
Références
- Carrier et Hydro-Québec (bureau régional Montmorency), (C.R.T., 2014-02-03), 2014 QCCRT 0057, SOQUIJ AZ-51044681.
- Lévesque et RBC Dominion Securities inc. (C.R.T., 2014-02-04), 2014 QCCRT 0060, SOQUIJ AZ-51044684
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