Le présent billet se veut un survol de la jurisprudence qui pourrait vous être utile si vous êtes locataire ou locateur d’un logement résidentiel. Comme notre outil de recherche («Trouver une décision» - Services aux citoyens)) regorge de décisions en la matière, il a été difficile de n’en retenir que quelques-unes.
1) Formation du bail
L’article 1904 du Code civil du Québec (C.C.Q.) se lit comme suit :
Le locateur ne peut exiger que chaque versement excède un mois de loyer; il ne peut exiger d'avance que le paiement du premier terme de loyer ou, si ce terme excède un mois, le paiement de plus d'un mois de loyer.
Il ne peut, non plus, exiger une somme d'argent autre que le loyer, sous forme de dépôt ou autrement, ou exiger, pour le paiement, la remise d'un chèque ou d'un autre effet postdaté.
(Caractères gras ajoutés.)
Dans Lebel c. Dumont, il a été décidé que le locateur ne pouvait exiger de ses locataires le versement d’un dépôt de 50 $ par mois pour garantir le bon comportement de leur chien dans les lieux loués.
D’autre part, l’article 1894 C.C.Q. prévoit ceci :
Le locateur est tenu, avant la conclusion du bail, de remettre au locataire, le cas échéant, un exemplaire du règlement de l'immeuble portant sur les règles relatives à la jouissance, à l'usage et à l'entretien des logements et des lieux d'usage commun. […]
(Caractères gras ajoutés.)
Comme cette disposition est d’ordre public de protection, la remise du règlement de l’immeuble avant la conclusion du bail est obligatoire et, à défaut de ce faire, le locataire n’est pas tenu de le respecter (Gendron c. Beaufort, paragr. 29)
2) Obligation du locateur
Le locateur a notamment la responsabilité légale de procurer la jouissance paisible des lieux loués pendant toute la durée du bail. À cet égard, je vous renvoie à l’article 1861 C.C.Q. :
Le locataire, troublé par un autre locataire ou par les personnes auxquelles ce dernier permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci, peut obtenir, suivant les circonstances, une diminution de loyer ou la résiliation du bail, s'il a dénoncé au locateur commun le trouble et que celui-ci persiste.
Il peut aussi obtenir des dommages-intérêts du locateur commun, à moins que celui-ci ne prouve qu'il a agi avec prudence et diligence; le locateur peut s'adresser au locataire fautif, afin d'être indemnisé pour le préjudice qu'il a subi.
(Caractères gras ajoutés.)
Dans l’affaire R. c. Guilbault, les cris, les pleurs, les hurlements, le tapage, les claquements de portes et les chicanes constantes et répétées entre la mère et son conjoint mais aussi avec ses trois jeunes enfants étaient le lot quotidien des locataires fautifs. Épuisée par la situation, la locataire demanderesse a reçu un diagnostic de dépression. D'ailleurs, ce n'est qu'en quittant son logement avec le consentement des locateurs, qui ont accepté de résilier le bail, que la locataire a retrouvé la paix d'esprit, sans subir les conséquences des bruits excessifs issus des habitudes de vie d'une famille dysfonctionnelle, prompte à user de violence de toute sorte. Comme les locateurs n'ont pas exécuté les obligations auxquelles ils étaient tenus par la loi envers la locataire et qu'ils n'ont pas fait preuve de diligence pour que cessent les troubles de jouissance engendrés par les locataires fautifs, ils ont été condamnés à payer à la locataire 1 000 $ à titre de dommages moraux. Celle-ci a également eu droit à une diminution de loyer de 200 $ par mois, pour une somme totale de 1 200 $.
Dans Maddane c. Diedhiou, la Régie du logement a conclu que les locataires ont subi le harcèlement du locateur, lequel a notamment coupé l’électricité de leur logement pendant l’hiver, et ce, dans le but de les évincer. Celui-ci a également fait jouer de la musique à haut volume dans le garage adjacent au logement et déposé une procédure en éviction auprès de la Régie uniquement pour mettre de la pression psychologique sur les locataires afin qu’ils quittent les lieux loués. Le locateur a été condamné à payer aux locataires 6 000 $ en dommages moraux et 1 000 $ en dommages punitifs.
De plus, un locateur qui ne peut joindre le locataire pour percevoir le loyer du mois ne peut changer la serrure de son appartement dans le but de le forcer indirectement à communiquer avec lui pour payer son loyer. C’est ce qui s’est passé dans la cause Charron c. Soglo. Étant sans nouvelles de son locataire, le locateur a vidé son logement et les biens qui s'y trouvaient ont été transportés dans un entrepôt ainsi que dans un autre appartement. Comme il a contrevenu aux articles 1934 et 1936 C.C.Q. ainsi qu’à la Charte des droits et libertés de la personne, le locataire a eu droit à 2 500 $ en dommages-intérêts ainsi qu’à 4 000 $ en dommages punitifs.
3) Fin du bail
Il sera maintenant question de la reprise de possession du logement, un droit accordé au locateur à l’article 1957 alinéa 1 C.C.Q. :
Le locateur d'un logement, s'il en est le propriétaire, peut le reprendre pour l'habiter lui-même ou y loger ses ascendants ou descendants au premier degré, ou tout autre parent ou allié dont il est le principal soutien.
De plus, en vertu de l’article 1968 de la loi, le locataire peut réclamer des dommages-intérêts lorsque la reprise a été obtenue de mauvaise foi.
Cette dernière disposition a été appliquée dans Lizotte c. Arisona, car les locataires ont dû quitter leur logement à la suite d’une reprise de possession qualifiée par le juge de subterfuge. Outre le fait que les locateurs ne leur ont jamais versé l’indemnité consentie entre les parties pour cette reprise, il s’est avéré que leur intention était de vendre l’immeuble, lequel était plus attrayant sans la présence des locataires. Étant donné que ceux-ci, des personnes âgées, ont été dépossédés du logement qu'ils avaient habité pendant près de 20 ans et déracinés de leur milieu de vie par des locateurs qui, de façon intentionnelle et illicite, ont bafoué leur droit au maintien dans les lieux, une somme de 5 000 $ a été accordée à chacun d'eux à titre de dommages punitifs. De plus, les locateurs ont été condamnés à leur verser 3 435 $, représentant la moitié de la différence de loyer payé par les deux locataires pendant un an. Enfin, chacun des locataires a eu droit à 1 000 $ pour ses frais de déménagement, à 150 $ pour ses frais de branchement et à 1 000 $ pour le stress associé aux événements.
Dans un autre ordre d’idée, un locateur peut obtenir la résiliation du bail conclu avec un locataire lorsqu’il démontre que celui-ci cause préjudice aux autres locataires dans la jouissance normale de leur logement. Dans la cause Héneault c. Marois, en raison du bruit constant, continu et excessif produit par la locataire et son conjoint, à qui elle donnait accès à son logement, les locateurs ont perdu des locataires. Le bail liant les parties a donc été résilié et il a été ordonné à la locataire de quitter les lieux.
J'espère que cette revue jurisprudentielle vous sera utile dans vos relations découlant d’un bail de logement!
J’aimerais savoir s’il existe un recours contre la fumée indirecte qui pollue mon appartement. Les conduits de ventilation transportent la pollution, la fumée de cigarette issue des appartements des fumeurs.
Je ne peux me prononcer sur les recours précis à engager eu égard aux particularités de votre dossier, mais il y a des dizaines de décisions à ce sujet et qui pourront vous inspirer.
Elles sont repérables en faisant une recherche avec les mots fumée et cigarette et voisin à http://citoyens.soquij.qc.ca/ (assurez-vous de choisir Régie du logement dans le menu Tribunal ou organisme).
Il faut bien comprendre chaque détails entourant un litige semblable. Il ne faut pas tomber dans l’absolutisme et voir tout noir et tout blanc.
Les locataires non-fumeurs qui se cherchent un immeuble absolument sans aucune fumée devraient impérativement s’en assurer avant de signer un bail de logement. Sinon, ils ne pourront par la suite invoquer un préjudice et ignorer leur propre négligence dans leur vérifications pré-location.
De plus, on ne peut effectivement pas considérer qu’un locataire fumeur ayant négocié cette clause de bonne foi avec son propriétaire soit responsable du préjudice subit par les autres locataires non-fumeurs.
Le locateur, avant de permettre une telle condition, devrait s’assurer que ses autres locataires n’en subiront pas de préjudice, sous peine d’être tenu responsable de ne pas offrir la pleine jouissance des lieux à ses locataires incommodés. Également, en ayant permis une telle clause au bail d’un fumeur, le locateur ne pourra plus unilatéralement demander et obtenir la modification du bail, puisque cela causerait manifestement un préjudice au locataire, qui se verait alors interdire un privilège préalablement obtenu de plein droit.
Aussi, bien qu’ils n’aient pas été abordés ici, il faut évaluer soigneusement plusieurs faits secondaires importants, tel que l’absence d’aération dans le logement du fumeur, la mauvaise isolation et l’infiltration d’air dans les logements voisins, les tuyaux de ventillation des logements inter-connectées entre eux et autres.
En effet, plusieurs éléments peuvent ne pas être de la responsabilité du fumeur, comme l’absence de ventilation ou la mauvaise isolation. Pourtant, ces facteurs jouent un grand rôle dans la dispersion de la fumée et des odeurs de tabac vers les autres logements.
En conclusion, les locataires qui sont incommodés par la fumée de tabac d’un autre locataire devraient prendre bien soin d’évaluer la situation avant de porter le tout à la connaissance du locateur et du locataire en cause.
Une mauvaise analyse du problème peut mener à tirer des conclusions erronées sur le sujet, qui peuvent ensuite conduire à des altercations, des conflits et une dégradation considérable des relations de voisinage.
Déterminer adéquatement la responsabilité et les obligations de tous et chacun est donc grandement nécessaire avant d’entreprendre toute procédure judiciaire à ce sujet.
La morale de l’histoire : si vous êtes non-fumeur ou que vous ne tolérez pas la fumer et les odeurs de tabac (ou bientôt Canabis), afin de bien assurer la protection de vos droits et faciliter l’exercice de vos recours, vérifiez que votre immeuble ait un règlement de l’immeuble clair interdisant explicitement toute consommation ou utilisation des produits concernés ou exigez une garantie écrite en ce sens de la part de votre future propriétaire. À défaut, refusez la location et poursuivez vos recherches.
Cet avis est donné à titre informatif et ne constitue pas un avis juridique.
Merci pour cette précieuse ressource qui nous aide à comprendre nos droits.
Bonjour,
J’ai signé un bail de 1 an pour la location d’une chambre dans une résidence privéé. Depuis que j’ai emménagé le chauffage ne marche pas. J’ai passé tout l’hiver dans le froid malgré le fait que j’ai sollicité le locateur à procéder aux réparations nécessaires à plusieurs reprises mais toujours rien jusqu’à ce jour.
J’ai continué de payer mes loyers mais le locateur me harcele en me donnant à chaque fois une balance négative et quand je lui fourni les preuves du payement il s’excuse mais recommence et menace de m’expulser.
Je veux saisir le tribunal pour faire valoir mes droits et demander des dommages et intérêts pour les préjudices subis.
Quel tribunal saisir ? et comment pourrais-je évaluer les prèjudices ( Quelles somme demander?) ??
Merci d’avance
Bonjour,
SOQUIJ étant une maison d’édition, les conseillers juridiques ne sont pas en mesure de se prononcer sur les cas précis qui sont soumis dans les commentaires du Blogue.
Si vous habitez dans une région dotée d’une Centre de justice de proximité (Bas Saint-Laurent, Québec, Montréal, Montérégie, Outaouais, Gaspésie et Saguenay), ils seront certainement en mesure de vous aider : http://justicedeproximite.qc.ca/
D’autres ressources sont possiblement disponibles par le biais du site http://votreboussolejuridique.ca/
Cordialement,
Lucie Chevalier
Conseillère aux communications
La Régie du logement
(514)873-BAIL
Ma propriétaire peut elle reprendre mon logement pour elle comme résidence secondaire?