Voici l’un des nombreux exemples concrets de discrimination en relation avec l’existence d’antécédents judiciaires. Il s’agit de l’affaire Syndicat québécois des employées et employés de service, section locale 298 et Habitations Pelletier.

La plaignante, une aide-cuisinière, travaillait dans une résidence privée pour aînés. Avant son embauche, elle avait plaidé coupable sous une accusation de production de marijuana, puis sous une accusation de bris de condition et sous une autre, d’importation de marijuana.

Elle avait fait une demande de pardon, mais, vu la longue période d’attente, elle ne l’avait pas encore obtenu.

Soumis aux dispositions réglementaires obligeant les exploitants de telles résidences à vérifier les antécédents judiciaires des employés, l’employeur soutient que, en raison de l’article 24 du Règlement sur les conditions d’obtention d’un certificat de conformité et les normes d’exploitation d’une résidence privée pour aînés, il devait congédier cette aide-cuisinière afin notamment de conserver son certificat de conformité.

Cet article impose à l’employeur une obligation de ne pas avoir parmi son personnel des employés qui ont fait l’objet «d’accusation relative à une infraction ou à un acte criminel ayant un lien avec les aptitudes requises et la conduite nécessaires à leurs fonctions au sein de la résidence ou avoir été déclarés coupables d’une telle infraction ou d’un tel acte à moins, dans ce dernier cas, qu’ils en aient obtenu le pardon».

Décision de l’arbitre de griefs

Protection prévue à l’article 18.2 de la Charte des droits et libertés de la personne

18.2. Nul ne peut congédier, refuser d’embaucher ou autrement pénaliser dans le cadre de son emploi une personne du seul fait qu’elle a été déclarée coupable d’une infraction pénale ou criminelle, si cette infraction n’a aucun lien avec l’emploi ou si cette personne en a obtenu le pardon.

Relativement à l’application de l’article 18.2 de la charte, le syndicat a établi :

  • que la plaignante avait des antécédents judiciaires,
  • qu’elle avait subi des représailles dans le contexte de son emploi, et
  • que ceux-ci avaient été le motif réel ou la cause véritable de la mesure prise par l’employeur.

L’arbitre de griefs devait ensuite examiner s’il y avait un «lien direct avec les aptitudes requises et la conduite nécessaire à leurs fonctions» au sens de l’article 24 du règlement.

L’arbitre a retenu les éléments suivants :

  • De façon générale, la plaignante avait peu de contacts avec les résidents;
  • Elle avait un dossier judiciaire relatif au trafic et à l’importation de stupéfiants et non de vol, de fraude ou d’abus sexuels, comme c’était le cas dans d’autres sentences arbitrales rendues, notamment les affaires Syndicat national des employés de l’Hôpital Ste-Justine et Hôpital Ste-Justine et CSSS et Syndicat des travailleuses et travailleurs (FSSS-CSN);
  • Elle travaillait dans un milieu composé de personnes âgées autonomes ou en perte d’autonomie et non, par exemple, dans un milieu carcéral ou un centre jeunesse, où la consommation illégale de marijuana pourrait prospérer;
  • La possibilité de se trouver une clientèle parmi les résidents était quasiment nulle.

L’arbitre a donc conclu que les condamnations de la plaignante n’avaient aucun lien avec « les aptitudes requises et la conduite nécessaire à ses fonctions » au sens du règlement. L’article 18.2 de la charte a protégé l’emploi de cette aide-cuisinière.

L’employeur a dû réintégrer celle-ci dans son poste et lui rembourser le salaire et les avantages sociaux dont elle avait été privée, tout en réduisant cette indemnité du revenu qu’elle aurait pu gagner durant la période écoulée depuis sa fin d’emploi.

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