On ne peut pas toujours se réinventer et effacer son passé. C‘est encore plus vrai depuis l’avènement d’Internet, lequel a pris la place des archives, selon l’expression utilisée par un avocat dans la décision dont je vais vous parler (C.L. c. BCF Avocats d’affaires). Dans cette affaire, la demanderesse voulait absolument éliminer tout lien sur Internet entre elle et son ancien employeur. Or, elle s’est heurtée à la technologie.
La demanderesse a été adjointe juridique pour un cabinet d'avocats. Son nom, sa photo et son appellation d'emploi figuraient sur le site Internet de l'employeur. En recherche d'emploi après son départ, elle aurait été informée qu'elle avait de mauvaises références de la part du cabinet. Elle a donc retiré cette information d'emploi de son curriculum vitae et a demandé à l’ancien employeur d'éliminer toute information la concernant de son site Internet.
Le cabinet a fait tous les gestes nécessaires pour retirer les renseignements relatifs à la demanderesse. Toutefois, cette dernière a constaté qu’un moteur de recherche l'associait toujours à celui-ci. Elle s’est adressée à la Commission d’accès à l’information (CAI) au moyen d’une demande de rectification afin que l’ancien employeur fasse disparaître tout lien entre eux. Elle a affirmé que la situation lui avait fait perdre plusieurs occasions d'emploi.
La CAI indique que Google associe le nom de la demanderesse à l'entreprise lorsqu'une recherche est effectuée à partir de son nom. Le résultat de recherche serait un lien avec le site Wayback Machine, qui conserve des captures d'écran de sites Internet réalisées selon une fréquence variable. Cette interface permet de consulter d'anciennes versions de pages Web.
Ainsi, on trouve dans ces archives une page Web telle qu'elle existait à l'époque où la demanderesse était employée du cabinet. L'information que cette page contient n'était pas inexacte à cette époque. Il s'agit du seul endroit où l'on pourrait faire le lien entre la demanderesse et l’ancien employeur, et ce dernier n'a aucun lien avec Wayback Machine.
À cet égard, la CAI rappelle qu’elle ne peut exercer ses pouvoirs prévus par la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé qu'à l'endroit de la personne qui détient le dossier faisant l'objet d'une demande de rectification.
La CAI a aussi utilisé l’exemple présenté par l’avocat de l’ancien employeur en comparant la situation avec les avis de nomination qui paraissent dans la presse papier. Le droit à la rectification ne permettrait pas de demander de détruire les archives du journal où l’avis a été publié.
La CAI a souligné que le droit d'une personne de faire rectifier des renseignements inexacts, incomplets ou équivoques n'est pas de l'ordre du «droit à l'oubli», qui vise à effacer des informations des espaces publics. Elle a ajouté qu’il n’est d’ailleurs pas certain que ce droit, reconnu en Europe, trouve application au Québec.
L’ancien employeur a donc rempli ses obligations en retirant de son site Internet tout renseignement visant la demanderesse. De plus, il a démontré que son site ne fait aucun lien avec cette dernière.
Référence
C.L. c. BCF Avocats d'affaires (C.A.I., 2016-04-14), 2016 QCCAI 114, SOQUIJ AZ-51282983. À la date de diffusion, la décision n’avait pas fait l'objet de pourvoi en contrôle judiciaire.
Les auteurs du Blogue ne peuvent donner d'opinion ni de conseil juridique relativement aux situations personnelles des lecteurs.
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