En 2013, je vous présentais la jurisprudence des deux dernières années en matière de responsabilité du courtier immobilier. Trois ans plus tard, une petite mise à jour s’impose! Voici donc quelques décisions intéressantes rendues depuis mettant en cause l’obligation du courtier de divulguer son titre ainsi que son obligation de renseignement ou de vérification.
Obligation de divulguer son titre
Dans Caron c. Bélanger, le courtier inscripteur avait tardé à divulguer aux acheteurs qu'il était le frère de la vendeuse de l'immeuble, mais le juge a conclu que les acheteurs ne pouvaient pas pour autant refuser de donner suite à leur promesse d’achat. Il a retenu que le courtier n’avait pas manqué à son obligation de les traiter équitablement dans le cours des négociations ayant mené à la vente.
Obligation de renseignement
Les courtiers immobiliers ont également une obligation de renseignement à l’égard de leurs clients. Dans Pelletier c. Lamarche, une courtière immobilière a commis une faute en rassurant ses clients quant au montant de la taxe spéciale qui leur serait imposée pour les travaux d'infrastructure alors qu'elle savait qu'il s'agirait d'une taxe d'au moins 12 000 $. Le juge l’a tenue responsable des deux tiers des dommages subis par ses clients, qui auraient pour leur part dû se renseigner davantage.
Un courtier immobilier commet aussi une faute s'il omet de dénoncer à l'acheteur un élément essentiel conduisant à une perte de droits acquis. Dans Law-Kam Cio c. Gakovic, la courtière avait omis de révéler à l’acheteur d'un immeuble, qui voulait y ouvrir un commerce, que la vendeuse avait depuis deux ans cessé d’exploiter le sien à cet endroit, ce qui avait entraîné la perte des droits acquis. La courtière, solidairement avec la vendeuse et la municipalité, a été condamnée à payer des dommages-intérêts de 28 789 $.
Le courtier immobilier inscripteur doit également dénoncer à l'acheteur éventuel toute situation susceptible d'influer sur la transaction et lui remettre rapidement tout rapport d'expertise. Il n'a pas à juger de l'importance que celui-ci accordera à un test de pyrite effectué antérieurement. Par conséquent, dans Talbot c. Philogène, le courtier a été condamné à rembourser au vendeur la moitié des frais d’inspection que celui-ci avait dû rembourser à un acheteur qui s’était retiré du processus d’offre d’achat après avoir requis les services d'un inspecteur préachat et avoir appris qu’un test de pyrite avait été fait cinq ans auparavant.
Dans Gagnon c. Ouellette, une courtière avait transmis aux acheteurs une déclaration du vendeur qu’elle savait erronée. Elle a donc été tenus responsable in solidum avec les vendeurs des dommages subis par les acheteurs.
Obligation de vérification
Le courtier doit vérifier l’exactitude des renseignements figurant à la fiche descriptive de l’immeuble. Voici quelques exemples d’informations qu’il doit vérifier :
- exactitude des coûts d'énergie (Benoit c. Pilon)
- conformité d’un logement au sous-sol (Paris c. Gareau)
- nombre de places de stationnement extérieures (Senécal c. Poirier)
- contenance d’un terrain dont une partie importante est submergée par un lac (Goulet c. Charron)
- type de fondations (béton coulé ou blocs de béton) (Cardinal c. Royal Lepage Lachapelle)
- superficie (nette ou brute) (Hossain c. Groupe Sutton)
- présence de vermiculite dans l’entretoit (Poirier c. Royal Lepage Limoges)
Il doit aussi s’assurer que son client a la capacité juridique de vendre l’immeuble. Dans Di Giovanni c. Proprio Direct, Proprio Direct a manqué à son obligation de résultat en ne s'assurant pas que sa cliente, mariée sous le régime de la société d'acquêts, avait la capacité juridique de vendre l'immeuble; elle a été condamnée in solidum avec la vendeuse à payer aux acheteurs des dommages-intérêts de 1 500 $. Le courtier doit non seulement vérifier cette capacité, mais s’en assurer (Capitale Distinction inc. (Via Capitale Distinction) c. Fondation Dyson Moore).
Références
- Caron c. Bélanger (C.Q., 2016-09-23), 2016 QCCQ 10034, SOQUIJ AZ-51328307, 2016EXP-3516, J.E. 2016-1916.
- Pelletier c. Lamarche (C.Q., 2015-09-29), 2015 QCCQ 8940, SOQUIJ AZ-51218808, 2015EXP-3076.
- Law-Kam Cio c. Gakovic (C.S., 2015-01-29), 2015 QCCS 225, SOQUIJ AZ-51145395, 2015EXP-589, J.E. 2015-301.
- Talbot c. Philogène (C.Q., 2014-07-29), 2014 QCCQ 8363, SOQUIJ AZ-51106555, 2014EXP-3333.
- Gagnon c. Ouellette (C.Q., 2014-01-09), 2014 QCCQ 45, SOQUIJ AZ-51034430, 2014EXP-523, J.E. 2014-270.
- Benoit c. Pilon (C.Q., 2015-10-14), 2015 QCCQ 10206, SOQUIJ AZ-51224146, 2015EXP-3430.
- Paris c. Gareau (C.Q., 2015-08-12), 2015 QCCQ 9503, SOQUIJ AZ-51222012, 2015EXP-3066, J.E. 2015-1698.
- Senécal c. Poirier* (C.S., 2015-08-20), 2015 QCCS 3818, SOQUIJ AZ-51208319, 2015EXP-2731, J.E. 2015-1502. Inscription en appel, 2015-09-18 (C.A.), 500-09-025599-150.
- Goulet c. Charron (C.Q., 2016-03-04), 2016 QCCQ 1327, SOQUIJ AZ-51262426, 2016EXP-1185, J.E. 2016-639.
- Cardinal c. Royal Lepage Lachapelle (C.Q., 2014-06-23), 2014 QCCQ 5709, SOQUIJ AZ-51089849, 2014EXP-2297.
- Hossain c. Groupe Sutton (C.Q., 2014-11-04), 2014 QCCQ 11557, SOQUIJ AZ-51129061, 2014EXP-3870, J.E. 2014-2165.
- Poirier c. Royal Lepage Limoges (C.Q., 2013-11-15), 2013 QCCQ 15072, SOQUIJ AZ-51025778, 2014EXP-178, J.E. 2014-94.
- Di Giovanni c. Proprio Direct (C.Q., 2015-02-27), 2015 QCCQ 1540, SOQUIJ AZ-51156875, 2015EXP-1103.
- Capitale Distinction inc. (Via Capitale Distinction) c. Fondation Dyson Moore (C.Q., 2014-04-08), 2014 QCCQ 2935, SOQUIJ AZ-51066370, 2014EXP-1541, J.E. 2014-864.
Bonjour Me Faulkner,
Bravo pour votre article et le sujet choisi qui mérite bien d’être souligné. Pour votre article, pour les questions du devoir de vérification et la détermination de la capacité juridique du vendeur et les obligations du courtier, j’aurais ajouté à votre synthèse un jugement relativement récent rendu: Re/Max Royal (Jordan) inc. c. Landmark Properties Inc., J.E. 2015-1356 (C.Q.) portant sur ces sujets. Meilleures salutations.
Monsieur le juge Edwards,
Merci pour votre commentaire au sujet de mon billet portant sur la responsabilité du courtier immobilier. La décision bien étoffée que vous portez à mon attention est effectivement très pertinente et aurait mérité de se retrouver dans ma revue de la jurisprudence récente en la matière. Au bénéfice des lecteurs, la voici : http://t.soquij.ca/a5D4E. Merci de l’avoir soulignée !
Salutations,
Me Emmanuelle Faulkner