En 2016, plus de 1 100 décisions traitant du droit municipal ont été rendues par les tribunaux judiciaires et spécialisés. De ce nombre, 189 ont été résumées ou le seront par les conseillers juridiques de SOQUIJ, soit celles ayant un intérêt juridique élevé. Dans le présent billet, je vais traiter des décisions qui ont le plus retenu mon attention durant l’année 2016, notamment en matière de règlement et de responsabilité municipale, d’aménagement et d’urbanisme ainsi que de contrat et de fiscalité municipale.
Règlement municipal
Comment faire un survol de la jurisprudence de l’année 2016 sans parler du règlement 16-060, portant sur le contrôle des animaux de la Ville de Montréal? Le 1er décembre dernier, la Cour d’appel a infirmé le jugement de la Cour supérieure qui avait ordonné le sursis de l'entrée en vigueur de certains articles de ce règlement, en l'occurrence ceux relatifs aux chiens de type pitbull. Les juges de la Cour ont notamment conclu que le juge, lors de son analyse de la prépondérance des inconvénients, avait omis de tenir pour acquis que ce règlement avait été adopté pour le bien du public et qu'il servait un objectif d'intérêt général valable; il s'agissait là d'une erreur déterminante permettant de casser l'ordonnance de sursis rendue par ce dernier.
Le 22 juin 2016, la juge Masse, de la Cour supérieure, dans l’affaire Villeneuve c. Montréal (Ville de), a déclaré inopérant l'article 2.1 du règlement sur la prévention des troubles de la paix, de la sécurité et de l'ordre public, et sur l'utilisation du domaine public de la Ville de Montréal, qui impose la communication, au préalable de sa tenue, du lieu exact et de l'itinéraire, le cas échéant, d'une assemblée, d'un défilé ou d'un autre attroupement, mais uniquement dans la mesure où il s'applique aux manifestations instantanées. Quant à l'article 3.2 du règlement, qui interdit à quiconque participant ou étant présent à une assemblée, un défilé ou un autre attroupement sur le domaine public, d'avoir le visage couvert sans motif raisonnable, il a été être déclaré nul parce qu'il a une portée excessive, étant déraisonnable et arbitraire au sens du droit administratif en plus d’être inconstitutionnel parce qu'il porte atteinte aux libertés d'expression et de réunion de manière injustifiée. Ce jugement a été porté en appel: déclaration d’appel, 2016-08-03 (C.A.), 500-09-026262-162.
Responsabilité
En matière de responsabilité, le 18 octobre 2016, la Cour supérieure a statué que la Ville de Montréal avait commis un abus de droit à l'égard des demandeurs, d'ex-cadres supérieurs de la Ville de Lachine ayant été intégrés à la Ville de Montréal à la suite de la fusion municipale de 2002 car, avant de pouvoir valablement suspendre les effets de la réglementation et des ententes portant sur leurs conditions de retraite, une autorité compétente devait déclarer celles-ci nulles, ce qui n'a jamais été fait. Il a alors été ordonné à la Ville d'appliquer aux demandeurs les règlements et la résolution adoptés par la Ville de Lachine, de même que de se conformer aux obligations contractuelles dont elle avait hérité à leur égard par la fusion de 2002 en ce qui a trait aux modalités de leurs prestations de retraite. Enfin, ayant eu une conduite abusive envers les demandeurs déjà retraités en leur communiquant, la veille de Noël, par courrier recommandé, sa décision de cesser d'appliquer les règlements adoptés par la Ville de Lachine et les ententes en découlant portant sur leurs conditions de retraite, la Ville de Montréal a été condamné à payer à chacun d’eux 25 000 $. Pour leur part, les trois demandeurs encore au service de la Ville de Montréal ont eu droit à des dommages moraux de 15 000 $ chacun.
Aménagement et urbanisme
Le 22 septembre 2016, l'article 487.1 du règlement 01-277 d'urbanisme de l'arrondissement Le Plateau-Mont-Royal de même que les articles 13 et 14 du règlement 2010-14, qui modifient la section X du chapitre I du titre VII du règlement 01-277 d'urbanisme de l'arrondissement Le Plateau-Mont-Royal et qui interdisent les panneaux-réclames dans cet arrondissement, ont été déclarés nuls et inconstitutionnels parce qu'ils contreviennent au droit à la liberté d'expression. Bien que le fait de vouloir prévenir la pollution visuelle et limiter les distractions pour les automobilistes constituent des objectifs réels et urgents, il a été conclu que la prohibition totale de la présence de panneaux-réclames sur le territoire de l'arrondissement Le Plateau-Mont-Royal est une grave atteinte à ce droit fondamental (Déclaration d'appel, 2016-11-04, et déclaration d'appel incident, 2016-11-14 (C.A.), 500-09-026440-164).
Appel d’offres
Dans les causes Groupe CRH Canada inc. (Demix Construction) c. Montréal (Ville de), il a été ordonné à la Ville de Montréal d'octroyer d'importants contrats visant des travaux de construction à deux entreprises qui avaient été injustement écartées des appels d'offres même si elles avaient déposé les soumissions les plus basses. Avant de rendre cette décision sur les demandes en injonction permanente de nature déclaratoire, le tribunal avait, les 21 mars et 11 avril 2016, prononcé trois injonctions provisoires ordonnant à la Ville de surseoir à sa décision d'attribuer les contrats relatifs aux trois projets.
Élu municipal
Dans Gingras c. Commission municipale du Québec, il était question du maire de la Ville de L’Assomption, le demandeur Gingras, qui a été sévèrement blâmé à la suite d'une enquête tenue par la Commission municipale du Québec (CMQ). Ce dernier a produit une requête introductive d'instance en révision judiciaire du rapport de la CMQ. Vu le refus de la Ville de supporter ses frais de représentation dans ce litige, Gingras a déposé une requête devant la Cour supérieure fondée sur l'article 604.6 de la Loi sur les cités et villes. Le juge Provencher a alors souligné qu’en adoptant cette disposition et l’article 604.7 de la loi, l'intention du législateur était d'éviter aux élus municipaux de devoir supporter personnellement des frais associés à l'exercice de leurs fonctions. Bien que ce régime de protection soit exorbitant du droit commun, il reste qu'il doit être interprété de façon large et libérale pour pouvoir remplir son objectif. Toutefois, la personne qui demande la protection financière doit satisfaire aux trois conditions énoncées à l'article 604.6 de la loi, à savoir: 1) il doit s'agir d'un élu; 2) l'élu doit être défendeur, intimé, accusé ou mis en cause dans une procédure dont est saisi un tribunal; et 3) la procédure doit être fondée sur l'allégation d'un acte ou d'une omission dans l'exercice des fonctions de l'élu en tant que membre du conseil municipal. De plus, la personne visée par la demande ne doit pas être l'instigatrice du recours ou de la procédure. En l’espèce, le juge a conclu que Gingras disposait dans le contexte de sa demande en révision judiciaire du même statut qu'il détenait lors de l'enquête de la CMQ, lequel lui a permis de bénéficier de la protection financière. Il a donc droit à celle-ci tant que le jugement n'a pas acquis le stade final, soit l'état de la chose jugée.
Fiscalité municipale
Enfin, le 15 avril 2016, dans l’affaire 9185-6617 Québec inc. c. Longueuil (Ville de), il a été décidé que la découverte d'un vice caché grave diminuant substantiellement la valeur d'un immeuble ne peut constituer un événement justifiant la modification du rôle d'évaluation foncière au sens de l'article 174 paragraphe 6 de la Loi sur la fiscalité municipale. Un pourvoi en contrôle judiciaire a été déposé (2016-05-16 (C.S.), 500-17-093886-169).
Ce bref survol permet de constater que plusieurs jugements marquants ont été rendus à 2016. À voir le nombre de ceux qui ont été portés en appel, l’année 2017 risque d’être aussi riche en matière de jurisprudence en droit municipal!
Références
- Montréal (Ville de) c. Lours (C.A., 2016-12-01), 2016 QCCA 1931, SOQUIJ AZ-51346354, 2016EXP-3873, J.E. 2016-2133. À la date de diffusion, le jugement n’avait pas fait l’objet de pourvoi à la Cour suprême.
- Lours c. Montréal (Ville de), (C.S., 2016-10-05), 2016 QCCS 4770, SOQUIJ AZ-51329190, 2016EXP-3245, J.E. 2016-1763.
- Villeneuve c. Montréal (Ville de), (C.S., 2016-06-22), 2016 QCCS 2888, SOQUIJ AZ-51298968, 2016EXP-2119, J.E. 2016-1178.
- Sauvé c. Montréal (Ville de), (C.S., 2016-10-18), 2016 QCCS 5232, SOQUIJ AZ-51337667, 2016EXP-3785, J.E. 2016-2085.
- Astral Media Affichage c. Montréal (Ville de), (C.S., 2016-09-22), 2016 QCCS 4541, SOQUIJ AZ-51324985, 2016EXP-3098, J.E. 2016-1676.
- Groupe CRH Canada inc. (Demix Construction) c. Montréal (Ville de), (C.S., 2016-05-20), 2016 QCCS 2332, SOQUIJ AZ-51289553, 2016EXP-1779, J.E. 2016-979.
- Gingras c. Commission municipale du Québec (C.S., 2016-08-23), 2016 QCCS 3958, SOQUIJ AZ-51316945, 2016EXP-2946, J.E. 2016-1591.
- 9185-6617 Québec inc. c. Longueuil (Ville de), (C.Q., 2016-04-15), 2016 QCCQ 2397, SOQUIJ AZ-51279352, 2016EXP-1458, J.E. 2016-789.
Me Pomerleau,
Dernièrement, il me semble avoir lu un jugement ou de la doctrine à l’effet qu’il y avait exonération du droits de mutations immobilières dans le cas d’une vente d’un immeuble par la Succession d’un père à son fils.
J’ignore la référence.
Merci de votre attention
Richard Hénault
Bonjour M. Hénault,
Voulez-vous dire que cette décision aurait été intéressante à inclure dans le texte de Me Pomerleau ou plutôt que vous cherchez la référence de cette décision? Dans ce dernier cas, vous pouvez la retracer à http://citoyens.soquij.qc.ca.
Merci de votre intérêt pour le Blogue SOQUIJ.