Le nouveau Code de procédure civile a jeté un certain flou sur le déroulement du pourvoi en rétractation de jugement.

Dans ses commentaires, la ministre de la Justice affirme que les nouvelles dispositions reprennent le droit antérieur, sauf quant à la distinction technique entre les étapes du «rescindant» (anéantissement du jugement attaqué) et du «rescisoire» (nouveau jugement rendu sur le fond de l’affaire) (Québec, Ministère de la Justice, Commentaires de la ministre de la Justice: le Code de procédure civile, chapitre C-25.01, Montréal, SOQUIJ/Wilson & Lafleur, 2015, 695 p.).

Certains juges ont conclu de ces commentaires et des nouvelles dispositions que l’étape de la «réception» avait été abolie, tout comme la notion de «preuve prima facie» qui s’y appliquait (voir Gougeon c. Morin ou 9174-7337 Québec inc. (EK Design) c. Groupe Zand inc.).

Dans une autre affaire, la Cour supérieure a même à la fois suspendu et rétracté un jugement, ce qui a provoqué l’intervention de la Cour d’appel, laquelle en a profité pour remettre les pendules à l’heure sur le sujet (Canadian Royalties inc. c.  Mines de nickel Nearctic inc.).

Selon elle, le législateur a simplement voulu assouplir les règles applicables de façon à permettre un usage plus efficace et une économie des ressources judiciaires. Il revient donc maintenant au juge de gérer l’instance selon les circonstances de chaque cas. La Cour précise par ailleurs que la disparition d’étapes rigides ne devrait pas avoir une grande incidence sur le déroulement du pourvoi :

[37]       Malgré le changement dans la formulation, la procédure actuelle devrait se dérouler dans la plupart des cas comme dans l’ancien code, c’est-à-dire, en deux étapes. Le juge s’assurera d’abord de la recevabilité de la demande en vérifiant le respect des délais ainsi que le sérieux des motifs de rétractation et des moyens de défense. Puis, plus tard, les parties feront leurs preuves et le juge tranchera le pourvoi en rétractation et l’instance originaire en une seule ou en deux instructions.

Ainsi, l’étape de la «réception» n’a pas véritablement disparu mais a seulement été fondue dans une mécanique relevant des pouvoirs discrétionnaires du juge :

[34]       Encore une fois, l’obligation faite au juge de s’assurer que « le motif [de rétractation] invoqué est suffisant » (art. 348 C.p.c.) a trait, comme dans le droit antérieur, à décider de la recevabilité du pourvoi – sa réception – et non à en trancher le bien-fondé.

Comme sous l’ancien C.P.C., si cette étape est franchie, le juge pourra ordonner la suspension de l’exécution du jugement attaqué (voir paragraphe 33) jusqu’au sort du pourvoi.

Enfin, la décision d’entendre ou non le pourvoi en rétractation et la demande originaire dans une seule instance doit être mûrement réfléchie et «ne peut être dicté[e] uniquement par des contraintes de temps» : 

[39]     […] Le choix effectué par le juge doit prendre en compte qu’il faut, d’une étape à l’autre, éviter les dédoublements dont la répétition des témoignages et surtout éviter de tirer, en tranchant le pourvoi en rétractation, des conclusions de fait qui lieront le juge qui entendra le fond du litige ou créeront la possibilité de jugements contradictoires. S’il s’avère difficile d’éviter ces risques, il vaut peut-être mieux que le juge tranche le tout en même temps. À moins que le juge ne demeure saisi du dossier, que la question en jeu soit claire pour tous et qu’il soit approprié de scinder l’affaire.

En somme, la version améliorée du pourvoi en rétractation reflète essentiellement le rôle accru que le nouveau C.P.C. accorde aux juges en matière de gestion de l’instance.

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