L’employeur, qui exploite une entreprise spécialisée dans la transformation de porc, a congédié un opérateur de chariot élévateur connu de ses collègues et du syndicat pour faire du trafic de cannabis sur les lieux du travail à la suite de son refus de s’engager à respecter certaines conditions comprises dans une « entente de dernière chance ». L’arbitre de griefs, dans Viandes du Breton inc., a donné gain de cause à l’employeur. 

Voici les principaux faits :

La politique en vigueur dans l’entreprise prévoit qu’il est « strictement interdit d’être en possession d’alcool, de drogue ou de toutes autres substances affectant les facultés, à l’intérieur de l’un de ses établissements ou sur sa propriété incluant notamment les stationnements » (paragr. 112). Il est également interdit de « faire la distribution ou le trafic ».

Or, étant aux prises avec un problème récurrent de trafic et de consommation de drogue depuis plusieurs années, il a demandé la collaboration de la Sûreté du Québec afin de bénéficier des services d’un agent d’infiltration et qu’une fouille de plusieurs casiers des salariés soit effectuée.

Sans surprise, il a trouvé une balance numérique de poche ainsi qu’une quantité non précisée de cannabis dans le manteau de cet opérateur de chariot élévateur, surnommé «le facteur» par ses collègues puisqu’il était connu pour faire la distribution de drogue.

L’employeur l’a suspendu 1 mois. Avant de lui permettre de revenir au travail, il lui a présenté une « entente de dernière chance » (paragr. 138) par laquelle le salarié devait s’engager à respecter des conditions. Devant le refus de ce dernier de signer cette entente, l’employeur a mis fin à son emploi.

La fouille des casiers était légale et a été reçue à titre de preuve

En ce qui a trait au droit au respect de la vie privée prévu à l’article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne, la jurisprudence en droit du travail a reconnu que l’attente raisonnable en matière de vie privée au travail est moindre. En effet, les salariés savent que l’employeur a l’obligation légale, en vertu de l’article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), « de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique du travailleur » (paragr. 86).

L’employeur peut procéder à la fouille des casiers des salariés s’il a des motifs raisonnables de croire qu’une violation de sa politique interdisant la possession, la consommation ou le trafic de drogue, dont le cannabis, a été perpétrée ou est en voie de l’être.

L’arbitre de griefs a conclu en ce sens et a mentionné que la preuve de cette violation se trouvait sur les lieux du travail ou sur la personne du salarié.

Quels étaient ici les motifs raisonnables de l’employeur pour procéder à une fouille ?

Ces motifs raisonnables peuvent découler de la plainte d’un seul salarié ou être fondés sur des renseignements fournis par plusieurs salariés ou sur des observations faites par l’employeur, ou encore sur une combinaison de ces éléments d’information que l’employeur juge crédibles dans l’ensemble.

À cet égard, un problème de drogue existait au sein de l’entreprise à un point tel que l’employeur a fait appel à la police. De plus, lorsque le problème est de cette importance et que les salariés dénoncent des collègues, l’employeur a le devoir de réagir rapidement. Ainsi, la fouille d’un salarié ou de son casier ne nécessitera pas une autorisation préalable.

De plus, un représentant syndical avait été témoin d’une importante transaction de drogue dans les casiers à l’heure du dîner.   

Moyen raisonnable et le moins intrusif possible

La fouille a également été exercée de façon la moins intrusive possible. En effet, les casiers n’étaient pas cadenassés, le chauffeur de chariot élévateur était présent à l’occasion de la fouille et celle-ci n’a pas été faite de manière envahissante. La fouille était donc justifiée, malgré une certaine atteinte au droit au respect de la vie privée.

Quelle a été la sanction pour ce salarié ?

Une suspension de 1 mois d’abord…

Pour avoir contrevenu à la politique qui interdit la possession de drogue sur les lieux du travail, le chauffeur de chariot élévateur a été suspendu 1 mois. L’arbitre a considéré qu’il s’agissait d’une sanction raisonnable, compte tenu d’un incident survenu au travail relativement à la drogue et de la preuve qui faisait que la possession d’une balance numérique, notamment, permettait d’inférer son intention d’en faire le trafic.

… puis le congédiement

Le salarié a été congédié en raison de son refus de signer une entente de dernière chance par laquelle il devait s’engager à subir des tests de dépistage aléatoires pour une période de 3 ans et à reconnaître que le non-respect de l’une des conditions, ou l’obtention d’un test de dépistage positif, entraînerait automatiquement un congédiement.

L’arbitre de griefs a souligné que, à moins qu’il ne s’agisse de conditions contraires à l’ordre public, à la loi ou à la convention collective, un salarié ne peut refuser de telles conditions, d’autant moins lorsqu’il s’agit d’une « entente de dernière chance » (paragr. 86) et qu’il possède des antécédents liés à la drogue.

L’employeur devait s’assurer que ce chauffeur de chariot se corrigerait à l’avenir et qu’il ne représenterait plus un danger pour lui-même ni pour ses collègues.

J’ajouterais qu’il ne faudrait pas oublier l’obligation faite aussi au travailleur à l’article 49 LSST de :

«[…]

2° prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique;

3° veiller à ne pas mettre en danger la santé, la sécurité ou l’intégrité physique des autres personnes qui se trouvent sur les lieux de travail ou à proximité des lieux de travail; […]»

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