Le 1er mars 2018, le juge Pierre Dupras, de la Cour du Québec, a déclaré un entrepreneur en excavation coupable d’homicide involontaire coupable (art. 222 du Code criminel (C.Cr.)) à la suite du décès de l’employé de sa compagnie enseveli dans une tranchée qui n’était pas sécuritaire.

Des travaux mal configurés

En effet, l’employeur a contrevenu aux obligations édictées à l’article 3.15.3 du Code de sécurité pour les travaux de construction en ne s’assurant pas que les parois de la tranchée en cause étaient étançonnées solidement avec les matériaux requis.

Le juge a estimé que la Couronne avait établi hors de tout doute les éléments de l’infraction d’homicide involontaire coupable :

  1. La conduite qui constitue l’acte illégal.
  2. La mort d’un être humain causée par cette conduite.
  3. Que l’acte illégal est objectivement dangereux.
  4. Puisqu’il s’agit d’une infraction de responsabilité stricte, elle devait établir que la conduite de l’accusé constitue un écart marqué par rapport à la conduite d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances.
  5. Puis, que compte tenu de toutes les circonstances, une personne raisonnable aurait prévu le risque de lésions corporelles (paragr. 113).

Le juge a conclu notamment, compte tenu de la preuve, que « le risque de lésion corporelle était évident, patent pour l’observateur raisonnable placé dans les mêmes circonstances » (paragr. 120) et il a fait remarquer que « plusieurs observateurs de la scène ont exprimé des inquiétudes au sujet de la configuration de la fosse et [d]u fait qu’on a dû y descendre sans étançonnement » (paragr. 117).

Le 18 septembre dernier, le juge Dupras a condamné l’employeur en question à une peine d’incarcération de 18 mois assortie d’une période de probation de 2 ans.

Proportionnalité de la peine : pondération des facteurs aggravants et atténuants

La Couronne réclamait une peine de 3 ans et demi de détention, tandis que l’employeur accusé proposait 90 jours de détention discontinue assortie d’une probation de 3 ans, comportant un volet de 240 heures de travaux communautaires et un don de 5 000 $ à un organisme de charité et un suivi encadré par un consultant en santé et sécurité du travail.

Le juge a estimé que la pondération des différents facteurs militait en faveur d’une peine d’incarcération en pénitencier (soit une peine de 2 ans ou plus) mais, vu l’ensemble des circonstances, y compris les importantes blessures et séquelles subies par l’employeur accusé, il conclut plutôt que la peine appropriée est de 18 mois, cette peine « [étant] à la confluence des deux optiques de la proportionnalité, une sanction qui à la fois dénonce l’infraction et punit le délinquant sans excéder ce qui est nécessaire » (paragr. 35).

Un précédent

L’appelant s’est désisté de son appel du jugement sur culpabilité. Ainsi, on pourra surveiller l’application de cet important précédent dans les cas éventuels de décès qui surviennent au travail, alors que nous voyions habituellement une condamnation pour négligence criminelle. D’ailleurs, l’employeur en cause ici a également été déclaré coupable de négligence criminelle ayant causé la mort (art. 220 C.Cr.), mais un arrêt conditionnel des procédures a été prononcé en raison de la règle de droit pénal qui interdit les déclarations de culpabilité multiples pour un même délit.

Print Friendly, PDF & Email