Un accident d’automobile peut entraîner de lourdes conséquences pour une victime. L’article 83.7 de la Loi sur l’assurance automobile prévoit que la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) « peut prendre les mesures nécessaires pour contribuer à la réadaptation d’une victime, pour atténuer ou faire disparaître toute incapacité résultant d’un préjudice corporel et pour faciliter son retour à la vie normale ou sa réinsertion dans la société ». Concrètement, qu’est-ce que cela signifie à l’égard de la remise en forme d’une victime ou de la réalisation d’activités sportives ou de loisirs ?

Pouvoir discrétionnaire

Tout d’abord, il faut savoir que l’article 83.7 attribue un pouvoir discrétionnaire à la SAAQ en matière de réadaptation. La SAAQ peut, et non doit, prendre des mesures de réadaptation. De plus, si elle décide d’offrir de telles mesures, elle peut choisir les moyens qu’elle va employer et le moment où elle va cesser de les offrir.

Une victime peut contester la décision de la SAAQ à cet égard. Cependant, le Tribunal administratif du Québec (TAQ) ne peut substituer sa décision à celle rendue par la SAAQ, à moins qu’elle soit déraisonnable, arbitraire, discriminatoire ou entachée d’une irrégularité grave dans le processus suivi pour y arriver.

La SAAQ a adopté des directives administratives pour encadrer son pouvoir discrétionnaire de réadaptation.

Remise en forme

Au regard de la directive pour les services professionnels, un article traite des « Frais d’inscription à un club d’entraînement physique (secteur privé) ».

Cet article prévoit que les frais d’inscription à un club d’entraînement physique sont remboursables sous certaines conditions. Notamment, les services doivent faire l’objet d’une recommandation d’un professionnel traitant dans le cadre d’une démarche de réadaptation visant le retour au travail ou à l’occupation. De plus, la période d’inscription remboursée ne doit pas excéder 3 mois. Pour un dépassement de cette période, une justification est exigée afin que la nécessité de poursuivre l’activité soit démontrée. Ce prolongement ne devrait pas dépasser 6 mois au total.

Enfin, une exclusion importante est indiquée : le remboursement de frais d’entraînement physique est exclu lorsque celui-ci est accompli dans le contexte d’une habitude de vie ou de loisirs ou pour du maintien des acquis.

Exemples tirés de la jurisprudence

Décision : R.L.

Faits : refus de la SAAQ de rembourser les frais de centre de conditionnement physique au motif que le nombre maximal de mois a déjà été remboursé.

Décision du TAQ : Refus de la SAAQ confirmé.

Décision : Y.B.

Faits : Remboursement par la SAAQ de frais d’abonnement à un centre de conditionnement physique pour une période de 3 mois. Refus de rembourser des frais engagés pour retenir les services d’un entraîneur physique privé.

Décision du TAQ : Refus de la SAAQ confirmé. Un médecin avait prescrit un programme d’exercice en salle « supervisé par une personne compétente ». La SAAQ a accepté de payer pour une supervision en salle et non pour une supervision privée. Lorsque le médecin a prescrit un « programme supervisé par une personne compétente », cela ne voulait pas dire que la supervision devait nécessairement se faire par l’entremise d’un entraîneur privé.

Activités sportives ou de loisirs

Quant à la directive portant sur le remboursement de frais facilitant la réalisation d’activités sportives ou de loisirs, le remboursement est possible sous certaines conditions.

Notamment, l’équipement et les services professionnels doivent :

  • servir ou viser à compenser les incapacités résultant des blessures subies au moment de l’accident, qui entraînent une situation de handicap dans la réalisation d’une activité sportive ou de loisirs ;
  • être nécessaires au développement ou au maintien du potentiel d’intégration sociale ;
  • permettre la réalisation d’une activité sportive ou de loisirs faisant partie des habitudes de vie antérieures ou la réalisation d’une nouvelle activité d’intégration sociale lorsque les activités antérieures ne peuvent être reprises ;
  • respecter les critères d’efficience, soit constituer la solution appropriée au moindre coût pour éliminer la situation de handicap ;
  • être recommandés par un professionnel qualifié.

Un montant maximum de 6 000 $, y compris les taxes, est accordé à vie pour l’ensemble des demandes.

Exemples tirés de la jurisprudence

Il faut noter que les décisions ci-dessous sont antérieures à l’adoption de la directive actuellement en vigueur. Ces cas ont quand même été recensés pour donner un portait d’ensemble.

Décision : C.M.

Faits : Le requérant était un athlète de haut niveau en triathlon avant l’accident. À la suite de celui-ci, il s’est procuré l’équipement sportif nécessaire à la pratique de ce sport. La SAAQ a accordé une aide financière maximale de 6 000 $ pour couvrir les frais liés à l’achat de l’équipement sportif. Le requérant a réclamé le remboursement des frais liés à l’achat d’un vélo à main, d’un fauteuil roulant de course et d’une combinaison thermique adaptée.

Décision du TAQ : Les frais réclamés doivent être remboursés. La SAAQ a refusé d’examiner si le remboursement des coûts de certains éléments d’équipement sportif pouvait contribuer à la réadaptation du requérant dans sa situation personnelle au motif que le triathlon n’était pas une activité de loisirs pratiquée par l’ensemble de la population. Or, le requérant pratiquait ce sport avant l’accident, et ce, à une intensité telle qu’il s’agissait d’une habitude de vie. La poursuite de cette habitude après l’accident en dépit de son handicap a contribué, du moins en partie, à son retour à la vie normale et à sa réinsertion sociale, en plus d’être un apport bénéfique pour sa condition physique et son équilibre émotif. La limitation de l’aide financière accordée par la SAAQ à l’achat soit d’un vélo à main, soit d’un fauteuil de course est restrictive et déraisonnable. Le requérant a droit au remboursement des frais réclamés pour l’équipement sportif en cause.

Décision : S.P.

Faits : La requérante est demeurée paraplégique à la suite de son accident. Elle a obtenu le remboursement d’un fauteuil roulant sportif au motif qu’il contribuait au maintien de la condition physique nécessaire à son travail. La SAAQ a refusé de lui payer un vélo adapté au motif qu’un seul équipement sportif à vie est permis. La requérante a expliqué que, comme elle ne peut plus faire de compétition en fauteuil roulant en raison de blessures, le vélo est le seul sport cardiovasculaire qui lui reste.

Décision du TAQ : Le vélo constitue non seulement une activité de loisirs, mais principalement un moyen de garder la forme physique nécessaire à l’exécution du travail de la requérante. La directive de la SAAQ imposant une limite d’un seul équipement adapté à vie est restrictive et déraisonnable. La requérante n’a pas épuisé son droit parce que la pratique du sport en fauteuil roulant ne lui convient plus. Le vélo ne constitue pas une activité sportive additionnelle, mais plutôt la seule qui lui permette actuellement de maintenir une forme physique et cardiovasculaire à la hauteur des exigences de son travail.

Décision : F.S.

Faits : Le requérant doit se déplacer en fauteuil roulant depuis son accident. La SAAQ a refusé de lui rembourser le coût d’une planche à neige. Le requérant soutient que le ski est presque le seul sport d’hiver qu’il peut pratiquer avec sa famille.

Décision du TAQ : La SAAQ n’a pas agi de façon déraisonnable en refusant d’accorder une somme considérable — plus de 5 000 $ — pour rembourser le coût de la planche à neige. Le requérant peut vivre une vie normale qui tient compte de son handicap sans être propriétaire d’une planche à neige, d’autant plus qu’il a occasionnellement à sa disposition un tel équipement pour pratiquer un sport qui n’est pas à la portée de toutes les familles. La vie de famille ne paraît pas substantiellement tributaire de la pratique du ski.

Print Friendly, PDF & Email