Dans le désir d’obtenir un nouvel emploi, un travailleur peut parfois omettre, volontairement ou non, de déclarer les limitations fonctionnelles qu’il conserve d’une lésion professionnelle antérieure. Or, s’il est embauché et qu’il se blesse à nouveau, il y a de fortes chances que ces informations ressortent au moment des différents examens médicaux. L’employeur pourrait alors alléguer que l’omission du travailleur de lui avoir divulgué l’existence de ses limitations fonctionnelles antérieures constitue de la négligence grossière et volontaire au sens de l’article 27 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP). S’il a gain de cause, le travailleur ne pourra bénéficier des avantages de cette loi.

Positions du Tribunal administratif du travail

Il existe 2 positions différentes au sein du Tribunal administratif du travail.

Pour certains décideurs, le simple fait pour un travailleur d’occuper un emploi contrevenant à ses limitations fonctionnelles constitue une négligence grossière et volontaire au sens de l’article 27 LATMP.

Dans Industrie Dry-Tec inc., il a été décidé que le manquement du travailleur à son obligation de prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique (art. 49 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail) se situe non seulement au moment où il se blesse, mais aussi quand il postule et accepte un emploi sans déclarer ses limitations fonctionnelles.

Pour d’autres décideurs, l’article 27 LATMP, qui est une exception au principe de l’indemnisation sans égard à la faute prévu à l’article 25 LATMP, doit être interprété de façon plus restrictive. Pour eux, l’omission de déclarer ses limitations fonctionnelles peut constituer une faute, mais elle ne représente pas nécessairement une négligence grossière. Pour reconnaître de la négligence grossière et volontaire, ils exigent la présence d’un élément de témérité ou d’insouciance déréglée du travailleur quant à sa propre sécurité, et non seulement un comportement imprudent ou une erreur de jugement.

De plus, ces décideurs retiennent que la négligence doit être l’unique cause de la lésion. Ainsi, les circonstances de la survenance de la lésion sont plus amplement examinées.

Par exemple, dans une décision (Cie Martin Brower du Canada), le Tribunal a souligné que, même s’il concluait que l’omission du travailleur, un chauffeur-livreur, de déclarer ses limitations fonctionnelles antérieures à l’embauche constituait de la négligence grossière volontaire, cette négligence n’était pas l’unique cause de la lésion. Dans cette affaire, l’accident était survenu parce que le crochet manipulé par le travailleur avait cédé et que celui-ci était tombé à la renverse sur le plancher glacé du camion.

Les conséquences

S’il y a application de l’article 27 LATMP, la lésion ne sera pas reconnue à titre de lésion professionnelle. Le travailleur ne pourra ainsi bénéficier des avantages prévus à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Or, ces avantages sont nombreux. En effet, l’article 1 LATMP prévoit que l’objet de la loi est la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires. Ce processus de réparation comprend notamment :

  • la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d’une lésion ;
  • la réadaptation physique, sociale et professionnelle, ce qui couvre un éventail de mesures ;
  • le paiement d’une indemnité de remplacement du revenu et ;
  • le paiement d’une indemnité pour préjudice corporel.

Un travailleur ne pourrait être dédommagé de la sorte s’il faisait une réclamation auprès de l’assurance-groupe de son employeur, par exemple.

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