Dans l’actualité, il est souvent question des comportements répréhensibles de locataires, lesquels perturbent les autres occupants des lieux loués et causent des préjudices sérieux aux locateurs. Ces situations conflictuelles m’ont inspiré le présent billet, lequel se veut un bref survol de décisions rendues par le Tribunal administratif du logement en la matière.

Que dit la loi?

En vertu de l’article 1855 du Code civil du Québec (C.C.Q.), «[l]e locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d’user du bien avec prudence et diligence».

De plus, l’article 1860 C.C.Q. lui impose de ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires de l’immeuble. En cas de violation de cette obligation, le locateur peut demander la résiliation du bail.

Quant à l’article 976 C.C.Q, lequel traite du trouble de voisinage, il se lit comme suit: «Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance qu’ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux.»

Maintenant, voici comment le Tribunal administratif du logement (anciennement la Régie du logement) a appliqué ces dispositions dans quelques décisions qui ont retenu mon attention.

Consommation et trafic de drogue

Dans Habitations populaires de Parc Extension, le locataire permettait que son logement ainsi que les aires communes de l’immeuble servent de lieu de rendez-vous pour l’achat et la consommation de drogues ainsi que l’abus d’alcool, ce qui troublait la jouissance normale des autres locataires de l’immeuble.

En effet, ceux-ci assistaient à un va-et-vient fréquent et trop souvent nocturne de personnes louches et tapageuses qui se rendaient chez le locataire fautif. De plus, les autres locataires étaient alors contraints de vivre aux côtés de ces personnes droguées ou ivres qui squattaient tant le logement visé que les aires communes, où ils s’adonnaient à toutes sortes d’excès et de violences. D’ailleurs, les policiers ont souvent été appelés sur place, au point d’être devenus des habitués des lieux.

Puisque la locatrice a subi un préjudice sérieux en raison de l’ampleur, de la fréquence et de la gravité du comportement dérangeant de son locataire et des personnes auxquelles il permettait l’accès aux lieux loués, le bail de ce dernier a été résilié par le Tribunal.

Ce tribunal a aussi déclaré, dans Milot, que le fait pour le locataire de cultiver du cannabis dans son logement constituait une activité illégale et un changement de la destination des lieux loués (art. 1856 C.C.Q.) donnant ouverture à la résiliation du bail.

D’autre part, même si la consommation de cannabis est permise par la Loi encadrant le cannabis ou qu’elle est médicalement prescrite, le consommateur ne doit pas causer un préjudice à ses voisins (art. 976 C.C.Q.), ce qui était le cas dans Résidence de la Tour Westmount ltée.

Dans cette affaire, à raison de plusieurs fois par jour, seul ou en compagnie d’amis, le fils de la locataire fumait du cannabis et cette odeur caractéristique, que plusieurs jugent nauséabonde, envahissait le logement pour ensuite se diffuser dans les couloirs et les logements voisins. En refusant toute autre forme de consommation du cannabis qui ne produirait pas de fumée, cette personne troublait la jouissance normale des lieux des autres locataires. Le bail a donc été résilié.

En matière de consommation de cannabis, je vous renvoie à 2 billets que j’ai rédigés par le passé sur le sujet: Interdiction de consommer du cannabis au logement et La fumée de cannabis risque de s’inviter chez vous.

Prostitution

Informé que sa locataire s’adonnait à des activités criminelles ou laissait se produire de telles activités dans les lieux loués, le locateur a déposé une demande en résiliation du bail, laquelle a été accueillie. En effet, il a été démontré que la consommation de substances illicites dans le logement en cause et les activités de prostitution qui y étaient exercées nuisaient à la sécurité des autres locataires et troublaient leur jouissance paisible des lieux.

En ce qui concerne la prostitution, la loi criminalise l’obtention de services sexuels moyennant rétribution. La Tribunal a donc estimé qu’il n’est pas illogique de déduire qu’un logement qui sert fréquemment à des activités de prostitution est un bien qui sert à la commission d’infractions criminelles. De plus, l’utilisation d’un logement à des fins commerciales, qu’elles soient prohibées ou non par le droit criminel, constitue un changement de destination des lieux loués, ce qu’interdit l’article 1856 C.C.Q.

Violence

Dans une résidence pour personnes âgées, certaines personnes se privaient d’aller manger à la cafétéria et de participer à des activités en raison des agissements de la locataire. Celle-ci était agressive et avait régulièrement des altercations avec d’autres résidents.

Cette situation a causé un alourdissement anormal de la gestion de l’immeuble pour la locatrice, qui devait constamment gérer les plaintes et les conflits entourant la conduite de cette locataire. Par ailleurs, le comportement inapproprié de cette dernière a causé un préjudice sérieux aux autres locataires de l’immeuble, des personnes âgées qui avaient besoin de se sentir protégées dans leur résidence. Dans ces circonstances, la résiliation du bail a été prononcée.

Enfin, si vous souhaitez lire davantage sur le sujet, je vous renvoie aux résumés de décisions que le Tribunal administratif du logement met à votre disposition sur son site Internet, lesquels sont préparés par les juristes de SOQUIJ. 

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