Pilote, médecin et avocat, Frank William Abagnale Jr, un ancien imposteur franco-américain qui s’est reconverti en consultant en sécurité, a pratiqué de nombreux métiers pour s’enrichir. Âgé de 19 ans seulement, il a notamment falsifié un diplôme de l’Université de Harvard, tenté de passer l’examen du Barreau et obtenu un poste dans le cabinet du procureur général de l’État de la Louisiane. Bien que cette histoire puisse divertir au grand écran (voir le film Catch Me If You Can), la réalité est tout autre.

Campagne de sensibilisation du Barreau du Québec

En l’absence d’une disposition législative, la Cour suprême du Canada a indiqué dans Fortin que l’on ne pouvait pas sanctionner une personne qui commettait l’erreur de s’adresser à un «faux avocat». Il n’en demeure pas moins que de consulter une personne qui s’improvise avocat alors qu’elle ne possède pas les connaissances ni les compétences requises peut mettre en péril les droits d’un justiciable. Ainsi, afin d’alerter les citoyens à l’égard de ces dangers, la pratique illégale du droit est au cœur de la récente campagne de sensibilisation du Barreau du Québec.

Des actes réservés aux avocats

Tel que l’écrivait ma collègue Me Maude Normandin dans son billet de blogue intitulé «Ce n’est pas la toge qui fait l’avocat», paru en 2018, ce n’est pas l’habit qui fait l’avocat, mais plutôt le fait d’être un membre en règle de son ordre professionnel. Au Québec, les activités réservées aux avocats sont énumérées à l’article 128 de la Loi sur le Barreau. Ainsi, une personne qui n’est pas membre du Barreau (sous réserve d’un permis spécial délivré par ce dernier et des actes également réservés aux notaires) n’a pas le droit, entre autres choses, de donner des conseils juridiques, de rédiger des procédures judiciaires ou de représenter des justiciables devant les tribunaux. Par ailleurs, en commettant de tels actes, le «faux avocat» s’expose à diverses accusations notamment en vertu de la Loi sur le Barreau.

Quelques cas intéressants

Parfois, la ligne est mince entre ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. Dans Charlebois, l’appelant avait été accusé d’avoir exercé illégalement la profession d’avocat en donnant un avis juridique au vice-président du conseil d’administration d’un syndicat de copropriétaire. La Cour d’appel a cependant confirmé son acquittement. Selon le tribunal, le courriel transmis, qui consistait en une reproduction (ou presque) de dispositions législatives du Code civil du Québec, ne pouvait être qualifié de consultation ou d’avis juridique puisqu’il s’apparentait plutôt à de l’information juridique générale.

Dans Roy, le contexte est anecdotique. Le défendeur est d’abord condamné à des heures de travaux communautaires. Ce dernier a donc décidé, sans autorisation de son agent de probation, de faire ceux-ci dans un cadre juridique. Selon lui, l’ordonnance de se soumettre à cette condamnation l’autorisait à intervenir dans tout dossier en matière de protection de la jeunesse. À cet égard, il a notamment publié une annonce invitant une jeune fugueuse à entrer en contact avec lui afin qu’il fasse valoir ses droits devant les tribunaux, a sommé le directeur de la protection de la jeunesse de retirer une employée d’un dossier sous peine d’intenter un recours en dommages-intérêts et a même rédigé une requête dans un dossier. Le défendeur, n’étant pas membre du Barreau du Québec, a été déclaré coupable d’avoir illégalement exercé la profession d’avocat (une permission d’appeler de la déclaration de culpabilité a été accordée). Une injonction interlocutoire a également été prononcée contre le défendeur par la Cour supérieure afin qu’il cesse d’accomplir des actes réservés aux membres du Barreau.

Ses frasques contre le Barreau ne sont toutefois pas terminées puisque son procès à l’encontre de 4 accusations d’outrage au Tribunal pour avoir violé cette injonction vient de se terminer. Le jugement est à suivre.

Finalement, dans Bazin, la Cour d’appel a confirmé la déclaration de culpabilité de l’appelant, un ancien membre du Barreau. La preuve a permis au juge de conclure que l’appelant avait, moyennant rémunération, prétendu faire ou fait des actes réservés aux avocats dans le contexte des démarches entreprises par les plaignants en vue d’obtenir leur résidence permanente. L’appelant avait d’ailleurs laissé les plaignants et une avocate au dossier l’appeler «Maître» sans les corriger. Ses explications quant au fait qu’il n’avait réclamé aucune somme d’argent et que le terme «Maître» était aussi utilisé en Haïti pour désigner un professeur n’ont pas été retenues.

Faites preuve de vigilance !

En somme, lorsque vous envisagez de solliciter un avocat, il demeure judicieux de vérifier si cette personne dispose du droit d’exercer cette profession auprès du Barreau du Québec. Une simple vérification qui pourrait vous éviter bien des péripéties.

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