Lorsqu’un enfant mineur commet une faute, la responsabilité de ses parents peut être engagée. Dans le présent billet, il sera question de la présomption de faute prévue à l’article 1459 du Code civil du Québec (C.C.Q.) et des moyens de défense pouvant être invoqués dans de telles circonstances.

En vertu de l’article 599 alinéa 1 C.C.Q., «[l]es père et mère ont, à l’égard de leur enfant, le droit et le devoir de garde, de surveillance et d’éducation». Sauf exception, ceux-ci exercent ensemble l’autorité parentale (art. 600 C.C.Q.).

Quant à l’article 1459 C.C.Q., il se lit comme suit :

Le titulaire de l’autorité parentale est tenu de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute du mineur à l’égard de qui il exerce cette autorité, à moins de prouver qu’il n’a lui-même commis aucune faute dans la garde, la surveillance ou l’éducation du mineur.

Celui qui a été déchu de l’autorité parentale est tenu de la même façon, si le fait ou la faute du mineur est lié à l’éducation qu’il lui a donnée.

Voici quelques jugements ayant appliqué cette disposition:

Récemment, les parents d’une adolescente qui avait faussement prétendu avoir été victime d’une tentative d’enlèvement ont démontré qu’ils n’avaient, comme éducateurs, commis aucune faute qui aurait eu une incidence sur le comportement de leur fille de 13 ans. Celle-ci a donc été condamnée seule à payer la somme de 10 540 $ à l’homme qui a été arrêté et détenu injustement dans cette affaire.

En 2017, le juge Tétreault a conclu qu’une personne raisonnable n’aurait pas subtilisé une carabine de chasse appartenant à son père et n’aurait pas tiré en direction d’un animal domestique, même si ce n’était que pour lui faire peur. Le garçon de 17 ans qui a grièvement blessé un chien en tirant en sa direction a donc été tenu responsable des dommages causés à l’animal et aux propriétaires de celui-ci.

Quant à la responsabilité de ses parents, elle n’a pas été retenue en vertu de l’article 1459 C.C.Q., car ils n’ont commis aucune faute dans la garde, la surveillance ou l’éducation de leur fils. Celui-ci était presque majeur au moment des événements, l’arme était dans une armoire verrouillée et les clés y donnant accès avaient été placées dans un endroit caché auquel il n’avait pas facilement accès. De plus, l’adolescent a admis avoir agi à l’insu de ses parents, car il savait que son père ne lui permettrait pas de prendre et d’utiliser l’arme. Enfin, la personnalité de ce garçon ne pouvait laisser croire à ses parents à la possibilité qu’il commette un tel geste.

En 2014, la mère d’un garçon de 15 ans poursuivi pour avoir mis le feu à un bâtiment industriel a aussi repoussé la présomption de faute établie à l’article 1459 C.C.Q. Avant l’événement en litige, cette femme avait consulté un médecin et une travailleuse sociale parce qu’elle avait des difficultés avec son fils adoptif. D’ailleurs, il a été démontré qu’elle avait tout fait pour lui donner une bonne éducation, comme au reste de la fratrie, mais sans succès. Lorsque l’adolescent a quitté l’école, sa mère ne l’a pas laissé à lui-même et l’a forcé à travailler à la ferme dont elle était propriétaire. Certes, elle savait qu’il était un jeune délinquant puisque, durant une période de quelques mois, il avait commis 4 crimes (vol de voiture, vol d’argent dans son sac à main et menaces). Toutefois, elle n’a pas baissé les bras et a porté plainte à la police.

Les parents d’un enfant de 15 ans doivent s’assurer que celui-ci n’a pas de mauvaises fréquentations et qu’il n’est pas entraîné vers de mauvaises habitudes ou vers le crime. Lors de 3 des 4 crimes commis avant novembre 2007, l’adolescent avait agi seul. Rien ne laissait supposer que, en compagnie de jeunes de son âge, il incendierait une partie d’un bâtiment industriel.

En 2002, 3 jeunes adolescentes de 13 et 14 ans ont commis un vol par effraction dans une résidence. Dans cette affaire, le juge a estimé que le vol était un événement exceptionnel et imprévisible. Même si les parents connaissaient les troubles de comportement de leurs adolescentes, rien ne laissait présager que celles-ci commettraient un délit criminel. Bien que les parents aient souvent été impuissants devant les refus manifeste de leurs enfants de respecter leur autorité, ils ont manifesté un réel souci et pris des moyens efficaces dans les circonstances, notamment en modifiant leurs heures d’arrivée et de sortie et en leur imposant des punitions. En conséquence, aucune responsabilité personnelle contre les parents de ces jeunes n’a pu être retenue.

Par contre, le père un garçon de 15 ans ayant commis des agressions sexuelles à l’endroit d’un enfant n’a pas repoussé la présomption de faute qui pesait contre lui. En effet, son fils a été laissé seul très jeune. Lorsque sa mère habitait avec eux, elle n’était pas disponible en raison de problèmes de consommation de drogue. Le père travaillait beaucoup et laissait son fils presque sans encadrement. Les agressions sexuelles n’étaient peut-être pas prévisibles, mais le père n’a pas prouvé que rien dans son comportement n’avait pu favoriser le préjudice subi par la victime. Ce dernier a donc été condamné à payer 20 000 $ à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par son fils adolescent (M.B. c. R.L.B.).

Enfin, la responsabilité de la mère d’un adolescent a été retenue pour les dommages causés par ce dernier à la grange incendiée de leurs voisins. La preuve a révélé qu’elle connaissait le comportement de son fils, qui avait été placé en famille d’accueil et en centre d’hébergement, ainsi que ses mauvais penchants. De plus, elle ne s’est jamais demandé ce que son fils faisait dans la grange et elle a laissé des allumettes et des cigarettes à sa portée. La mère et le fils ont donc été condamné à payer 17 500 $ aux propriétaires de la grange.

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