Voici la deuxième partie de ce tour d’horizon de décisions qui ont marqué nos collaborateurs au cours de la dernière décennie. 

Droit pénal

R. c. Jordan

La Cour suprême du Canada a recours à un nouveau cadre d’analyse qui fixe un plafond présumé au-delà duquel le délai entre le dépôt des accusations et la conclusion réelle ou anticipée du procès est présumé déraisonnable, soit 18 mois pour une affaire instruite devant une cour provinciale et 30 mois devant une cour supérieure.

R. c. Turcotte

À la suite de son second procès, Guy Turcotte a été reconnu coupable du meurtre au second degré de ses 2 enfants et a été condamné à l’emprisonnement à perpétuité; le délai préalable à sa libération conditionnelle a été fixé à 17 ans.

Le verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de trouble mentaux prononcé par le jury au terme du premier procès avait déclenché un tollé dans la province.

A c. R.

Au terme d’un procès devant jury, la belle-mère de la «fillette de Granby» a été reconnue coupable relativement à des chefs d’accusation de meurtre au second degré et de séquestration à l’endroit de la fillette âgée de 7 ans. Elle a porté cette décision en appel.

Elle a été condamnée à l’emprisonnement à perpétuité et le tribunal a fixé à 13 ans le délai préalable à son admissibilité à la libération conditionnelle.

Le père de la fillette a pour sa part été condamné à une peine de 4 ans de pénitencier après avoir plaidé coupable sous une accusation de séquestration.

Le décès de la «fillette de Granby», le 30 avril 2019, dans des conditions horribles a profondément bouleversé et choqué la population et soulevé des inquiétudes sur le système de protection de la jeunesse.

Devant cette tragédie, le gouvernement du Québec a mis en place la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, sous la présidence de madame Régine Laurent (la commission Laurent).

Le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux a présenté le projet de loi no 15 , qui modifie la Loi sur la protection de la jeunesse. Cette réforme donne suite aux recommandations de la commission Laurent.

L’étude détaillée du projet de loi no 15 a commencé le 22 février 2022.

Lalande c. R.

La Cour d’appel a confirmé la peine exemplaire de 9 ans de détention imposée à un homme jaloux sans histoire qui a violemment blessé son ex-conjointe en la poignardant à de multiples reprises. La Cour d’appel a envoyé un message fort selon lequel la violence conjugale devait être sévèrement punie.

C’est d’ailleurs pour faire face à ce phénomène que le législateur a récemment créé un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale au sein d’une nouvelle division de la Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec, soit la Division spécialisée en matière de violence sexuelle et de violence conjugale.

Droits et libertés

Carter c. Canada (Procureur général)

Le 6 février 2015, la Cour suprême a déclaré que les articles 241 b) et 14 du Code criminel (C.Cr.) portaient atteinte de manière injustifiée à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés et qu’ils étaient inopérants, dans la mesure où ils prohibent l’aide médicale à mourir à l’égard d’une personne adulte capable qui 1) consent clairement à mettre fin à sa vie et 2) est atteinte de problèmes de santé graves et irrémédiables lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition.

L’Assemblée nationale du Québec a adopté la Loi concernant les soins de fin de vie, laquelle est entrée en vigueur le 10 décembre 2015.

Cette loi propose une vision globale et intégrée des soins palliatifs et de fin de vie; elle comporte principalement 2 volets:

  • Les droits, l’organisation et l’encadrement relatifs aux soins de fin de vie, qui comprennent les soins palliatifs, y compris la sédation palliative continue et l’aide médicale à mourir;
  • La reconnaissance de la primauté des volontés exprimées clairement et librement, par la mise en place du régime des directives médicales anticipées.

Le 11 septembre 2019, la Cour supérieure, dans Truchon, a déterminé que l’exigence de la mort naturelle raisonnablement prévisible prévue à l’article 241.2 (2) d) C.Cr. portait atteinte aux droits à la vie, à la liberté et à la sécurité des demandeurs (des personnes atteintes de maladies dégénératives incurables s’étant vu refuser l’aide médicale à mourir), tandis que la disposition exigeant que la personne soit en fin de vie (art. 26 paragr. 3 de la Loi concernant les soins de fin de vie) portait atteinte à leur droit à l’égalité. Ces dispositions ont en conséquence été déclarées inopérantes.

Le 17 mars 2021, les modifications aux dispositions du Code criminel portant sur l’aide médicale à mourir sont entrées en vigueur.

Ward c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse)

Après 10 ans de procédures judiciaires, les 5 juges majoritaires de la Cour suprême du Canada ont conclu que Mike Ward n’avait pas choisi de se moquer de Jérémy Gabriel sur la base de son handicap, mais bien parce qu’il est une personnalité publique. Cette distinction n’étant pas fondée sur un motif prohibé au regard de la Charte des droits et libertés de la personne, les blagues de l’humoriste ne peuvent pas être considérées comme de la discrimination.

Turbide Labbé c. Ministère de la Sécurité publique

La Cour d’appel conclut que la Cour supérieure aurait dû s’appuyer sur l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (règles Nelson Mandela) pour délimiter la portée et le contenu des droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés invoqués par l’appelant, notamment quant à l’effet cumulatif des différentes périodes de détention en isolement cellulaire sur sa santé mentale.

Vous pouvez consulter notre billet qui traite plus en détail de cet arrêt de la Cour d’appel: L’évaluation des conditions d’isolement cellulaire au regard du droit international

Villeneuve c. Ville de Montréal

Les faits à la base de cette affaire remontent à 10 ans, au Printemps érable 2012, alors que des milliers de personnes manifestaient au son des casseroles pour bloquer la hausse des frais de scolarité et réclamer une société plus égalitaire. La Ville de Montréal avait adopté un règlement obligeant la divulgation de l’itinéraire d’une manifestation et interdisant le port du masque dans les manifestations.

En 2016, la Cour supérieure avait déterminé que l’article 3.2 du Règlement sur la prévention des troubles de la paix, de la sécurité et de l’ordre publics, et sur l’utilisation du domaine public, qui interdisait à quiconque participant ou étant présent à une assemblée, un défilé ou un autre attroupement sur le domaine public d’avoir le visage couvert sans motif raisonnable était inconstitutionnel parce qu’il portait atteinte aux libertés d’expression et de réunion de manière injustifiée.

Puis, en 2018, la Cour d’appel a déclaré nul l’article 2.1 du même règlement, exigeant que le lieu et l’itinéraire d’une assemblée, d’un défilé ou d’un autre attroupement soient communiqués au service de police préalablement à sa tenue, au motif qu’il portait atteinte aux droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique.

Printemps 2022, les tribunaux sont de nouveau amenés à se prononcer sur la question du port du masque, mais dans de toutes autres circonstances…

Print Friendly, PDF & Email