Un jugement rendu le 28 avril dernier par la juge Élise Poisson, dans un dossier où il était question d’aliénation parentale, a condamné un père au paiement de dommages-intérêts.
Les faits
Les parties ont un fils de 20 ans. Après leur séparation, qui remonte à 2003, elles conviennent de l’instauration d’une garde partagée dont les modalités, établies à l’amiable, varient au cours des années.
À compter de 2013, l’enfant adopte un comportement d’opposition de plus en plus soutenu à l’égard du cadre de vie établi par sa mère. De plus, il se retrouve au milieu du conflit opposant ses parents, le père l’impliquant notamment en partageant avec lui ses frustrations envers la mère.
À partir de la fin de 2015, vu les difficultés de l’enfant, la mère demande au père à quelques reprises de le prendre en charge temporairement. Le père ne donne pas suite à ces demandes et, en septembre 2016, à la suite d’un incident, l’enfant va vivre en permanence chez son père, rompant tous les contacts avec sa mère et les membres de la famille maternelle.
C’est dans ce contexte que la mère introduit une demande en réclamation de dommages-intérêts contre le père.
La position des parties
La mère estime que l’éloignement de son fils résulte de l’aliénation parentale de la part du père. Elle soutient que les agissements de ce dernier constituent une faute à son endroit et elle réclame 125 000 $, soit 25 000 $ par année pour une période de 5 ans, pour compenser le préjudice qu’elle a subi.
Pour sa part, le père soutient que la mère est seule responsable de la rupture des liens entre leur fils et elle.
La décision
La responsabilité civile d’un parent peut être engagée envers l’autre parent dans la mesure où il est démontré qu’une faute a été commise dans l’exercice conjoint de l’autorité parentale, que des dommages ont été subis par l’autre parent et qu’il existe un lien de causalité entre la faute et les dommages-intérêts réclamés.
En l’espèce, selon la juge, le père a engendré un conflit de loyauté qui a mené à la rupture des liens entre l’enfant et sa mère. Il a systématiquement ignoré la mère et exercé son autorité parentale de manière unilatérale, à l’exclusion de cette dernière, discréditant son apport aux yeux de leur fils. Par ailleurs, alors que la mère a tenté de résoudre les difficultés vécues avec l’enfant, chacune de ses tentatives a été minée par le refus systématique du père de collaborer activement à ces démarches.
Dans les faits, le père a renforcé le comportement d’opposition de l’enfant envers la mère, a créé une alliance indéfectible avec celui-ci et a aliéné l’affection de l’enfant envers sa mère. Par ses agissements, le père a adopté un comportement fautif engageant sa responsabilité civile.
Cela étant dit, il ne s’agit pas en l’espèce d’un «cas pur» d’aliénation parentale puisque la mère a commis certains gestes envers l’enfant qui auraient dû être évités. La juge fait plus particulièrement référence au comportement rigide de cette dernière et à des mesures disciplinaires discutables. Néanmoins, il n’est pas possible de conclure que la mère a contribué à alimenter le conflit de loyauté de l’enfant et le préjudice découlant de la rupture des liens entre eux. Il n’y a pas lieu, dans ces circonstances, de partager la responsabilité du préjudice subi.
Au final, la juge accorde 30 000 $ en dommages-intérêts à la mère.
La décision de la juge Poisson d’accorder une réparation dans un dossier d’aliénation parentale se veut une première au Québec. Il reste maintenant à voir quelles seront ses répercussions.
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