En cette fin d’année, où reprennent enfin les activités en «présentiel» après une interruption obligatoire en raison des mesures sanitaires, on nous a demandé s’il y aurait une mise à jour des billets qui s’intéressaient aux décisions des tribunaux ayant comme contexte les fameux «partys de Noël»:

Alors, à la demande générale, voici un survol de décisions récentes portant sur des incidents survenus à l’occasion des fêtes de Noël en milieu de travail.

Accidents du travail…ou non

Murphy et Ville de Léry

La travailleuse, qui est au service des travaux publics d’une ville, tenait le kiosque de boissons chaudes lors d’un événement organisé pour les citoyens. Après la fermeture de son kiosque, à l’invitation de la coordonnatrice, elle a participé à un jeu intitulé «le lancer du sapin» avec les bénévoles et les autres employés qui s’étaient rassemblés. En effectuant son lancer, elle a subi une déchirure du ligament croisé antérieur et une entorse au genou droit.

Selon le Tribunal administratif du travail, la travailleuse se trouvait dans sa sphère personnelle lorsqu’elle a décidé de participer au rassemblement et qu’elle a effectué le lancer du sapin. Le fait que la travailleuse a décidé d’attendre avant de fermer la section des travaux publics ou de ramasser quelques décorations qui restaient sur son chemin en partant n’a pas eu pour effet de la maintenir dans sa sphère professionnelle durant toute l’activité.

Cardone et Aeroplan Canada inc.

Le travailleur, un chef de service s’étant blessé pendant qu’il assistait à une fête de Noël organisée par l’employeur, n’a pas subi d’accident «à l’occasion du travail». Le TAT estime que, bien que le travailleur se soit senti obligé d’assister à la fête en question étant donné que son contrat à durée déterminée arrivait à terme et qu’il avait l’intention de poser sa candidature à l’occasion d’une ouverture de postes, il demeure que la présence des employés était facultative.

En l’espèce, l’accident n’est pas survenu dans les locaux de l’employeur. En outre, il est survenu en dehors des heures de travail et le travailleur n’était pas rémunéré. De même, les témoignages entendus démontrent qu’il n’existait pas de lien de subordination entre l’employeur et le travailleur au moment de l’événement.

Roy-Bélanger et Ressources Globales Aéro inc.

La travailleuse, une conseillère en dotation, s’est blessée dans l’escalier mécanique de l’établissement hôtelier où se déroulait la réception de Noël. Elle accompagnait des personnes ramenant un collègue en état d’ébriété à sa chambre d’hôtel. Elle a produit une réclamation pour des diagnostics de fracture à la cheville droite, d’entorse au poignet droit et d’abrasions multiples. Le TAT a conclu qu’elle n’avait pas subi d’accident «à l’occasion du travail».

La travailleuse ne nie pas que le bar était fermé au moment de la survenance de l’événement, qu’il n’y avait plus de musique, que la majorité des invités étaient partis et que les responsables de l’organisation de la fête s’affairaient à dégarnir les tables et à «ramasser» la salle. Elle corrobore de manière implicite le fait que la fête semblait terminée.

L’employeur n’avait plus le contrôle ni sur les lieux ni à l’égard de la travailleuse lorsque celle-ci a fait le choix d’accompagner d’autres personnes sur les étages. Lorsque la travailleuse a décidé de son propre chef de quitter la salle de réception pour les accompagner, c’était à titre personnel, car elle n’était pas l’organisatrice de la fête et elle n’avait pas reçu d’instructions de le faire de la part d’un gestionnaire.

Gestes à caractère sexuel

Syndicat des salariés(es) de l’agroalimentaire de Ste-Claire (CSD) et Kerry Canada inc. (Richard Guay)

Le plaignant a été congédié après avoir refusé de collaborer à une enquête déclenchée en raison d’allégations selon lesquelles certains salariés et salariées, dont lui-même, auraient participé à des ébats sexuels collectifs et consommé de la drogue à la suite d’une fête de Noël organisée par l’employeur.

Les activités reprochées se sont déroulées dans un hôtel, en dehors des heures de travail ainsi que dans un contexte privé. Cependant, ces événements ont eu une incidence négative sur le climat de travail, notamment en raison des rumeurs d’agressions et de harcèlement sexuels ayant circulé par la suite. Dans un tel contexte, l’employeur a démontré un lien suffisant entre les activités personnelles et l’entreprise pour justifier le déclenchement d’une enquête.

Toutefois, l’omission de l’employeur de donner au plaignant l’occasion de fournir sa version des faits avant l’imposition du congédiement est fatale. Le grief contestant le congédiement a donc été accueilli.

Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec et Société de l’assurance automobile du Québec (Joffrey Lemieux)

L’employeur reprochait au plaignant des gestes inappropriés commis à l’endroit d’une collègue lors d’une fête de Noël. Même si la collègue n’a pas porté plainte et considérait toute l’affaire comme un événement anodin, l’employeur estimait qu’il était de son devoir de prendre les mesures nécessaires afin de protéger la santé, la sécurité et la dignité de ses employés.

Or, le Tribunal a conclu que l’employeur ne pouvait sanctionner le plaignant pour le manquement allégué, celui-ci étant survenu lors d’une fête organisée et financée par les employés et tenue hors des heures et des lieux du travail.

Teamsters Québec, section locale 1999 et Univar Canada ltée (Jean-Martin Gobeil)

L’employeur a suspendu le plaignant pour une période de 3 jours en raison d’un geste à caractère sexuel que celui-ci avait commis, à la blague, à l’endroit d’une membre du personnel de l’entreprise où se tenait la fête de Noël organisée par l’employeur.

Selon le Tribunal, il était légitime pour l’employeur de s’attendre à ce que ses employés se comportent correctement, ce qui leur avait été rappelé en début de soirée. De plus, des exigences prévues dans le «Guide de l’employé» visent également la conduite envers des tiers avec lesquels l’employeur entretient des relations d’affaires. Dans un tel contexte, le Tribunal a estimé étonnant que le plaignant ait pu ignorer le caractère déplacé de son geste, qu’il considérait comme une simple blague. Sa conduite a rendu néfaste le milieu de travail de l’employée visée et a nui à l’image de l’employeur auprès d’une entreprise avec laquelle il faisait affaire. Cela méritait une sanction.

À cet égard, la suspension imposée au plaignant est une sanction sévère vu son ancienneté et son dossier disciplinaire vierge, mais pas au point de justifier l’intervention du Tribunal.

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