Vous avez peut-être été intrigués par cette nouvelle récente mentionnant qu’un jury américain avait validé un testament manuscrit de la chanteuse Aretha Franklin trouvé dans un canapé? Voilà un excellent sujet de billet de blogue en cette période estivale!

Depuis des années, je remarque que beaucoup de gens se posent des questions sur la validité des testaments qui ne sont pas notariés, tel celui de Mme Franklin. Voici l’occasion de regarder quelques cas jurisprudentiels qui peuvent répondre à certaines questions.

Formes du testament

Le Code civil du Québec (C.C.Q.) reconnaît 3 formes de testament: le testament notarié, le testament devant témoins et le testament olographe. Il y a bien sûr un important formalisme à observer pour le testament notarié, lequel est décrit aux articles 716 à 725 C.C.Q. Il y a également un certain formalisme à respecter pour le testament devant témoins (art. 727 à 730.1 C.C.Q.). Un tel testament doit être signé par le testateur devant 2 témoins réunis en même temps. Les témoins doivent alors confirmer qu’il s’agit bien du testament du testateur et de sa signature, puis le signer également. Il peut être écrit à la main ou par un moyen technique. Enfin, le testament olographe «doit être entièrement écrit par le testateur et signé par lui, autrement que par un moyen technique» (art. 726 C.C.Q.).

Les testaments olographe et devant témoins sont vérifiés soit par un notaire, soit par la Cour supérieure.

Exemples jurisprudentiels récents de vérifications de testaments

Succession de Côté 

Alors que la demanderesse rendait visite à son père à la résidence pour aînés où il résidait, celui-ci l’a informée qu’il avait rédigé son testament dans un cahier. Il a alors lu à voix haute les pages sur lesquelles il avait inscrit ses dernières volontés, puis il a apposé sa signature devant la demanderesse en inscrivant la date. Puisqu’il désirait avoir un témoin, celle-ci a ajouté sa signature en dessous de celle de son père, en inscrivant la même date. Étant donné qu’il souhaitait faire un testament notarié, la demanderesse a communiqué avec une notaire, mais son père est décédé avant d’avoir pu rencontrer celle-ci pour finaliser le tout.

Le tribunal a rejeté les prétentions de la sœur de la demanderesse selon lesquelles les inscriptions du défunt dans le cahier ne constituaient pas un testament olographe puisqu’il voulait manifester ses volontés dans le testament notarié qui devait être fait incessamment. La Cour a confirmé que le testament olographe en cause était vérifié.

Succession de Gélinas 

La demanderesse est la nièce du testateur. Elle demande de faire vérifier un testament devant témoins rédigé le 24 novembre 2016 dans lequel il lui lègue tous ses biens.

Le document a été rédigé à l’aide d’un formulaire prêt à remplir, disponible sur Internet, qu’une travailleuse sociale a imprimé et a remis au testateur. Comme ce dernier souffrait de dégénérescence maculaire, il ne pouvait lire le document. La travailleuse sociale, soit l’un des témoins, a inscrit certaines mentions, a aidé le testateur à remplir le formulaire, puis elle a lu le document en entier avant que ce dernier ne le signe. Il y a lui-même inscrit son nom, son adresse, la disposition testamentaire quant à ses biens, la date et sa signature. Il a également apposé ses initiales sur chaque page.

La Fondation du Foyer de Rigaud a contesté la validité du testament. Selon elle, le dernier testament du testateur est celui qui a été signé devant notaire, le 22 octobre 2012, aux termes duquel il lui léguait tous ses biens.

La Cour a confirmé que le testament devant témoins était valide.

Bitton c. Bitton

Le père du demandeur est décédé le 6 octobre 2020. En février 1989, il avait signé un testament devant témoins par lequel il léguait ses biens à ses 3 enfants.

Le demandeur a demandé que ce testament soit vérifié, mais l’épouse en secondes noces du défunt s’y est opposée, prétendant que le testament ne représentait pas les dernières volontés de son mari, celles-ci ayant plutôt été établies dans un courriel transmis à son notaire le 28 mars 2020, alors qu’il venait d’être hospitalisé d’urgence en raison de la COVID-19.

Le courriel prévoyait qu’il léguait une partie de ses biens à son épouse ainsi qu’aux filles de cette dernière et qu’il avantageait de manière importante ses 18 petits-enfants.

Selon le tribunal, accepter le courriel à titre de testament serait incompatible tant avec la nature intrinsèque du testament olographe qu’avec celle du testament devant témoins, car ce serait reconnaître la validité d’un testament non signé, entièrement écrit à l’aide d’un moyen technique et sans la présence d’aucun témoin. Puisque le courriel ne peut être considéré comme un testament valide, il ne peut non plus entraîner la révocation du testament du 28 février 1989.

Succession de Garneau 

Le conjoint de la demanderesse est décédé par suicide le 23 janvier 2020.

Il a été retrouvé sans vie à l’intérieur de son véhicule automobile avec, sur ses cuisses, un document manuscrit. Il s’agit d’une facture datée du 22 janvier 2020 au verso de laquelle il a écrit qu’il lui léguait tous ses biens. Ce document n’est pas signé.

Le tribunal a conclu que les circonstances extrêmement particulières de la rédaction du testament et sa découverte équivalaient à la signature du testateur. La découverte de l’écrit sur son corps convainc sans l’ombre d’un doute qu’il a manifesté ses dernières volontés avant de s’enlever la vie. Il est ainsi manifeste que, par ce scénario, il a en quelque sorte signé son testament. La proximité entre le moment de la rédaction du testament et celui du décès permet de distinguer la présente demande de celles où, en l’absence de signature, des demandes en vérification ont été rejetées.

Pas de vacances pour la jurisprudence!

Nous ne mentionnons ici que quelques exemples des nombreuses décisions judiciaires disponibles dans le Portail SOQUIJ classées sous le domaine de droit «Libéralités». Parmi la multitude de décisions judiciaires reçues chaque semaine, nos vaillants conseillers juridiques font une sélection selon l’intérêt jurisprudentiel afin de les signaler à la clientèle et de les rendre disponibles sous forme de résumés, ce qui est fort utile pour garder ses connaissances à jour en une fraction du temps. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’approvisionnement en décisions à résumer ne dérougit pas pendant l’été, de sorte que vous aurez encore une profusion de mises à jour jurisprudentielle à vous mettre sous la dent à votre retour de vacances bien méritées.

Bonnes vacances!

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