COVID longue, filiation d’enfants nés d’agressions sexuelles, gangs de rue, masculinisme, proches aidants: ce sont tous des enjeux qui ont fait la manchette dans la dernière année. Ces sujets ont aussi été traités dans certains jugements en matière familiale qui seront abordés dans les lignes suivantes.
COVID longue - Droit de la famille - 241505
Les parties ont un fils de 5 ans. En 2022, la mère reçoit un diagnostic de COVID longue et de myocardite. Après la séparation, au lieu de déménager à proximité de la résidence du père, la mère choisit plutôt de s’installer chez les grands-parents maternels. Avec l’entrée prochaine de l’enfant à la maternelle, les parties cherchent toutes deux à obtenir la garde exclusive. Au soutien de sa demande, le père soulève des préoccupations en lien avec l’état de santé de la mère, exprimant qu’elle n’est pas en mesure de s’occuper seule de leur fils.
La juge conclut que la condition de la mère ne lui permet pas, pour l'instant, d'assurer une garde exclusive sans une aide constante des grands-parents. D’une part, la preuve ne démontre pas que son état de santé s’est amélioré. D’autre part, le choix de s’installer chez les grands-parents et le projet à long terme de maintenir cette cohabitation sont révélateurs d’un besoin de soutien constant. Or, tout en reconnaissant l’apport des grands-parents dans la vie de l’enfant, il demeure que la mère doit prouver sa capacité physique à s'en occuper seule. Pour la juge, il n'y a pas lieu de privilégier une situation dans laquelle l'un des parents n'est pas en mesure de prendre en charge l'enfant, à moins d'être aidé de ses propres parents.
Gangs de rue - Droit de la famille - 241719
Les parties ont une fille de 10 ans et un fils de 20 ans qui était membre de divers gangs de rue et dont la tête a été mise à prix. Alors que l’aîné demeure chez le père et que ce dernier a déjà été victime d’une invasion de domicile en lien avec les activités de son fils, la mère, pour des raisons de sécurité, demande la garde exclusive de la cadette. Le père estime que le fait de le priver d’une garde partagée reviendrait à le punir parce qu'il remplit son rôle de parent auprès de l’aîné.
Le juge, tout en reconnaissant le dévouement du père et le soutien qu’il met à la disposition de l’aîné, rappelle que c’est l’intérêt supérieur de la cadette qui doit primer en l’espèce. Or, il est impossible de conclure que le domicile du père serait un «endroit imperméable» aux risques inhérents à la situation de l’aîné. Le juge accorde donc la garde exclusive à la mère, mais il note que le départ prochain de l’aîné devrait permettre de revoir les modalités de garde et qu’il s'agira d'un facteur susceptible de militer en faveur d'un retour progressif vers une garde partagée.
Néanmoins, vu l’importance pour l’enfant de passer le plus de temps possible avec chacun de ses parents, le juge accorde au père des droits d’accès qui devront être exercés à l’extérieur de son domicile.
Masculinisme - Droit de la famille - 2566
Les parties ont une fille de 5 ans. La mère veut conserver la garde exclusive de l’enfant, invoquant des capacités parentales déficientes du côté du père. En effet, au fil des années, elle a dû composer avec des discours complotistes et masculinistes de celui-ci et avec une vision très stéréotypée, voire misogyne, des femmes, qu’il tient responsables des malheurs et de la souffrance des hommes.
Pour le juge, il faut tenir compte de l’attitude misogyne du père. En effet, il est difficile de penser qu'il peut être dans l'intérêt d'une fillette de passer la moitié de son temps avec un parent qui entretient de telles idées sur les femmes. Or, le père n'a aucunement cherché à se dissocier des idées misogynes qu'il avait exprimées par le passé. En outre, le juge note une composante de contrôle qui a subsisté après la séparation, ce qui constitue à ses yeux un élément de violence conjugale dont il faut tenir compte. Le juge accorde donc la garde exclusive à la mère, avec un maintien des droits d’accès du père.
Proche aidant - Droit de la famille - 241812 et Droit de la famille - 2577
Les parties ont une fille de 4 ans dont elles se partagent la garde. Alors que l’enfant commencera bientôt l’école et vu l’éloignement entre les résidences respectives des parties, chacune veut obtenir la garde exclusive. Le père invoque des inquiétudes liées au milieu de vie de la mère. Cette dernière vit chez sa grand-tante, qui souffre de démence, et elle agit à titre de proche aidante auprès de cette dernière. Pour sa part, la mère fait valoir que le rôle qu’elle joue auprès de sa grand-tante fait en sorte qu’elle est plus disponible que le père.
Le juge décide de confier la garde de l’enfant au père. Notamment, il entretient des doutes quant à la disponibilité réelle de la mère auprès de sa fille et de l’encadrement qu’elle pourra lui accorder dans ses contacts avec la grand-tante. Ainsi, il considère que la situation de la grand-tante est suffisamment sérieuse pour nécessiter la présence de la mère et le fait que la mère n’envisage pas de reprendre le travail tant que cette cohabitation se poursuit.
La Cour d’appel confirme cette décision. Sur la question de la disponibilité des parties, elle indique que, sans minimiser le caractère louable de l’engagement de la mère ni exagérer les effets de la démence de la grand-tante, il n'en demeure pas moins que cette dernière a besoin d'une attention et d'une surveillance constantes et que c'est ce que la mère lui procure. Pour la Cour, il n'y a rien de déraisonnable dans l'inférence tirée par le juge Parent que cela soulève des inquiétudes quant à sa disponibilité pour l'enfant.
Filiation d’un enfant né d’une agression sexuelle - Droit de la famille - 252
L’article 542.24 du Code civil du Québec (C.C.Q.) prévoit que l’enfant issu d’une agression sexuelle peut s’opposer à ce qu’un lien de filiation soit établi entre lui et la personne qui a commis l’agression. En l’espèce, alors que le demandeur cherche à faire reconnaître sa paternité à l’endroit d’un enfant né après la rupture des parties, la mère entend s’opposer à l’établissement d’un lien de filiation en se fondant sur l’article 542.24 C.C.Q. C’est dans ce contexte que le père demande qu’un avocat soit désigné pour représenter l’enfant.
La juge rejette cette demande du père, étant d’avis que la désignation d’un avocat à l’enfant semble superflue ou, à tout le moins, prématurée. En effet, vu la nature du dossier, l’enfant est expressément partie au litige et, vu sa minorité, il est représenté, dans l’exercice de ses droits civils, par sa mère, qui est elle-même représentée par un avocat. Cela dit, la juge note que l’intérêt supérieur de l’enfant pourrait, en l’espèce, différer de l’intérêt personnel de la mère, notamment en raison des allégations d’agression sexuelle. Dans ces circonstances, et afin d’assurer à l’enfant une représentation adéquate, la juge considère approprié de désigner un tuteur ad hoc, qui devra agir dans l’intérêt supérieur de l’enfant et qui pourra, par l’intermédiaire de son avocat, faire les représentations adéquates en lien avec l’article 542.24 C.C.Q., le cas échéant.
Les auteurs du Blogue ne peuvent donner d'opinion ni de conseil juridique relativement aux situations personnelles des lecteurs.
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