Les décisions des tribunaux administratifs du Québec représentent plus de 60 % du volume de traitement et de diffusion de SOQUIJ. Pourtant, malgré son influence dans le quotidien des Québécois et des Québécoises, la justice administrative reste peu connue. En 2023, SOQUIJ a rencontré les différents décideurs administratifs pour mieux connaître et faire connaître leur travail.
Le Québec est l’une des provinces où l’on trouve le plus de logements à travers tout le Canada. À Montréal, par exemple, c’est environ les deux tiers du territoire qui sont occupés par des locataires.
Lors d’un entretien avec Patrick Simard, président, et Luk Dufort, juge administratif, SOQUIJ a exploré le fonctionnement et l’ampleur des actions du Tribunal administratif du logement (TAL) dans l’écosystème du logement locatif au Québec.
Trancher les litiges, informer et concilier
Le public québécois connaît le TAL avant tout comme un tribunal qui tranche des litiges lors de conflits découlant d’un bail résidentiel. L’habitation représente un droit fondamental: au quotidien, ce principe guide les actions et les décisions des juges administratifs de l’organisme. C’est également ce qui inspire la deuxième mission du TAL, soit de renseigner les citoyens et les citoyennes sur leurs engagements en vertu d’un contrat de location.
Selon le Tribunal, rendre l’information juridique aussi claire et accessible que possible prévient la judiciarisation de dossiers qui n’ont pas besoin de l’être. Pour ce faire, la vulgarisation de questions de droit parfois complexes s’avère cruciale. Lorsque chaque partie, soit le propriétaire et le locataire, comprend bien ses droits et ses obligations, la relation contractuelle tend à se dérouler plus harmonieusement.
«Une part importante de la population est présentement locataire, donc nos décisions ont un impact majeur sur de nombreux Québécois et Québécoises. Notre mission est de s’assurer que chacune des parties à un contrat locatif connaît ses droits, et une de nos décisions peut vraiment déterminer l’étendue de son obligation.»
– Luk Dufort, juge administratif
Ainsi, le TAL présente une variété de contenus sur ses réseaux sociaux et sur son site Internet, notamment un outil pratique de calcul pour l’augmentation de loyer mis à jour annuellement. Grâce au Service de renseignements aux citoyens, le public peut aussi obtenir un soutien personnalisé, notamment avant le dépôt d’une demande. L’ensemble des moyens en place vise à favoriser un meilleur accès à la justice pour toute la population.
Le troisième volet de la mission du TAL est peut-être moins connu: il consiste à favoriser la conciliation. Ainsi, au-delà de ses juges, le TAL dispose d’une équipe de conciliateurs et conciliatrices qui offrent aux justiciables des solutions de rechange à la judiciarisation de leurs différends.
Le seul tribunal administratif en matière de litige civil
Seul tribunal administratif canadien à trancher des litiges entre citoyens, le TAL se démarque par l’importante quantité de dossiers traités par ses juges. Au cours de l’année 2023-2024, 91 006 demandes ont été examinées par le Tribunal, avec un total de 78 642 audiences tenues et de 44 992 décisions rendues. On parle du tribunal administratif avec le plus grand volume à l’échelle du Canada.
Depuis sa création, en 1980, le TAL s’est vu confier de plus en plus de compétences par le gouvernement provincial et le domaine d’intervention de ses juges a pris de l’ampleur. D’ailleurs, entre 2019 et 2024, 5 projets de loi distincts – les projets 16, 67, 8, 31 et 65 – sont venus accroître le champ d’action du TAL.
«Notre principal enjeu pour l’avenir est de maintenir la qualité des services que nous rendons malgré le volume de dossiers actuel. Il faut continuer à bien faire ce qu’on fait et déjà, c’est un défi considérable.»
– Patrick Simard, président et juge administratif
Dans un contexte où l’accès au logement et au logement abordable est de plus en plus difficile, le rôle d’un organisme spécialisé prend tout son sens. En cas de problème (entretien déficient, insalubrité, etc.), plusieurs personnes n’ont plus la possibilité de quitter leur logement pour un autre et doivent se tourner vers le TAL pour faire valoir leurs droits. Année après année, les membres du TAL interviennent dans un nombre toujours croissant de dossiers.
Malgré tout, avec sa formule de traitement simplifiée, le TAL est en mesure de maintenir des délais rapides: en 2023-2024, l’ensemble des demandes ont été entendues en 3,9 mois en moyenne, toutes causes confondues. Les dossiers urgents sont quant à eux entendus au maximum dans les 90 jours suivant leur dépôt. Ces délais sont beaucoup plus courts que ceux d’autres tribunaux comparables au pays.
Quelques dates clés
1980 : Création de la Régie du logement. Unique tribunal administratif de droit civil encore aujourd’hui, la Régie devient l’organisme spécialisé avec une compétence exclusive en matière de bail résidentiel au Québec.
2019 : Passage de la Régie au Tribunal administratif du logement (TAL). Avec l’adoption du projet de loi 16, la Régie du logement devient le TAL, ce qui clarifie sa mission et ses règles de fonctionnement. C’est également à cette occasion que la notion de «tiers de confiance», alors inconnue en droit civil, fait son apparition au TAL.
2021 : Création de la demande conjointe. Avec l’adoption du projet de loi 67, il est désormais possible, par exemple, pour plusieurs locataires d’une même résidence privée pour aînés (RPA) de déposer une demande commune au TAL. Ce type de démarche est une innovation située entre le recours individuel et l'action collective.
2023 : Élargissement de la compétence du TAL. Le projet de loi 8 confirme la compétence exclusive du TAL en ce qui concerne la relation locateur-locataire, pour tout montant inférieur à 100 000 $.
2024 : Plusieurs modifications législatives majeures. Le projet de loi 31 accorde au TAL une compétence illimitée en matière financière sur les ordonnances, notamment de travaux, de réparation et de remise en état du logement. Quant au projet de loi 65, qui limite le droit d’éviction des locateurs et renforce la protection des locataires aînés, il amène des modifications législatives qui influent sur les décisions du Tribunal.
Cette série de portraits des tribunaux administratifs du Québec est réalisée en collaboration avec le Regroupement des présidents des tribunaux administratifs du Québec et la Conférence des juges administratifs du Québec.
Les auteurs du Blogue ne peuvent donner d'opinion ni de conseil juridique relativement aux situations personnelles des lecteurs.
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