Depuis son adoption, le 27 juin 1975, la Charte des droits et libertés de la personne a été un vecteur de l'avancement des droits fondamentaux dans la société québécoise. Interdisant notamment toute discrimination fondée sur le sexe, cette loi fondamentale et quasi constitutionnelle préconise l'égalité entre tous. Illustrons ce chemin parcouru en examinant quelques-unes des décisions rendues dans les premières années ayant suivi l'adoption de la charte.

Le hockey

Dans Commission des droits de la personne c. Fédération québécoise de hockey sur glace Inc., la Commission des droits de la personne cherchait notamment à faire déclarer nulle toute réglementation visant à exclure les joueurs de sexe féminin des ligues de hockey des intimées, considérant qu'elle contrevenait aux articles 10, 12 et 13 de la charte.

Le juge note que la plaignante, alors âgée de 15 ans, était considérée comme le meilleur joueur à la position de gardien de but de sa ligue ainsi que l'absence d'option équivalente pour elle de jouer dans une ligue féminine avec d'autres joueurs de son âge et de capacité équivalente à son niveau. Le tribunal conclu qu'il n'existait aucune raison bone fide de refuser la plaignante comme joueur pour quelque raison que ce soit, telle que ses qualifications, son talent, sa santé ou autres, sauf le critère du sexe.

Ainsi, la seule façon d'éviter la discrimination contre les jeunes filles est de les considérer sur le même plan que les garçons. Toutes les craintes quant à leur capacité, à leur santé ou aux dangers physiques auxquels elles peuvent faire face, vu la nature de ce sport de contact, pouvant être résolues facilement au moyen des examens de routine. Le tribunal note que, bien qu'il soit possible que peu de filles aient les qualifications nécessaires pour être admises dans des équipes de garçons, il importe que la loi soit respectée pour ces quelques cas exceptionnels.

La location de camion

Dans Commission des droits de la personne du Québec c. Emergency Car Rental Inc., la Commission réclamait des dommages-intérêts à la suite du refus des défendeurs de louer à la plaignante un camion d'une longueur de 16 pieds parce qu'elle était de sexe féminin. Les défendeurs, qui avaient admis que la plaignante était expérimentée et détenait un permis de conduire, avait refusé de lui louer le camion, alléguant ne pas vouloir courir de risque. Deux heures plus tard, les défendeurs avaient accepté de louer un camion semblable à un ami de la plaignante, sans lui demander s'il avait de l'expérience dans la conduite de camion.

Le tribunal a conclu que le refus des défendeurs n'était basé sur aucune raison objective, mais plutôt sur la présomption que la plaignante ne pouvait conduire un camion parce qu'elle était du sexe féminin, en violation des articles 10, 12 et 49 de la charte. Ils ont été condamnés à lui verser la somme de 219 $, ce qui correspond environ à 818 $ en dollars d'aujourd'hui.

L'emploi

Dans Commission des droits de la personne du Québec c. Collège de Sherbrooke, le Collège de Sherbrooke avait mis sur pied un programme destiné aux femmes à la maison pour les aider à reprendre de l'assurance à l'égard des études et à s'intégrer à l'enseignement régulier. Le responsable de la coordination du programme avait élaboré des critères d'engagement des professeurs, dont l'un d'eux prévoyait que l'équipe devait idéalement être composée d'autant de professeurs masculins que féminins pour éviter toute forme de sexisme dans un programme qui était déjà constitué spécialement pour des femmes.

Les 3 premiers professeurs engagés étant de sexe féminin, le comité de sélection avait retenu pour le quatrième poste à combler la candidature d'un professeur masculin, alors qu'il avait des compétences et des qualités égales à celles de la candidate féminine.

L'argument invoqué par le Collège selon lequel le critère de sélection visait l'équipe et non l'individu n'a pas été retenu, le tribunal rappelant qu'il y a discrimination lorsqu'il existe une distinction, exclusion ou préférence qui a pour effet de détruire ou de compromettre la pleine égalité que préconise la charte, que cette discrimination soit intentionnelle ou non.

En l'espèce, il s'agissait d'embaucher un professeur d'histoire du Québec et le sexe n'est pas une aptitude ou une qualité exigée de bonne foi pour l'emploi. En voulant éviter toute attitude de discrimination à l'égard des étudiantes, le Collège a commis de la discrimination à l'égard d'un professeur en refusant de l'embaucher parce qu'elle était une femme.

L'avenir de la charte

Ce retour sur le passé nous rappelle que la société québécoise a beaucoup évolué et certaines discriminations sont maintenant de l’histoire ancienne. Cependant, les principes démocratiques et les valeurs de liberté et d’égalité portées par la charte demeurent. Depuis 50 ans, celle-ci nous a guidés vers une société plus égalitaire et plus juste. Bien que les valeurs portées par la charte soient restées les mêmes, son contenu a été bonifié depuis et le défi est maintenant de l'adapter à la réalité d'aujourd'hui.