Un agent de sécurité a subi une lésion professionnelle lors d’un festival, alors que 2 personnes se sont introduites illégalement sur les lieux et lui ont asséné des coups de poing au thorax. La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a imputé à l’employeur la totalité des coûts découlant de cet accident du travail. Considérant que cet accident avait plutôt été majoritairement attribuable à un tiers, l’employeur a contesté cette imputation.
Demande de transfert d’imputation: accident attribuable à un tiers
Selon le principe général, établi à l’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la CNESST impute à l’employeur le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail survenu à un travailleur alors qu’il était à son emploi.
Il existe cependant des exceptions à cette règle qui permettent à un employeur d’obtenir un transfert de l'imputation, notamment lorsque celle-ci a pour effet de lui faire supporter injustement le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail attribuable à un tiers.
Pour bénéficier d’un tel transfert, l’employeur doit alors remplir 4 conditions. Il doit démontrer 1) la survenance d’un accident du travail, 2) la présence d’un tiers, 3) le fait que cet accident soit majoritairement attribuable à ce tiers et 4) l’effet «injuste» de l’imputation.
En l’espèce, la présence d'un accident du travail et d’un tiers n’est pas en litige.
Quant à savoir à qui est attribuable cet accident, le Tribunal ne peut passer sous silence les manquements de l'employeur dans la mise en place de mécanismes de prévention visant à protéger la santé et la sécurité du travailleur. En effet, ce dernier a été laissé seul durant plus de 1 heure pour surveiller des individus qui cherchaient à s'introduire sur les lieux d'un festival de grande envergure, et ce, sans qu'un moyen de communication soit mis à sa disposition pour lui permettre d'appeler du renfort. Toutefois, malgré la part de responsabilité de l'employeur, il demeure que, n'eût été l'acte répréhensible du tiers, qui a agressé le travailleur, l'accident du travail ne serait jamais survenu. Le tiers a donc été majoritairement responsable de l'accident.
En ce qui concerne l’effet injuste de l’imputation, bien qu'il soit regrettable que le travailleur ait été roué de coups lors d'une intervention, cet événement fait partie intégrante du risque auquel un agent de sécurité fait face dans l’exercice de ses fonctions, devant intervenir auprès d'une clientèle difficile, récalcitrante, voire agressive. Il est vrai qu'un geste de nature criminelle donne généralement ouverture à un transfert du coût des prestations, mais une nuance s'impose lorsque le risque d'agression auquel s'expose un travailleur est relié de manière étroite et nécessaire aux activités de l’employeur, comme c'est le cas en l'espèce. Par ailleurs, les circonstances de l’événement accidentel ne peuvent être qualifiées d’exceptionnelles, n’étant pas de «nature de celles qui sont hors du commun, qui surprennent, qui feraient sourciller ou hausser les sourcils à peu près n’importe qui et qui sont en fait de nature à faire les manchettes plutôt que d’être un simple accident comme il en survient malheureusement beaucoup». Il n’est donc pas injuste que l’employeur soit imputé de la totalité des coûts découlant de l'accident du travail.
Ainsi, la participation d’un tiers à la survenance d’un accident ne garantit pas à l’employeur qu’il pourra bénéficier d’un transfert d’imputation. Une analyse de plusieurs facteurs devra être effectuée afin d’évaluer s’il a droit ou non à une telle mesure d’exemption.