Dans Specter Aviation Limited c. Laprade, la Cour supérieure a décidé que le dépôt d’une contestation produite avec le soutien de l’intelligence artificielle (IA) et renfermant plusieurs précédents jurisprudentiels ou citations d’autorités inexistants constituait un manquement important dans le déroulement de l’instance au sens de l’article 342 du Code de procédure civile.

L’affaire était délicate, car les tribunaux sont tenus de faire preuve d’une certaine forme de flexibilité à l’égard des parties non représentées par un avocat, ce qui était le cas dans cette affaire.

Néanmoins, le message servi par la Cour, nuancé et lucide, ne pouvait être plus clair: si l’IA  est un outil favorisant l’accessibilité à la justice et avec lequel les tribunaux doivent composer, aucune tolérance ne sera accordée à une partie qui, sciemment ou par mégarde, introduit des faussetés dans le débat judiciaire.

Bref, l’être humain est entièrement responsable des errements de la machine.

En l’espèce, le prix à payer pour la partie fautive a été de 5 000 $, vu la nature punitive et exemplaire de la sanction.

Voici quelques extraits saillants de la décision:

  • [43] Si l’accès à la justice commande une certaine flexibilité de la part des tribunaux face au citoyen qui doit se représenter sans l’aide d’un avocat, celle-ci ne saurait jamais se traduire par une tolérance du faux. L’accès à la justice ne saurait jamais s’accommoder de la fabulation ou de la frime.
  • [46] Inutile de stigmatiser l’usage de l’intelligence artificielle. […] Les avancées technologiques ne permettent pas l’attentisme et l’appareil judiciaire doit s’adapter en amont plutôt qu’en aval. En outre, toute mesure technologique pouvant permettre de favoriser l’accès au système de justice au citoyen devrait être saluée et encadrée plutôt que d’être proscrite et stigmatisée.
  • [57] Tenter d’induire la partie adverse et le Tribunal en erreur en produisant des extraits fictifs de jurisprudence et autres autorités constitue un manquement grave. Que cette conduite soit intentionnelle ou plutôt le fruit d’une simple négligence, le justiciable est redevable des plus hauts standards par rapport aux procédures qu’il dépose à la Cour. Faut-il le rappeler, le dépôt d’une procédure demeure un acte solennel qui ne saurait jamais être pris à la légère. Que le justiciable soit représenté par avocat ou non.
  • [58] Si le Tribunal est sensible au fait que l’intention de Monsieur Laprade était de se défendre au meilleur de ses capacités en ayant recours à l’intelligence artificielle, sa conduite n’en demeure pas moins hautement répréhensible. Il doit supporter seul tout l’opprobre découlant de citations «hallucinées» par l’intelligence artificielle sur laquelle il s’est appuyé pour générer sa contestation.
  • [59] Une interprétation généreuse de sa conduite mène le Tribunal à conclure qu’il a fait perdre du temps à plusieurs intervenants, les avocats des Demanderesses et le Tribunal en tête de peloton. […].

[Soulignements ajoutés et références omises.]