Dans un billet précédent, j’ai porté à votre attention un jugement de la Cour supérieure ayant condamné l’appelant, le journaliste Gilles Proulx, à payer 45 000 $ en dommages moraux et punitifs à l’intimée, la présidente du Syndicat de la fonction publique du Québec, pour atteinte à sa réputation découlant d’une chronique publiée dans le Journal de Montréal.

Le 16 mars dernier, les juges de la Cour d’appel ont infirmé ce jugement en statuant qu’en l’absence d’une preuve établissant la mauvaise foi de Proulx lors de la rédaction de sa chronique, le juge de première instance ne pouvait conclure à la présence d’une intention malveillante de sa part, en déduisant une volonté de nuire du seul fait qu’il est un journaliste d’expérience maniant la langue française avec habileté.

En outre, lue dans son ensemble, cette chronique présente un point de vue sur un sujet d’intérêt public qui peut se défendre. Selon la juge Marcotte, qui rédige l’arrêt, l’opinion du chroniqueur ne peut être qualifiée de déraisonnable dans le contexte de l’article, alors que le ton utilisé ne va pas au-delà de ce qui est acceptable : les mots «Tartuffe», «apparatchiks» et «chantage» constituent une forme de caricature verbale qui ne dépasse pas les bornes de la critique permise à l’égard des personnalités publiques dans le cadre d’une société démocratique. «Conclure autrement m’apparaît susceptible de museler à excès les commentateurs publics.» (Je souligne.)

Par ailleurs, la simple injure ne suffit pas pour soutenir un recours en diffamation, dont le but n’est pas de réparer l’incidence des propos litigieux sur la dignité du sujet mais plutôt de l’indemniser pour la déconsidération de sa réputation qui en résulte. Enfin, bien que l’intimée ait pu être blessée par les propos de Proulx, les propos litigieux, pris dans leur ensemble, n’ont pas déconsidéré sa réputation aux yeux du citoyen ordinaire.