Bien que le cannabis ait été légalisé au Canada l’an dernier, sa consommation par un parent peut avoir des conséquences dans les dossiers de garde d’enfant ou de protection de la jeunesse. Voici quelques jugements sur le sujet.

Consommation quotidienne et assidue : Droit de la famille ‑ 182605 et Droit de la famille ‑ 182671

Dans la première affaire, les parties ne s’entendent pas sur la garde de leur fille de 3 ans. La mère réclame une garde exclusive de l’enfant, invoquant notamment la consommation de cannabis du père. Celui-ci consomme au moins 3 grammes de cannabis par semaine, ce qui, suivant son témoignage, représenterait une consommation quotidienne de 2 cigarettes de cannabis. La demande de la mère est accueillie.

Pour la juge Danye Daigle, une consommation quotidienne et assidue de cannabis est de nature à permettre un questionnement sur les capacités parentales d’un adulte à répondre aux besoins de son enfant. Cela serait particulièrement vrai lorsque celui-ci est en bas âge, alors que la capacité à réagir rapidement est particulièrement importante, et ce, au même titre qu’une consommation régulière d’alcool ou de médicaments.

La juge reconnaît les démarches entreprises par le père à cet égard, mais elle fait ressortir un obstacle de taille, soit le fait qu’il nie son problème de consommation et qu’il manque d’autocritique.

Dans la seconde affaire, la mère remet en question les habiletés parentales du père à l’occasion de leur divorce, notamment en raison de sa consommation. Le père admet consommer quotidiennement du cannabis, principalement pour ses effets relaxants. Il reconnaît par ailleurs son incapacité à mettre fin à cette consommation ‑ qu’il affirme toutefois avoir réduite de façon importante ‑ ainsi que le fait qu’il aurait conduit à certaines occasions avec les facultés affaiblies par la drogue en présence de ses enfants.

La juge Marie-Josée Bédard conclut que la consommation du père demeure un élément préoccupant en raison de l’historique de sa consommation, de ses tentatives infructueuses de cesser toute consommation et de son réflexe de consommer lorsqu’il vit du stress.

Consommation abusive : Droit de la famille ‑ 19554

Il est ici question de la garde d’un enfant de 3 ans qui présentait des signes de sevrage à sa naissance. En effet, malgré les recommandations de son médecin, la mère n’avait pas mis fin à sa consommation quotidienne de cannabis pendant sa grossesse ni par la suite. Celle-ci réclame à présent une garde partagée, invoquant notamment la légalité de sa consommation et l’absence d’effet sur ses capacités parentales. La demande de la mère est rejetée.

Le juge Jérôme Frappier estime que la consommation de la mère est abusive et il indique que la toxicomanie de cette dernière, conjuguée à ses crises d’anxiété, compromet ses capacités parentales et présente un risque sérieux qu’elle ne puisse répondre adéquatement aux besoins de son fils dans le cours d’une garde partagée. Il note par ailleurs que le mode de vie de la mère ébranle la stabilité de l’enfant, qui doit subir de nombreux changements de garde, selon son état. Au final, il conclut que la mère démontre que sa consommation primerait l’intérêt supérieur de son fils.

Production et consommation à des fins médicales : Droit de la famille ‑ 191803

Les parties ont un fils de 10 ans qui désire vivre avec son père. Celui-ci demeure dans le sous-sol de la résidence des grands-parents paternels. La mère s’oppose toutefois à ce que leur fils couche au sous-sol étant donné que le père y cultive du cannabis pour sa consommation personnelle. En effet, le père consomme du cannabis médicinal pour soulager ses maux de dos et son insomnie, ayant obtenu une ordonnance médicale à cet égard; il est autorisé à produire du cannabis à cette fin.

Le juge Luc Lefebvre accorde la garde au père. Il note que les 2 tentes où le père fait pousser ses plants sont équipées de filtres à charbon, d’échangeurs d’air et de ventilateurs. Par conséquent, il n’y a aucune odeur de cannabis perceptible, d’autant moins que le père ne fume pas dans la maison. Il note également les engagements du père de vérifier si son fils peut dormir dans une chambre située au rez-de-chaussée ou s’il est possible de construire un mur au sous-sol et de mettre sous clé tout produit de cannabis.

Consommation accidentelle par un enfant : Protection de la jeunesse ‑ 188855

Enfin, dans ce dossier, une enfant de 11 mois a dû être hospitalisée après avoir mangé un mégot de cigarette de cannabis qu’elle avait trouvé lorsqu’elle était chez son père. La directrice de la protection de la jeunesse (DPJ) a allégué qu’elle avait été victime d’abus physiques par son père puisqu’elle avait subi des conséquences physiques de la négligence de celui-ci à la surveiller adéquatement et que ce dernier l’avait mise en contact avec des substances dangereuses pour elle. De son côté, l’avocate de l’enfant a plutôt invoqué une situation de négligence sur le plan éducatif dans le milieu du père, celui-ci n’ayant pas été en mesure de fournir une surveillance adéquate.

La juge Sylvie Côté ne retient pas le motif de compromission avancé par la DPJ. Elle concède que l’enfant a été gravement atteinte dans son intégrité physique par la négligence de son père mais ajoute que cette atteinte n’avait pas pour cause un geste du père, qu’il soit volontaire ou accidentel. La juge retient toutefois le motif suggéré par l’avocate de l’enfant. Au moment des faits, l’enfant était âgée de 11 mois, elle se déplaçait et portait à sa bouche les objets qui se trouvaient sur son chemin, y compris les mégots de cigarette de cannabis que le père laissait dans un cendrier. Or, en laissant des objets dangereux accessibles à sa fille, le père avait négligé de répondre à ses besoins fondamentaux sur le plan éducatif.