Dans un précédent billet, je vous mettais en garde contre la tentation de profiter d’une erreur de prix en ligne en mettant en lumière des décisions où des consommateurs avaient, pour la plupart, échoué à obtenir un dédommagement d’un commerçant.
Cette fois, je vous présente 2 autres décisions récentes, favorables aux consommateurs, où le tribunal a eu à décider si un commerçant ayant commis une erreur dans l’affichage d’un prix sur son site Internet était tenu de vendre le bien au consommateur à ce prix erroné.
1) Tardif-Audy
Dans cette affaire, la consommatrice surveillait les ventes de fin de saison sur Internet afin de trouver un kayak pour l’anniversaire de sa fille. Elle en a trouvé un sur le site de la défenderesse, affiché au prix de 90,05 $. Elle a effectué la transaction et a reçu un courriel de confirmation, mais le commerçant a annulé sa commande au motif qu’il y avait eu une erreur dans l’affichage du prix: le prix réel du kayak était de 1 590 $ et c’est le rabais qui aurait dû être de 90,05 $, pour un prix au rabais de 1 499,95 $. La consommatrice a réclamé 2 250 $ au commerçant, soit la valeur du kayak, taxes en sus, ainsi que 500 $ pour les inconvénients subis.
Un contrat à distance validement conclu
Le juge a d’abord estimé qu’il s’agissait d’un contrat conclu à distance au sens de l’article 54.1 de la Loi sur la protection du consommateur et que celui-ci liait les parties. Tous les éléments essentiels du contrat envisagé étaient présents; il ne s’agissait pas d’une simple invitation à faire une offre. Selon lui, la personne qui effectue une transaction en ligne pour acheter un bien mis en vente et dont la carte de crédit est débitée du prix affiché confirme son acceptation de l’offre faite par le commerçant.
Le commerçant prétendait ne pas avoir consenti de façon libre et éclairée à la vente en ligne du kayak. L’erreur dans le prix affiché aurait vicié son consentement. Or, le juge a retenu que l’erreur sur le prix résultait de la négligence du préposé du commerçant, un vendeur professionnel, qui avait confondu la valeur du bien et le rabais qui lui était applicable. Il s’agissait donc d’une erreur inexcusable qui ne pouvait avoir vicié le consentement du commerçant.
Le juge a aussi rappelé que l’obligation d’agir de bonne foi en matière contractuelle ne va pas jusqu’à imposer au consommateur d’alerter le commerçant quand le prix d’un article qu’il convoite lui paraît anormalement bas.
Les «conditions d’utilisations» du site transactionnel
Pour se délier de ses obligations contractuelles, le commerçant invoquait aussi les «conditions d’utilisation» de son site transactionnel. Celles-ci ne sont pas expressément mentionnées dans le courriel de confirmation de commande reçu par la consommatrice, mais elles figurent dans un hyperlien au bas de la page d’accueil du site Internet du commerçant. La clause invoquée par ce dernier stipule qu’il se réserve unilatéralement «"le droit de corriger toute erreur" ou "inexactitude" et "d’annuler des commandes" si une information "est inexacte, et ce, en tout temps et sans préavis (y compris après que vous ayez passé votre commande)"»(paragr. 59).
Le juge a retenu que le commerçant n’avait pas expressément porté à la connaissance de la consommatrice ces «conditions d’utilisation», contrairement à ce qu’exige l’article 54.4 de la loi. Cette disposition impose au commerçant l’obligation précontractuelle de divulguer au consommateur certains renseignements, dont «les conditions d’annulation, de résiliation, de retour, d’échange ou de remboursement» ainsi que «toutes les autres restrictions ou conditions applicables au contrat» (paragr. 69).
Le commerçant ne pouvait donc pas se soustraire à ses obligations en procédant purement et simplement à l’annulation de la commande et au remboursement de la somme payée par la consommatrice. Malgré sa bonne foi, il était lié contractuellement et ne pouvait modifier unilatéralement le prix annoncé.
En tenant compte de l’offre qui lui avait été faite d’acquérir le kayak à son prix coûtant (795 $), la consommatrice a obtenu 810,52 $ du commerçant.
2) Binette
Alors qu'il était à la recherche d'un canapé, le consommateur a vu que le commerçant, qui exploite un magasin de meubles, faisait la promotion d'un canapé au prix de 900 $, ce qui correspondait à un rabais de 1 899 $ par rapport au prix courant de 2 799 $. Arrivé au magasin, il a été informé qu'il s'agissait d'une erreur. Le canapé était en solde au prix de 1 899 $ et c'est plutôt le rabais qui était de 900 $. Le consommateur n'a pas acheté le canapé immédiatement.
Quelques jours plus tard, après avoir consulté un organisme de protection du consommateur, il est revenu au magasin pour acheter le canapé au prix de 1 899 $. Il a avisé le commerçant qu'il allait lui réclamer la différence entre le prix affiché et celui payé. Celui-ci a d'abord refusé de lui vendre le canapé, même au prix de 1 899 $, parce qu'il ne voulait pas gérer une procédure devant la Division des petites créances, mais le consommateur lui a indiqué qu'il était dans l'obligation de lui vendre le meuble. La vente a eu lieu et le consommateur a réclamé 1 153 $ pour la différence de prix.
Le juge a accueilli la demande en concluant que le commerçant ne pouvait afficher le canapé à 900 $ et exiger une somme supérieure au moment de la vente. Il a retenu que celui-ci avait contrevenu à l'article 224 c) de la Loi sur la protection du consommateur. Par contre, le juge a précisé qu’aucune disposition n'obligeait le commerçant à vendre le canapé au consommateur. Il aurait donc pu refuser de le faire.
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