Dans un billet de 2019, je vous faisais part de décisions portant sur des situations où l’amour n’avait pas été au rendez-vous et où l’un des époux cherchait à faire annuler son mariage en invoquant un vice de consentement. Dans le jugement dont il est question en l’espèce, même si le mari a invoqué un tel argument, la Cour supérieure a retenu que c’était plutôt le consentement de l’épouse qui avait été vicié.

Les faits

Les parties se sont mariées en 2012 dans leur pays d’origine. Il s’agissait d’un mariage arrangé, le père de l’épouse ayant décidé que celle-ci épouserait le mari. Il ne s’agissait d’ailleurs pas du premier mariage entre des membres des 2 familles.

L’épouse a rejoint son mari au Québec en 2017. Après quelques semaines passées avec des proches, celle-ci a pris conscience qu’elle ne désirait plus être mariée au mari et qu’elle souhaitait le quitter. C’est dans ce contexte que le mari a demandé l’annulation du mariage, tandis que l’épouse souhaitait obtenir un divorce.

La position des parties

Pour le mari, l’épouse n’avait jamais eu l’intention d’être mariée avec lui. Elle cherchait uniquement à lui soutirer de l’argent et à être parrainée afin de devenir citoyenne canadienne. En plus de l’annulation du mariage, celui-ci a réclamé des dommages-intérêts en lien avec les dépenses qu’il avait engagées pour le mariage, l’argent qu’il avait donné à l’épouse ainsi que les sommes qu’il avait dépensées pour préparer leur vie commune au Québec.

Pour sa part, l’épouse a nié avoir eu l’intention de tromper ou de blesser le mari. Elle a décrit les circonstances ayant mené au mariage et a affirmé qu’elle n’avait pas eu son mot à dire pour des raisons culturelles, mais espérait que la relation entre les parties évolue positivement.

La décision

Le juge Alexander Pless a accueilli la demande en annulation du mari, non pas parce que celui-ci aurait été victime d’une fraude, mais plutôt parce que l’épouse n’avait jamais donné un consentement libre en ce qui concerne le mariage.

D’une part, le mariage arrangé pose problème, car le consentement qui a été donné en l’espèce est celui du père de l’épouse. Cette dernière n’a jamais réellement adhéré aux obligations afférentes au mariage. Le consentement donné par le père est aussi problématique si l’on considère que le fait d’accepter de marier une personne sous-entend une volonté d’avoir des relations sexuelles avec celle-ci.

D’autre part, il faut constater que les parties n’ont jamais fait vie commune et que l’épouse n’a jamais eu l’intention de faire vie commune avec le mari. Le juge a retenu que l’épouse avait été réticente à l’idée de passer du temps avec le mari lorsque cela était possible. De plus, elle n’est pas venue au Canada dès qu’elle a obtenu son visa, mais plutôt peu avant l’expiration de celui-ci.

Le juge Pless a également conclu que la demande en annulation du mariage n’était pas prescrite. En effet, l’ordre public était en cause en l’espèce puisque le vice de consentement est survenu dans un contexte où les souhaits de l’épouse étaient subordonnés à ceux de sa famille.

Enfin, le juge a refusé d’accorder des dommages-intérêts au mari. Sans remettre en question les conséquences de l’échec de la relation pour celui-ci, le juge a néanmoins retenu que l’épouse avait fait la preuve de sa bonne foi et qu’on ne saurait lui reprocher le fait que la relation n’a pas évolué positivement ou qu’elle n’ait pas révélé ses sentiments au mari plus tôt.

Je vous laisse sur ces mots de Friedrich Nietzsche, qui me semblent bien appropriés dans les circonstances: «Le mariage c’est la volonté à deux de créer l’unique.»

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