L’article 81.19 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.) énonce, d’une part, que tout salarié a droit à un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique et, d’autre part, que l’employeur doit prendre les moyens raisonnables afin de prévenir le harcèlement et, lorsqu’une telle conduite est portée à sa connaissance, de le faire cesser.

Je souhaite attirer votre attention sur une décision récente, Verreault c. Arcelermittal Mines Canada inc., dans laquelle la Commission des relations du travail (CRT) a eu l’occasion (rare) de se prononcer sur les obligations de l’employeur en matière de prévention du harcèlement psychologique. Dans cette affaire, le commissaire Sylvain Allard a d’abord retenu que le plaignant, un contremaître, avait fait la démonstration du harcèlement psychologique subi de la part de son supérieur (art. 81.18 L.N.T.). Pour faire droit à la plainte en vertu de l’article 123.6 L.N.T., le commissaire devait également conclure que l’employeur avait omis de respecter ses obligations légales, en termes de prévention et de traitement du harcèlement psychologique.

Après avoir entendu les parties à ce propos, le commissaire a estimé que l’employeur n’avait pas prouvé s’être acquitté de ses obligations. En ce qui concerne le volet «prévention», il a noté des lacunes qu’il y a lieu de souligner :

  • L’employeur a modifié sa politique contre le harcèlement sexuel pour tenir compte de l’entrée en vigueur, en 2005, des dispositions de la Loi sur les normes du travail portant sur le harcèlement psychologique. Bien qu’une formation aux gestionnaires ait été donnée sur le sujet, rien n’indique que ce soit le cas pour les cadres engagés après 2008;
  • La formation de 12 jours en santé et sécurité du travail donnée aux nouveaux employés ne traite aucunement du harcèlement psychologique, alors que celui-ci devrait constituer une préoccupation partagée par tous les travailleurs;
  • Le fait de rendre la politique accessible au personnel sur le portail informatique de l'entreprise n'est pas suffisant pour remplir l’obligation de fournir aux salariés un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique;
  • L'employeur doit s'assurer de prendre les moyens raisonnables pour que tous ses employés soient promptement informés de ce qui constitue du harcèlement psychologique;
  • L’employeur doit s’assurer que ses employés savent qu’il est déterminé à prévenir le harcèlement psychologique et à le faire cesser lorsque celui-ci est porté à sa connaissance;
  • L’employeur doit aviser ses employés des conséquences possibles en cas de non-respect de la politique. À cet égard, le commissaire précise que «les impératifs de développement, de production et de rentabilité d’une entreprise ne sont pas une excuse pour passer outre ou retarder la mise en œuvre de l’obligation de prévention du harcèlement psychologique que la L.N.T. impose à tout employeur».

Par ailleurs, le commissaire a estimé que l’employeur n’avait pas pris les moyens raisonnables pour faire cesser la conduite harcelante après en avoir été informé :

«L’employeur a tenté de démontrer qu’il était impossible de permettre le retour au travail du plaignant étant donné que ce dernier avait demandé de ne pas être en contact avec son supérieur. La Commission ne partage pas cette vision.»

En effet, selon le commissaire, il lui appartenait de trouver une façon de permettre au plaignant de réintégrer son emploi rapidement et d'y demeurer. Or, en l'isolant et en le stigmatisant, il n'a fait que prolonger et accentuer la souffrance de celui-ci, ce qui n'est pas une réaction adéquate dans les circonstances.

Le commissaire a accueilli la plainte et ordonné à l’employeur de verser au plaignant 7 500 $ à titre de dommages non pécuniaires et 5 000 $ à titre de dommages exemplaires.

Ajout du 19 février 2014

Veuillez noter que la décision qui fait l'objet de ce billet a été portée en révision judiciaire devant la Cour supérieure.

Référence

Verreault et Arcelormittal Mines Canada inc.* (C.R.T., 2014-01-10), 2014 QCCRT 0009, SOQUIJ AZ-51037198.