L’article 439.1 du Code de la sécurité routière, prohibant l’usage d’un téléphone cellulaire tout en conduisant, continue de susciter de vives réactions. Dans un article récent, je vous faisais part de certaines décisions ayant trait à l’application de cet article, dont celle où le juge a conclu que le simple fait de regarder l’heure sur son téléphone cellulaire était prohibé. Eh bien, l’étau se resserre quant à la portée de son application.
Dans une affaire où le défendeur avait été reconnu coupable de l’infraction pour avoir été surpris son téléphone cellulaire maintenu à l’oreille par son épaule, le juge Dionne, de la Cour supérieure, devait décider si la juge d’instance avait erré en droit, d’une part en concluant que l’article 439.1 du code ne requiert la preuve que de trois éléments essentiels par la poursuite et, d’autre part, en jugeant que le simple fait qu’un téléphone cellulaire soit sur l’oreille constitue un «usage» au sens de l’article (Pedneault-Turmel c. Directeur des poursuites criminelles et pénales).
Les éléments essentiels de l’infraction
Le juge Dionne n’a pas retenu la position de l’appelant, qui, citant Villemaire c. L’Assomption (Ville de), Longueuil (Ville de) c. Paquette, Mérineau c. Longueuil (Ville de) et Sanderson c. St-Bruno-de-Montarville (Ville de), soutenait que, depuis l’entrée en vigueur de l’article 439.1, en avril 2008, la Cour supérieure avait maintenu une jurisprudence constante selon laquelle cet article comprenait quatre éléments essentiels, dont celui de «tenir en main» l’appareil.
D’entrée de jeu, le juge fait état de la divergence entre les versions française et anglaise de l’article 439.1 du code, les expressions françaises «faire usage d’un appareil tenu en main muni d’une fonction téléphonique» et «tient en main un appareil» étant rendues en anglais par «use a hand-held device that includes a telephone function» et «holding a hand-held device». Le juge retient que l’expression «hand-held device» est beaucoup plus précise en ce qu’elle décrit une caractéristique de la conception de l’appareil, soit sa qualité d’être portable ou portatif, plutôt que de préciser une façon de le tenir; rappelant l’objectif du législateur, soit de contrer les risques de distraction lors de la conduite d’un véhicule, il s’en remet à la version anglaise, qu’il juge plus claire, pour conclure que l’article 439.1 ne requiert que trois éléments constitutifs, soit : 1) être à la conduite d’un véhicule routier; 2) faire usage; et 3) d’un appareil portable muni d’une fonction téléphonique.
Le sens donné à l’«usage»
Amos (Ville d’) c. X est au même effet. Dans cette affaire, le défendeur avait admis avoir fait usage de son téléphone cellulaire en conduisant, mais il a expliqué qu’il tenait son appareil par le menton, près de son oreille, et que l’appareil était appuyé sur son épaule. Bien mal lui en prit, il a été condamné à payer une amende de 80 $. Le juge rappelle que l’article 439.1 a pour but de prohiber l’utilisation d’un téléphone cellulaire pendant la conduite automobile en raison du danger que comporte son utilisation, ce qui nous ramène à la question de l’«usage», à laquelle le juge Dionne devait répondre dans notre première affaire. L’appelant prétendait que la poursuite devait démontrer que l’appareil était en fonction pour en prouver l’«usage». Or, le juge n’a pas retenu cette position, ayant notamment considéré que rien dans le libellé de l’article 439.1 ne faisait en sorte que la notion d’«usage» impliquait la preuve que l’appareil soit en fonction. Ainsi, pour le juge Dionne, le fait que l’appelant avait à son oreille droite un téléphone intelligent était une façon de le tenir et d’en faire usage au sens de l’article 439.1 du code.
Références
- Pedneault-Turmel c. Directeur des poursuites criminelles et pénales (C.S., 2015-03-17), 2015 QCCS 1203, SOQUIJ AZ-51162522, 2015EXP-1201, J.E. 2015-663.
- Villemaire c. L'Assomption (Ville de), (C.S., 2011-04-15), 2011 QCCS 1837, SOQUIJ AZ-50743021, 2011EXP-1477, J.E. 2011-807.
- Longueuil (Ville de) c. Paquette (C.S., 2011-09-08), 2011 QCCS 4742, SOQUIJ AZ-50784979, 2011EXP-3193.
- Mérineau c. Longueuil (Ville de), (C.S., 2011-05-12), 2011 QCCS 2905, SOQUIJ AZ-50760890, 2011EXP-2365, J.E. 2011-1314.
- Sanderson c. St-Bruno-de-Montarville (Ville de), (C.S., 2013-07-23), 2013 QCCS 3566, SOQUIJ AZ-50989387, 2013EXP-2877, J.E. 2013-1566.
- Amos (Ville d') c. X (C.Q., 2015-02-10), 2015 QCCQ 2286, SOQUIJ AZ-51162515, 2015EXP-1202.
C’est une bien drôle de décision. En réalité, le législateur a voulu interdire que l’on tienne le téléphone. C’est justement ce que faisait l’accusé dans cette affaire: il tenait le téléphone mais entre sa tête et son épaule, pas dans sa main. Il fallait donc décider si une telle usage constituait une infraction. C’est tout ce dont devait décider le juge.
Ot, l’interprétation que je juge Dionne donne semble interdire l’utilisation d’un téléphone à l’aide d’un appareil « bluetooth » qu’il soit du type oreillette ou intégré à l’automobile. Le législateur n’a justement pas voulu interdire de telles utilisations (Sanderson c. Saint-Bruno-de-Montarville (Ville), 2013 QCCS 3566). En effet, faire ou prendre un appel par le biais d’un appareil bluetooth ne se fait que par le biais de l’usage d’un appareil téléphonique.
Il restera à voir comment évoluera la jurisprudence.
Une belle façon de garder les deux mains sur le volant, c’est une belle application, très conviviale, de la SAAQ. Elle s’appelle « en mode conduite ».
Elle conserve les appels et les textos. Un texto automatique répond..je suis au volant et à l’arrivée on a tout nos messages.
On entend aucun son alors aucune tentation de regarder le téléphone ou de répondre. On s’évite ainsi des points ainsi qu’une coûteuse contravention.