Mon fils de cinq ans, qui joue au hockey à un niveau où les contacts sont interdits, m’a demandé à quel moment il allait pouvoir pousser ses adversaires comme les joueurs de la Ligue nationale de hockey. J’avoue qu’il a un petit côté «goon», qui, je l’espère, ne se développera pas! En lisant le jugement récent du juge Payette, dans l’affaire Zaccardo c. Chartis Insurance Company of Canada, j’ai trouvé l’exemple parfait pour faire comprendre à mon fils les dangers de son sport préféré.
Voici les faits: le 3 octobre 2010, le demandeur Andrew et le défendeur Gauvreau-Beaupré, tous deux âgés de 16 ans, ont participé à une partie de hockey de niveau Midget AA. Ni l’un ni l’autre n’avait la réputation d’être un joueur «salaud» et ils n’entretenaient aucune animosité l’un envers l’autre. Leurs équipes respectives rivalisaient, mais il n’existait aucune hostilité entre elles. Trente-huit secondes après le début de la partie, Andrew a été frappé par-derrière par Gauvreau-Beaupré. Devenu tétraplégique, Andrew a réclamé à ce dernier ainsi qu’à sa compagnie d’assurances, la défenderesse, 6 600 000 $. Sa mère (1 000 000 $), son père (350 000 $) et son frère (50 000 $) ont également exigé d’être indemnisés.
Le juge précise un point important : «une patinoire de hockey n’est pas une zone de non-droit». Les règles générales de la responsabilité civile régissent les activités qui s’y déroulent, et notamment l’article 1457 du Code civil du Québec.
Ce qu’il est important de savoir est que :
[18] La commission d’une infraction aux règles et règlements régissant le sport en question, le hockey sur glace en l’espèce, et l’imposition d’une punition par le ou les arbitres en place, voire la ligue concernée, n’impliquent pas nécessairement que le geste commis constitue une faute civile [14], bien qu’il s’agisse de faits dont le Tribunal peut tenir compte dans son analyse. À l’inverse, le fait que le geste reproché soit resté impuni ne signifie pas qu’il ne constitue pas une telle faute. Tout s’apprécie en fonction des circonstances.
Le juge traite ensuite de la notion du «risque inhérent». En principe, une personne qui participe à une activité sportive en assume et en accepte les risques. Il s’agit alors d’un risque de blessure prévisible, raisonnable et inhérent à l’activité (paragr. 22) Or, il a été démontré que Hockey Québec et Hockey Canada, des organismes qui encadrent, organisent et font la promotion du hockey sur glace, décrivent la mise en échec par-derrière comme étant un geste dangereux et lâche que le joueur doit éviter de faire au moindre doute et qu’il s’agit d’un comportement à proscrire (paragr. 96). Ce geste ne constitue donc pas un risque inhérent à la pratique du hockey.
Malgré le fait que Gauvreau-Beaupré connaissait la prohibition absolue de mettre un adversaire en échec par-derrière et qu’il savait qu’un tel contact est extrêmement dangereux et peut causer des blessures catastrophiques avec des conséquences tragiques, il n’a pas tenté d’éviter Andrew sur la patinoire alors qu’il s’approchait de lui par-derrière à bonne vitesse. Au contraire, il a utilisé son avant-bras pour le projeter contre la bande et a accentué son geste en sautant. Ce geste n’avait rien d’accidentel. En fait, le geste du hockeyeur constituait un geste délibéré, bien qu’il n’ait pas été prémédité. Il n’a pas été fait dans le feu de l’action puisque Gauvreau-Beaupré bénéficiait de suffisamment de temps et d’espace pour arrêter, changer de direction ou amortir l’impact avec Andrew, même en tenant compte de la vitesse du jeu inhérente au hockey sur glace. D’ailleurs, il en possédait l’habileté (paragr. 95).
Dans ces circonstances, le juge a conclu que Gauvreau-Beaupré avait commis une faute, laquelle est la cause des dommages subis par Andrew et les membres de sa famille. Les sommes réclamées ont été accordées.
Le hockey est un beau sport comportant des risques inhérents mais, comme le précise le juge, «ses participants ne peuvent les augmenter de façon déraisonnable»!
Référence
Zaccardo c. Chartis Insurance Company of Canada (C.S., 2016-02-01), 2016 QCCS 398, SOQUIJ AZ-51251107. À la date de diffusion, la décision n’avait pas été portée en appel.
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