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En 2004, saisi d’une plainte formulée par certaines associations de cadres québécoises, le Comité de la liberté syndicale, qui fait partie de l’Organisation internationale du travail, a décidé que l’exclusion des cadres du régime général du Code du travail (C.tr.) contrevenait aux engagements internationaux du Canada, et plus précisément à la Convention (n°87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 et à la Convention (n° 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

Bien que le Comité ait enjoint au gouvernement, à cette occasion et à plusieurs reprises par la suite, de prendre les mesures nécessaires pour que les cadres visés bénéficient des mêmes mécanismes de négociation collective que les autres salariés, 12 ans plus tard, rien n’avait encore été fait jusqu’à deux décisions récentes du Tribunal administratif du travail. 

Ces décisions font suite au dépôt de deux requêtes en accréditation, la première, par l’Association des cadres de la Société des Casinos du Québec, et la seconde, par l’Association professionnelles des cadres de premier niveau d’Hydro-Québec.

L’employeur, dans les deux cas, a invoqué un moyen d’irrecevabilité fondé sur l’exclusion des cadres de la définition de « salariés » établie au code. Selon lui, cette exclusion se justifiait notamment par la nécessité d’éviter le conflit d’intérêts potentiel dans lequel se retrouveraient des représentants de l’employeur chargés de négocier leurs propres conditions de travail ou d’appliquer une convention collective à laquelle ils sont assujettis.

Se rangeant plutôt du côté des associations, la juge administrative Irène Zaïkoff a décidé que l’exclusion des cadres établie au Code du travail portait atteinte de manière injustifiée à la liberté d’association garantie par l’article 2 d) de la Charte canadienne des droits et libertés et par l’article 3 de la Charte des droits et liberté de la personne.

Selon elle, ce choix du législateur entrave substantiellement la capacité des associations de négocier, sur une base collective, des aspects importants des conditions de travail de leurs membres. Elle note en outre à cet égard le rapport de force disproportionné existant entre les parties puisque la reconnaissance des associations dépend du bon vouloir des employeurs; celles-ci sont, d’une part, privées du recours à la grève et, d’autre part, dépourvues de moyens pour forcer l’employeur à négocier de bonne foi.

Enfin, la juge a estimé que les justifications proposées par les employeurs n’avaient pas de lien rationnel avec l’atteinte aux droits, laquelle, de toute façon, n’est ni minimale ni justifiée par un besoin réel et urgent.

Elle a donc déclaré inopérante la disposition en cause et a convié les parties à l’audience au fond des requêtes en accréditation.

À venir, vraisemblablement : une demande de sursis et un pourvoi en contrôle judiciaire de ces décisions devant la Cour supérieure.

Références

  • Association des cadres de la Société des casinos du Québec et Société des casinos du Québec inc. (T.A.T., 2016-12-07), 2016 QCTAT 6870, SOQUIJ AZ-51348664. À la date de la diffusion, la décision n’avait pas fait l’objet de pourvoi en contrôle judiciaire.
  • Association professionnelle des cadres de premier niveau d’Hydro-Québec (APCPNHQ) et Hydro-Québec (T.A.T., 2016-12-07), 2016 QCTAT 6871, SOQUIJ AZ-51348665. À la date de la diffusion, la décision n’avait pas fait l’objet de pourvoi en contrôle judiciaire.
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