Je suis tombée sur un rapport très intéressant publié par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) en avril dernier : «Le respect des droits des élèves HDAA et l’organisation des services éducatifs dans le réseau scolaire québécois: une étude systémique».

Selon ce rapport, plus de 20 % des élèves québécois sont reconnus comme élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation et d’apprentissage (HDAA). Ce rapport nous apprend également que, entre 2000 et 2014, le tiers des commissions scolaires étaient responsables de 75 % des dossiers d’enquête ouverts à la (CDPDJ). Je vous propose en cette période de la rentrée un survol des dossiers qui se sont rendus jusqu’à la Cour d’appel durant cette période.

Commission scolaire de Montréal

Les faits : La victime de discrimination est atteinte de trisomie 21 et a une déficience intellectuelle moyenne. Elle a été scolarisée dans une classe ordinaire jusqu’en deuxième secondaire. La Commission scolaire a ensuite décidé de la diriger vers une classe spéciale.                                                                                   

La décision du Tribunal des droits de la personne : Le tribunal a estimé que la victime a fait l’objet d’un traitement discriminatoire pendant ses 2 années de secondaire puisque la Commission scolaire a omis de lui fournir les adaptations nécessaires à son apprentissage en milieu scolaire ordinaire. L’enfant a obtenu une indemnisation de 7 500 $.

La Cour d’appel : La Cour estime qu’elle n’est pas fondée à intervenir quant à la décision du Tribunal en ce qui concerne la victime puisque la (CDPDJ) n’a pas démontré que la décision d’orienter la victime vers une classe spécialisée à compter de sa troisième secondaire ne respectait pas la Loi sur l’instruction publique ou la Charte des droits et libertés de la personne et qu’elle n’avait pas été prise dans l’intérêt de l’enfant. Toutefois, la Cour a reconnu que le Tribunal avait fait une erreur en rejetant la réclamation de la mère de l’enfant. La mère ayant subi un préjudice moral découlant du traitement discriminatoire subi par son fils, elle a droit à une indemnité de 7 500 $.

Commission scolaire des Phares

Les faits : La victime est atteinte de trisomie 21 et présente une déficience intellectuelle de légère à moyenne ainsi qu’un retard de langage. Ses parents ont contesté son intégration partielle en classe ordinaire.

La décision du Tribunal des droits de la personne : Une somme de 22 500 $ a été accordée aux parents de l’enfant. La même somme a été accordée à ce dernier pour les dommages moraux et les atteintes à son droit d’être évalué sans discrimination ainsi qu’à son droit à la dignité qu’il a subis. Le Tribunal a également rendu des ordonnances ayant pour objectif d’«assurer la réorganisation des services et la mise en place du processus de classement conforme à la Charte pour les élèves présentant un handicap et une déficience intellectuelle» (paragr. 622).

 La Cour d’appel : La Cour conclut à l’absence de discrimination après une longue analyse de la preuve et affirme notamment que : «La juge commet également une erreur manifeste et déterminante en concluant de la preuve que l’appelante aurait monté une sorte de processus factice pour justifier une décision prise dès le départ de ne pas intégrer davantage l’enfant dans la classe ordinaire.»

Commission scolaire des Phares

Les faits : Ce dossier vise le même enfant que le cas examiné ci-dessus.

La décision du Tribunal des droits de la personne : Le Tribunal a accordé 20 103 $ aux parents de l’enfant pour leurs dommages matériels et 30 000 $ à l’enfant ainsi qu’à ses parents pour les dommages moraux subis. Le Tribunal a conclu que les évaluations de l’enfant ont été réalisées en utilisant les grilles appliquées aux enfants non atteints de handicap et que, en ce faisant, la Commission scolaire avait placé l’enfant en situation d’échec, n’ayant pas tenu compte de son handicap et ayant ainsi contrevenu à la charte.

Le Tribunal a aussi conclu que la Commission scolaire n’a proposé aucun accommodement raisonnable alors qu’elle devait favoriser l’intégration de l’enfant en classe ordinaire, démarche qui constituerait la norme juridique depuis les modifications apportées à la Loi sur l’instruction publique, en 1997. Enfin, il a rendu diverses ordonnances concernant l’évaluation et l’intégration de l’enfant.

La Cour d’appel : La conclusion de la Cour d’appel parle d’elle-même :

 «[100]En conclusion, bien que le Tribunal ait erré en droit en faisant de la norme d’intégration à privilégier une norme juridique impérative, la Cour ne voit aucune erreur de sa part dans l’appréciation des faits. Joël n’a pas été évalué en fonction de ses habiletés et de ses besoins propres. Il en découle que l’étude des moyens d’accommodement n’a pu être adéquate et qu’il est impossible de dire si la décision relative au classement de Joël reflétait son meilleur intérêt, ce dernier n’ayant pas été déterminé. Le Tribunal n’a pas non plus erré en concluant que l’intégration de Joël était discriminatoire, puisqu’il a été placé dans une classe ordinaire sans être réellement intégré au groupe.»

Puisque l’intégration en classe ordinaire ne constitue pas une norme juridique impérative, contrairement à ce que le Tribunal avait déterminé, la Cour d’appel modifie le dispositif de sa décision en biffant le paragraphe lié à l’une des ordonnances rendues par celui-ci.

Je vous ai fait ici un très bref survol des arrêts rendus, mais je vous invite fortement à les lire dans leur version intégrale pour avoir une bonne vision d’ensemble des différents problèmes vécus par les enfants en cause et des mesures qui doivent être mises en place par les différentes commissions scolaires.

Print Friendly, PDF & Email