Autres temps, autres mœurs ?

Pindare, poète grec

Le cannabis est maintenant légal au Canada, mais il n’est pas devenu pour autant un produit banal. En effet, même si le gouvernement l’a légalisé et en vend, la Loi sur le cannabis établit de nombreuses restrictions quant à sa promotion, tant au niveau de la présentation du produit (emballage et étiquettes) qu’à celui de la publicité permise.

La Commission des liqueurs, l’ancêtre de la Société québécoise du cannabis (SQDC) ?

La situation actuelle se rapproche drôlement de l’époque de la prohibition, qui a sévi au Canada à la fin du XIXe siècle.

Durant cette période, au cours de laquelle la vente d’alcool était bannie partout ailleurs en Amérique du Nord, le gouvernement du Québec a agi à titre de pionnier dans le domaine de l’étatisation de l’alcool en créant les premières succursales de la Commission des liqueurs. Ces magasins étaient les seuls autorisés à vendre de l’alcool et étaient alors soumis à des règles très strictes.

Ces règles ressemblent en plusieurs points à celles de la SQDC, qui possède également le monopole de la vente du cannabis sur le territoire québécois. À l’époque de la prohibition ‑ comme c’est le cas aujourd’hui pour les produits du cannabis‑, les bouteilles d’alcool étaient dissimulées dernière un comptoir.

Aucun produit ne pouvait ainsi être visible pour les consommateurs. Par ailleurs, il existait même une limite d’achat de 2 bouteilles de 26 onces par visite par jour.

Et la publicité dans tout cela ?

Ce n’est qu’un demi-siècle après la légalisation de l’alcool que les Québécois ont pu voir les produits alcoolisés et y avoir un accès direct en magasin. Il aura toutefois fallu attendre les années 1990, soit plus de 70 ans après la création de la Commission des liqueurs, pour que la Société des alcools du Québec (SAQ) prenne un virage plus commercial.

Nous n’avons qu’à penser à la nouvelle carte de fidélité « Inspire » et aux nombreuses publicités telles que : « Pour Pâques, partez à la chasse aux aubaines », « Sortez les bulles pour la journée de la Femme » et « Solde-éclair ce samedi, jusqu’à 20 % de rabais ». Qui plus est, les succursales de la SAQ Dépôt offrent maintenant un rabais de 15 % en tout temps à l’achat de 12 bouteilles !

En 2019, le fait de consommer de l’alcool n’est plus réservé aux marginaux. Il s’agit maintenant d’un produit « normalisé » qu’il est même possible d’acheter à l’épicerie.

Selon Jean-Sébastien Fallu, professeur à l’Université de Montréal et chercheur à l’Institut universitaire sur les dépendances, cela ne risque pas d’arriver à court terme dans les SQDC, mais les mœurs évolueront tout comme l’opinion publique.

Quant à l’historien Gilles Laporte, il raconte que, en un peu moins de 1 siècle, « l’alcool est passé d’un produit hautement sulfureux, pratiquement interdit, associé au diable et à la débauche, à un produit de consommation plus banal, dont on fait maintenant la promotion ». Cette situation peut-elle alors laisser présager qu’un jour il arrivera la même chose avec la consommation des produits du cannabis ?

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