L'article 39 de la Loi sur la protection du consommateur impose au commerçant et au fabricant de tout bien qui nécessite un entretien l'obligation de rendre disponibles les pièces de rechange et les services de réparation pendant une durée raisonnable après la formation du contrat:


39.
 Si un bien qui fait l’objet d’un contrat est de nature à nécessiter un travail d’entretien, les pièces de rechange et les services de réparation doivent être disponibles pendant une durée raisonnable après la formation du contrat.

Le commerçant ou le fabricant peut se dégager de cette obligation en avertissant le consommateur par écrit, avant la formation du contrat, qu’il ne fournit pas de pièce de rechange ou de service de réparation.

La récente décision Tremblay c. Mazda Canada inc. illustre bien cette garantie.

La voiture d'une consommatrice, un modèle 2021 de marque Mazda, avait été endommagée lors d'un accident en février 2022. Elle a été transportée chez un carrossier qui a commandé des pièces de rechange auprès d'un concessionnaire. Or, le support de radiateur n'était pas disponible à l'entrepôt de Mazda situé en Ontario. Cette pièce était en rupture de stock partout en Amérique du Nord. Mazda ayant dû commander la pièce au Japon, celle-ci n'a été livrée au concessionnaire québécois que 5 mois plus tard.

La consommatrice a réclamé près de 15 000 $ à Mazda pour les dommages qu'elle a subis en raison du délai avant que la pièce ne soit disponible.

Mazda était d'avis que l'article 39 de la loi ne s'appliquait pas parce qu'il ne s'agissait pas d'une pièce liée à l'entretien régulier du véhicule. Selon elle, la nécessité de son remplacement ne découlait pas d'une garantie applicable au fabricant, mais plutôt d'un accident de la route. De plus, le délai de livraison aurait été attribuable à une situation de force majeure découlant de la pandémie de la COVID-19.

Le juge a rejeté ces prétentions. Voici pourquoi.

La garantie prévue à l'article 39 de la loi n'est pas limitée aux cas visés par des garanties légales

Le juge a d'abord conclu que l'article 39 de la loi doit recevoir une application large et libérale qui favorise son objet. Il vise à éviter qu'un bien ne puisse devenir totalement inutilisable s'il est impossible de trouver des pièces ou d'obtenir le service de réparation requis.

L'obligation d'assurer la disponibilité des pièces de rechange demeure une obligation autonome. Elle n'est pas limitée aux cas visés par la garantie d'usage d'un bien (art. 37 de la loi), par la garantie de durabilité (art. 38 de la loi) ou par la garantie de qualité prévue à l'article 1726 du Code civil du Québec.

Le délai de 5 mois pour rendre la pièce disponible est déraisonnable

Dans Lamothe c. Chrysler Canada inc., un délai de 2 mois pour rendre une pièce disponible a été jugé déraisonnable.

Le juge avait aussi suggéré 3 critères non exhaustifs afin de déterminer si le délai pour rendre une pièce disponible est raisonnable:

1) la nature de la pièce: plus une pièce est essentielle au fonctionnement du véhicule, plus le fabricant doit faire preuve de diligence pour la rendre disponible.

2) la période de mise en marché du véhicule: plus le véhicule est d’un modèle récent, plus l’inventaire de pièces disponibles doit être complet.

3) la cause de la rupture d'inventaire: si la rupture d’approvisionnement est momentanée, imprévisible et qu’elle découle d’un problème ponctuel et non pas d’un manque de planification, cette situation peut être prise en compte.

Dans l'affaire qui nous intéresse, le support à radiateur était une pièce essentielle au fonctionnement du véhicule. Sans lui, le véhicule ne peut pas rouler. S'agissant d'un modèle 2021 qui a requis une pièce en février 2022, l'inventaire de pièces aurait dû être complet. La rupture de stock démontre un manque de planification de Mazda relativement à cette pièce. Celle-ci devait s'assurer de garder un nombre requis de pièces en stock pour qu'elles soient disponibles ou s'assurer que son fournisseur soit en mesure d'en fabriquer avec diligence, si elle optait pour un nombre en inventaire inférieur au besoin.

Mazda ne pouvait pas simplement alléguer que la pièce n'était pas disponible chez son fournisseur alors qu'elle l'était habituellement. Elle n'a pas prouvé l'existence d'un cas de force majeure.

Les pièces de rechange qui doivent être disponibles ne sont pas que les pièces d'entretien régulier

Selon Mazda, un consommateur ne doit pas avoir la même expectative de disponibilité pour une pièce qui n’est pas une pièce d’entretien régulier.

Or, le juge a souligné qu'à l'article 39 de la loi le législateur utilise les termes «bien» et «pièces». La notion de «bien» n'est donc pas limitée aux pièces. C'est le bien qui nécessite des pièces de rechange. La loi ne fait pas de distinction entre des pièces requises pour un entretien régulier ou un autre type d'entretien.

Les dommages

Au total, la consommatrice a obtenu 4 308 $ de Mazda, dont 2 000 $ pour les inconvénients qu'elle a subis et les démarches qu'elle a dû entreprendre, ainsi que 2 090 $ pour la location de son véhicule.

Une garantie bientôt améliorée

La Loi protégeant les consommateurs contre l’obsolescence programmée et favorisant la durabilité, la réparabilité et l’entretien des biens bonifie la garantie légale de disponibilité des pièces de rechange et des services de réparation pour les biens de nature à nécessiter un travail d’entretien. Elle modifie notamment l'article 39 de la loi.

La disponibilité des renseignements nécessaires à l'entretien ou à la réparation de ces biens devra aussi être garantie.

Les commerçants ou les fabricants, tenus à la garantie de disponibilité, devront rendre disponibles les pièces, les services de réparation et les renseignements nécessaires à l’entretien ou à la réparation du bien à un prix raisonnable ou, lorsque certains de ces renseignements sont accessibles sur un support technologique, gratuitement.

Les pièces de rechange devront aussi pouvoir être installées à l’aide d’outils couramment disponibles, sans causer de dommage irréversible au bien. De plus, le consommateur, en certaines circonstances, pourra exiger la réparation du bien qui la nécessite.

Ces dispositions entreront en vigueur 2 ans après la sanction de la loi, c'est-à-dire en octobre 2025.