On parle d’assignation temporaire lorsqu'un employeur propose à un travailleur ayant subi une lésion professionnelle un travail qu'il ne fait pas habituellement. Cette assignation est possible lorsque la personne est incapable d'exercer son emploi, mais est tout de même apte à accomplir certaines tâches.

La collaboration entre l’employeur, le travailleur et son médecin est essentielle à la mise en place d'une assignation temporaire. En effet, l'employeur doit d'abord remplir un formulaire en fournissant une description complète des tâches à effectuer, et le médecin doit alors les évaluer selon plusieurs critères. L'employeur peut assigner temporairement un travailleur seulement si le médecin a donné son accord.

Mais qu'en est-il du droit de gestion de l'employeur («droit de la direction») alors qu'il a notamment le droit de décider des tâches à faire, de la façon de les faire et du moment où elles doivent être faites? Un travailleur peut-il refuser d'exécuter une tâche s'il estime qu'elle n'a pas été autorisée par son médecin?

Voici quelques décisions récentes à ce sujet:

Perceval et Métro Richelieu inc.

Un journalier a été suspendu durant son assignation temporaire en raison de ses refus d'exécuter une tâche.

Selon sa contremaîtresse, les tâches proposées par l’employeur au médecin du travailleur ne le sont qu’à titre indicatif afin de lui donner une idée du travail qui peut être requis des travailleurs en assignation temporaire. Elle avance que cela relève de son droit de direction de décider par elle-même ce qui peut être requis des travailleurs en assignation temporaire.

Considérant notamment que l'assignation temporaire est un droit du travailleur, le Tribunal administratif du travail a conclu que le refus du travailleur était justifié et ne pouvait pas être considéré comme de l'insubordination, et ce, même si ce dernier avait déjà accepté d'exécuter cette tâche et qu'il avait admis qu'il était en mesure de la faire.

En effet, il n’est pas permis à l’employeur de substituer l’avis du médecin par le sien et de déterminer par lui-même si une tâche satisfait à ces critères.

Jolette et Consortium Jack World inc.

Une ébéniste a été suspendue, puis congédiée, en raison de ses retards répétés et de son absentéisme pendant le déroulement de son assignation temporaire ainsi que lors de son retour au travail progressif.

Selon la travailleuse, le fait d’être en travaux légers lui permettait de gérer son horaire de travail sans qu'il y ait de répercussion sur sa prestation de travail. Or, la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a conclu que, malgré la présence d'une lésion professionnelle et d'un retour au travail progressif, l'employeur conservait son droit de direction et pouvait exiger que la travailleuse respecte son horaire de travail.

Société de transport de l'Outaouais et Syndicat canadien de la fonction publique – section locale 5910 (Éric Laflamme)

Un chauffeur d'autobus a été suspendu en raison de son refus d'exécuter les tâches requises par son employeur au motif qu'elles ne figuraient pas au formulaire d'assignation temporaire rempli par son médecin.

Il ne fait pas de doute pour le Tribunal que le formulaire d'assignation temporaire ne peut établir toutes les tâches possibles en assignation temporaire. Il s'agit plutôt d'un type de tâches, donné à titre indicatif. En l'espèce, le travailleur devait être en mesure de travailler tantôt assis et tantôt debout. Or, l'assignation requise par l'employeur remplissait ce critère. Si le travailleur estimait que les tâches en cause étaient dangereuses, il devait obtenir de son médecin une prescription précise à cet égard. Les tâches requises ne résultaient donc pas d'un abus des droits de la direction et, en refusant de les exécuter, le plaignant a commis une insubordination.

Par ailleurs, la seule restriction relatives aux tâches à faire exécuter en assignation temporaire est celle dictée par une autorité médicale. En l’absence d’une telle restriction, il faut se fier au bon sens de la gestion, pourvu qu’il n’y ait pas d’abus de droit.

Abbas et École Peter Hall inc.

Une enseignante a porté plainte contre son employeur, qui avait refusé de lui offrir une assignation temporaire, même si celle-ci avait été autorisée par son médecin.

La CNESST a estimé qu'il ne s'agissait pas d'une sanction. L'employeur a seulement usé de son droit de direction en mettant fin à l'assignation, n'étant plus en mesure d'offrir des tâches à la travailleuse selon la formule proposée par son médecin. De plus, cette situation ayant eu lieu avant la date de la consolidation, l'employeur n'avait aucune obligation relative à la réintégration ou à la réadaptation professionnelle.

M.G. et Ministère A

Un agent des services correctionnels a allégué avoir subi une sanction de la part de son employeur lorsque celui-ci a mis fin à son assignation temporaire sans motifs valables. Outre qu'il s'agit de son droit de direction, l'employeur a soutenu qu'il était dans l’obligation de protéger la santé et la sécurité du travailleur et qu’il avait un pouvoir discrétionnaire pour ce faire.

Même si l'employeur a le droit de mettre fin à une assignation temporaire, il doit avoir un motif sérieux et raisonnable justifiant une telle mesure. En l'espèce, le travailleur a offert une prestation de travail à la hauteur des exigences requises dans le cadre de son assignation temporaire qui a duré 26 mois. L'avis du psychiatre de la CNESST qui a retenu des limitations fonctionnelles ne peut être considéré comme suffisamment important pour mettre fin à cette assignation. Il appert que l'employeur s'est plutôt impatienté de la lenteur de la progression du dossier du travailleur et a décidé de profiter des conclusions de ce médecin pour mettre un terme à l’assignation temporaire. Le motif invoqué par l'employeur est donc un prétexte et ne constitue pas une cause juste et suffisante.

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