Une décision récente a attiré mon attention sur la responsabilité des entreprises de services funéraires envers leurs clients. Il s’agissait d’une affaire où l’entreprise n’avait pas reconstitué le visage d'un défunt conformément aux règles de l'art avant sa crémation.
Un contrat avait été conclu pour le transport de la dépouille, la crémation, l’urne et la préparation de documents légaux. La dépouille devait être exposée dans une salle où sa veuve pouvait se recueillir avant l’incinération. Or, la préparation du corps n’a pas été faite correctement. Le visage du défunt n’avait pas été reconstitué selon les règles de l’art, son estomac était «distancé» et il portait des gants blancs. Une odeur répugnante se dégageait dans la pièce, rendant tout recueillement impossible.
Pour la déception, le chagrin et la douleur que la veuve a subis, le tribunal lui a accordé 2 000 $.
Une recherche dans les banques de données de SOQUIJ m’a permis de retracer d’autres décisions où des clients se sont vu accorder des indemnités pour le préjudice moral qu’ils avaient subi dans un contexte de services funéraires. En voici un aperçu.
Préparation inadéquate de la dépouille
La décision 9019-4903 Québec inc. c. Brouillet est dans la même veine que la précédente.
Le jour des funérailles, même si le contrat ne le prévoyait pas, un homme avait insisté pour que le cercueil de son épouse soit ouvert en présence des jeunes enfants du couple et de quelques proches.
Or, la dépouille n'avait pas été préparée correctement et sa vue leur a causé un véritable choc. La réclamation de l’entrepreneur de pompes funèbres pour les services qu’il avait rendus a donc été réduite en raison de ce manquement à ses obligations contractuelles.
Manque de respect envers l’urne funéraire
Dans Sylvain c. Urgel Bourgie, la demanderesse reprochait notamment à une maison funéraire d’avoir manqué de respect envers l’urne contenant les cendres de sa mère. Lors du transport vers le colombarium, le chauffeur, directeur des funérailles, a brusquement placé l’urne sur la banquette arrière de la voiture, sans la stabiliser. Les dommages moraux subis par la demanderesse ont été arbitrés à 500 $.
Inhumation des cendres à l’insu du liquidateur de la succession
Une résidence funéraire qui a inhumé des cendres à l’insu du fils de la défunte, liquidateur de la succession, a été condamnée à indemniser celui-ci.
En effet, l’inhumation a eu lieu à une date fixée par un autre membre de la fratrie. Connaissant les dissensions au sein de la famille, le juge a conclu que la résidence funéraire avait agi de façon imprudente et insouciante en suivant les instructions de cette personne sans autorisation ou confirmation du liquidateur de la succession et sans même l’informer de la date des funérailles. Elle n’a pas respecté les termes du contrat de services funéraires conclu avec lui.
Ayant beaucoup souffert de ne pas avoir pu assister aux funérailles de sa mère et à l’inhumation de ses cendres, le fils a obtenu une compensation monétaire de 1 500 $.
Refus de montrer le cadavre aux parents du défunt
Dans Brassard c. Maisons funéraires Blais inc., une femme dont le fils s’était suicidé réclamait des dommages moraux de 5 000 $ à une maison funéraire parce qu’elle n’avait pas eu la possibilité de voir le corps une dernière fois avant qu’il ne soit incinéré.
Même si elle ne souhaitait pas d’exposition, elle avait demandé à voir son fils pendant quelques minutes. La maison funéraire a refusé au motif que le corps n’avait pas été préparé.
Or, le juge a conclu qu’aucune contrainte légale, éthique ou de santé publique ne justifiait ce refus. L’embaumement n’était pas requis par le Règlement d'application de la Loi sur la protection de la santé publique (R.R.Q. 1981, c. P-35, r. 1) et la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons et la disposition des cadavres, car le corps ne devait pas être exposé. L'exposition signifie une présentation publique du défunt et non le fait de montrer le corps en privé à un membre de la famille.
Pour le préjudice moral prévisible qu’elle avait subi, la mère du défunt a obtenu 1 000 $.
Exhiber une dépouille qui n’est pas celle du parent décédé
Dans Raicu-Moroca c. Complexe funéraire Fortin, les membres d’une famille ont obtenu des dommages moraux de 26 000 $ pour le préjudice que leur a fait subir une entreprise funéraire en leur exhibant une dépouille qui n’était pas celle de leur parente décédée.
En effet, le corps de la défunte a été interverti avec celui d’une autre. La famille n’a donc pas pu voir leur mère et grand-mère une dernière fois. À cause de cette méprise, les cendres ont été «perdues», du moins jusqu’au jour du procès.
Perte des cendres d’un défunt
Dans une vieille affaire de 1989, Robert c. Cimetière de l'est de Montréal Inc., les frères et sœurs d’une même famille ont obtenu chacun 1 000 $ du cimetière, qui avait égaré les cendres de leur père. L’urne contenant les cendres avait été exhumée par erreur du terrain dont la famille était concessionnaire.
Présence d’ossements visibles dans une fosse du cimetière
Un cimetière qui a omis de nettoyer une fosse destinée à enterrer le cercueil contenant les restes d’une défunte a été condamné à indemniser la fille de celle-ci. Cette dernière a obtenu 250 $ à titre de liquidatrice de la succession de sa mère et, à titre personnel, 1 500 $ pour le préjudice moral découlant de sa découverte d'ossements humains sur la tombe de sa mère inhumée quelques semaines auparavant.
Comme le lot était déjà occupé par les cercueils de parents, une descente des ossements devait être effectuée. Il s’agit d’une pratique courante qui permet d’inhumer des dépouilles additionnelles dans un lot déjà occupé par plusieurs cercueils. Les cercueils sont ainsi enlevés au moyen d'une excavatrice et les ossements sont recueillis, déposés dans un sac puis enterrés de nouveau au fond de la fosse, et ce, afin de pouvoir y déposer un nouveau cercueil.
Or, au jour des funérailles, on pouvait encore voir des ossements au fond de la fosse, ce qui a passablement traumatisé la fille de la défunte. De plus, quelques semaines plus tard, des ossements humains étaient visibles dans la terre ayant servi à remblayer la fosse. Le cimetière aurait dû informer sa cliente des risques inhérents à une descente d'ossements en plein hiver afin qu'elle puisse prendre une décision éclairée, ce qui aurait témoigné d’une plus grande empathie.
Fautes d’orthographe sur un monument funéraire
Enfin, pour avoir commis une faute dans l’inscription d’une épitaphe sur un monument funéraire, un homme a été condamné à rembourser le coût de ses travaux à ses clients (1 667 $).
Les fautes d'orthographe qu'il a commises, le défaut d'alignement de l'inscription et l'utilisation d'un caractère différent de celui des autres épitaphes constituent des manquements aux règles de l’art. Le seul moyen de les réparer consistait à enlever une couche de surface, à polir la pierre et à refaire toutes les inscriptions.