La Loi sur les aspects civils de l’enlèvement international et interprovincial d’enfants a pour objet d’assurer le retour immédiat au lieu de leur résidence habituelle des enfants déplacés ou retenus au Québec ou encore dans un État désigné, selon le cas, en violation d’un droit de garde. Elle prévoit certaines situations où il sera possible de refuser d’ordonner le retour d’un enfant, notamment lorsqu’une demande de retour immédiat aura été introduite plus de 1 an après le déplacement ou le non-retour et que l’enfant se sera intégré dans son nouveau milieu. Récemment, la Cour d’appel a été saisie d’un dossier où l’exception d’intégration était en cause.

Retour sur les faits

Les parties sont originaires du Mexique et elles ont une fille de 7 ans. En 2022, la mère, qui exerce la garde de l’enfant, quitte le Mexique avec celle-ci pour venir au Canada. En 2024, le père introduit une demande de retour immédiat en vertu de la loi, que la mère conteste en invoquant notamment l’exception d’intégration.

Le jugement de première instance

Pour la juge, bien que l’enfant semble à l’aise dans son milieu de vie actuel, elle n’y a pas forgé de liens significatifs et ne s’est pas intégrée dans son nouveau milieu au sens de la loi.

Elle écrit d’ailleurs ce qui suit sur ce qui est requis pour qu’on puisse conclure à une intégration:

[62] On peut se demander ce que ferait une famille nouvellement arrivée au Québec et au Canada pour s’habituer à son nouvel environnement et faciliter sa transition et son intégration dans cette nouvelle vie. Il est fondamental pour le parent ravisseur de sécuriser un emploi et d’apprendre la langue officielle et y exposer l’enfant déplacé. Mais sur le plan de l’intégration dans ce nouveau milieu, on peut s’attendre à plus. Une preuve devra être faite que l’enfant déplacée trouve racine dans son nouvel environnement et montre aisance, facilité, confort et plaisir à trouver de nouveaux repères, à structurer de nouvelles habitudes et routines de vie. Sur le plan social, il faudra aussi démontrer que de nouvelles amitiés significatives ont été forgées.

[63] Parmi les éléments qui auraient pu suggérer une intégration d’une enfant de sept ans au Québec, on peut penser à la maîtrise de la langue française, et éventuellement anglaise, à une preuve d’appréciation particulière de la neige ou des quatre saisons, au partage de traditions culinaires québécoises, à une preuve de déplacements effectués en famille pour découvrir les paysages, régions ou villes et villages québécois et/ou canadiens, ou encore à une preuve d’implication particulière dans la nouvelle communauté. Ici, ces liens d’intégration ne sont pas présents, ou encore, commencent à peine à se structurer, mais de manière très précaire.

En l’espèce, l’enfant s’adapte simplement à un milieu qui lui a été imposé. L’exception d’intégration n’est pas retenue.

L’arrêt de la Cour d’appel

La Cour d’appel conclut que la juge de première instance a correctement énoncé les principes applicables, mais qu’elle a fait fausse route en appliquant ceux-ci de manière trop restrictive en exigeant pour ainsi dire une preuve d'assimilation sociale afin de conclure à une intégration. La juge a ainsi élargi la définition d'«intégration» pour y inclure une conception stéréotypée de la culture québécoise, qui, de surcroît, ne tient pas compte des intérêts particuliers de l'enfant, de la réalité des nouveaux arrivants et des moyens financiers du parent demandeur d'asile.

Or, la Cour estime pour sa part que la preuve est suffisante pour conclure à l’intégration de l’enfant. Celle-ci réside au Québec depuis plus de 2 ans au moment de l'audience en première instance. Elle vit la vie d'une fillette de 7 ans, c'est-à-dire qu'elle va à l'école, a des amis et participe à des activités parascolaires. Elle est entourée de sa famille, dont sa mère, avec laquelle elle a toujours vécu. La preuve démontre que l'enfant a trouvé de la stabilité et de la sécurité dans ce nouveau milieu. Son déplacement par la mère était certainement répréhensible, mais l'enfant s’est intégrée à son nouveau milieu et, dans les circonstances de l'espèce, les objectifs poursuivis par la loi sont insuffisants pour justifier un nouveau déracinement.