Paru initialement sur LesAffaires.com.

BLOGUE. Les caméras sur les lieux de travail peuvent se révéler très utiles pour les employeurs, ce qui explique leur utilisation de plus en plus fréquente.

 Par exemple, dans Dahdouh et Restaurant Les Maronniers, unemployé avait réclamé une indemnisation à la CSST pour une lésion professionnelle, soit l’amputation partielle d’un doigt. Or, le système de surveillance vidéo installé par l’employeur démontrait que le travailleur s’était volontairement mutilé. La Commission des lésions professionnelles a décidé que l’enregistrement était recevable en preuve.

Dans d’autres affaires, des enregistrements vidéo, parfois effectués à partir de caméras cachés, ont été invoqués pour justifier l’imposition de mesures disciplinaires, notamment en matière de vol, voie de faits, vandalisme, sabotage, etc.

Utilité pour les employés

La surveillance vidéo n’est pas seulement utile pour les employeurs. Elle peut également venir en aide aux employés. Pensons seulement aux caméras installées dans le but d’accroître la sécurité du personnel, dans les centres de détention ou les autobus, par exemple.

D’ailleurs, une affaire récente démontre que de telles caméras peuvent également se montrer utiles pour faire annuler des mesures disciplinaires non fondées.

En effet, dans l’affaire Syndicats des chauffeurs d’autobus, un membre du syndicat avait été congédié parce que l’employeur avait jugé qu’il avait fait preuve de négligence grave dans la conduite de son véhicule, blessant grièvement un piéton qui voulait monter à bord. Le syndicat avait déposé un grief à l’encontre du congédiement. Même si une lettre d’entente intervenue entre le syndicat et l’employeur avait interdit l’usage à des fins disciplinaires des images captées par le système de surveillance situé dans les autobus, les parties avaient consenti à ce que l’arbitre y ait accès dans ce cas particulier. Or, le visionnement de la preuve matérielle a permis à l’arbitre de reconstruire de façon précise la séquence des événements et de constater que la cause principale de l’accident était non pas la faute du chauffeur, mais bien la témérité et l’imprudence de la victime. 

Congédiés pour le vol d’une canette de Pepsi

Si la surveillance vidéo peut, comme nous venons de le voir, favoriser une saine administration de la justice, elle peut aisément, lorsqu’elle est utilisée à mauvais escient ou de manière maladroite, devenir un vecteur d’injustice.

Par exemple, dans Services d’entretien d’édifices Allied, le système de surveillance d’un client de l’employeur avait capté des images où certains de ses préposés à l’entretien semblaient extraire illégalement des boissons gazeuses d’une machine distributrice.

Avisé de ce fait par son client, l’employeur avait aussitôt retiré les salariés de l’exécution de ce contrat, pour ensuite les congédier ou les convaincre qu’il était dans leur intérêt de démissionner. Or, à l’audience, alors que l’employeur invoquait une politique de tolérance zéro en matière de vol, la preuve a démontré que la machine distributrice, en raison d’une défectuosité, retenait des canettes dûment payées. Bref, selon la Commission des relations du travail, aucun vol n’ayant été démontré, les congédiements devaient être annulés.

Dans tous les cas, l’employeur ne doit pas perdre de vue que les enregistrements vidéo risquent d’être interprétés par le tribunal à la lumière des témoignages et d’autres éléments de preuve, à moins que les images ne laissent place à aucune interprétation. Il faut donc, en cas de doute, agir avec prudence et prendre les devants en menant sa propre enquête, histoire d’éviter le malaise et les conséquences pécuniaires liés à la réintégration forcée de salariés que l’on a injustement accusés de vol.

À ne pas oublier

Il faut également se rappeler que l’employeur s’expose à des poursuites s’il fait un usage déraisonnable d’un système de surveillance.

En effet, selon les conditions d’utilisation et les circonstances de chaque affaire, un tel système pourrait constituer une atteinte illicite aux droits fondamentaux des employés, en l’occurrence le droit à des conditions de travail justes et raisonnables de même que celui au respect de leur vie privée (articles 46 et 5 de la Charte des droits et libertés de la personne). À cet égard, les tribunaux vont notamment scruter les motifs de l’employeur ainsi que les moyens qu’il utilise pour parvenir à ses fins. 

Ce billet a été rédigé avec la collaboration de Me Sylvie Théoret.

Références

  • Dahdouh et Restaurant Les Marronniers (C.L.P., 2012-12-21), 2012 QCCLP 8172, SOQUIJ AZ-50923903, 2013EXP-424, 2013EXPT-209;
  • Union internationale des travailleuses et travailleurs unis de l'alimentation et du commerce, section locale 500 et Provigo Distribution inc. (Provigo St-Sauveur), SOQUIJ AZ-00141317;
  • Syndicat des travailleurs unis du Québec — STUQ (FTQ) et Pomatek inc. (Nicolas Pieffer-Pagé), SOQUIJ AZ-50448279;
  • Québec (Gouvernement du) (Sécurité publique) et Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec (Michel Beaudet), SOQUIJ AZ-50680039;
  • Bombardier inc. — Canadair et Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale, loge d'avionnerie de Montréal, section locale 712, SOQUIJ AZ-96141065;
  • Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier (SCEP) CTC et Emballages Rocktenn Canada, s.e.c. (Emballages Smurfit-Stone Canada inc.), (Frédéric Morin), SOQUIJ AZ-50870863.
  • Syndicat des chauffeurs d'autobus, opérateurs de métro et employés des services connexes au transport de la STM, section locale 1983 - SCFP et Société de transport de Montréal (STM), (Ronald Raymond), SOQUIJ AZ-50909899
  • Achile et Services d'entretien d'édifices Allied (Québec) inc., SOQUIJ AZ-50936608 (en révision judiciaire).